Après le sommet Afrique-France, les réflexions de Diabé Traoré, Malien sans papiers militant dans un collectif de Montreuil (Propos recueillis par Grégory Marin dans l'Humanité du 20 février 2007).
« Si nous quittons nos pays d’origine, c’est avant tout pour des raisons économiques. Au Mali, nous n’avons pas accès aux services publics, aux services sociaux. Notre gouvernement ne nous donne pas les moyens de vivre décemment dans le pays. Conséquence : nous subissons un déracinement non seulement forcé mais organisé. C’est nous qui subissons l’immigration. Et quand on arrive ici, on constate que ce sont nos chefs d’État, et la France elle-même, qui entretiennent cette situation- . Les États coopèrent pour favoriser l’enrichissement personnel des dirigeants et des entreprises. - Résultat : les peuples africains sont pauvres, alors que l’Afrique est riche de ses matières premières, de son agriculture...
Je travaille sans papiers en France, mais la richesse que je crée ici, je préférerais la créer chez moi. Être un travailleur sans papiers ne m’empêche pas de payer des cotisations sociales et des impôts. Or, avec les lois Sarkozy, qui ont mis fin à la règle des dix ans (dix ans de présence sur le territoire national ouvraient des droits à la régularisation), on peut être attrapé et renvoyé à n’importe quel moment dans notre pays d’origine. À qui seront reversées nos années de cotisations ?
J’envoie les deux tiers de mon salaire « au pays », pour la nourriture et les soins de ma famille. Dans la région d’où je viens, on a construit une école avec l’argent des travailleurs immigrés, parce qu’on ne peut pas compter sur l’aide au développement, insuffisante, et que la population de nos pays est saignée aux quatre veines pour rembourser la dette. Mais au lieu de discuter de son effacement au sommet Afrique-France, ils vont échanger des enveloppes et ça va s’arrêter là. Nous qui vivons en France, voulons une vraie coopération bilatérale, sur les questions économiques et de développement, mais aussi pour - régler le problème des expulsions. C’est un débat politique, que nous avons porté auprès d’Olivier - Besancenot, Arlette Laguiller, les Verts, etc. On attend une réponse de Marie-George Buffet, mais Ségolène Royal a déjà refusé de nous - recevoir.
Nos revendications sont simples : respect des droits sociaux, reversement des cotisations salariales bloquées en France, délivrance de la carte de séjour au bout de dix ans de présence sur le territoire national, etc. Pour les faire entendre, on lance un appel, avec les collectifs de sans-papiers, à cesser le travail, comme ils (les travailleurs mexicains) l’ont fait aux États-Unis... »