Dans cet extrait de sa "lettre à un militant qui n'en peut plus" (18/08/2009), Jean-Christophe Cambadélis, pourtant promoteur des primaires depuis des années, déplore le fait que cette belle idée ne vienne qu'amplifier les querelles d'égos.
Avec Arnaud Montebourg, Jean-Marie Le Guen et Pierre Moscovici, nous avions introduit ce sujet controversé dans le débat public. Il s’agissait, à partir du moment où nous vivions une crise de leadership, de mettre notre candidat hors de portée des querelles socialistes, par l’intervention du peuple de gauche. Notre analyse était logique. Le PS tourneboulé par la présidentialisation, secoué par la crise de leadership, devait surmonter cet état par un système imposant un candidat si possible unique de la gauche. Et ceci, dans notre raisonnement débouchait, après des élections présidentielles gagnées, sur la constitution du Parti de toute la gauche. Il s’agissait donc de créer de la cohésion, de la convergence et de l’union. La motion D s’en était fait l’écho et la Première secrétaire a chargé l’un des nôtres de la rénovation et donc, des primaires ! Mais à partir du moment où les promoteurs les plus en vue des primaires ont assorti celles-ci de leur propre candidature, ce qui devait être une assurance pour l’union est devenu le vecteur de la désorganisation. Et dans le même temps, ce qui était un moyen est devenu une fin. « C’est la seule chose de vivant qui vous reste » nous dit-on. Mais aux vues de la façon dont ces primaires s’annoncent, on peut prendre peur. Nous restera-t-il quelque chose de « vivant »? Les primaires ont pour but de créer de la dynamique, pas d’être de la dynamite. Et franchement, faire de ce sujet un élément de polémique, c’est rendre un mauvais service à une belle idée. Et puis tu penses certainement avec moi que les primaires n’ont pas pour but d’être le banc d’essai, le petit bain présidentiel. Tu seras sans doute d’accord, pour être présidentiable, il ne faut pas simplement dire, « parce que je le vaux bien », mais il faut indiquer ce que l’on propose pour la France et à la gauche. Accessoirement on peut aussi s’interroger sur la capacité d’un(e) candidat(e) à battre Nicolas Sarkozy. Il ne suffit pas de faire les « 20 heures » à la télé mais de gouverner un pays, d’ouvrir un chemin nouveau aux Français dans un contexte de crise. La Présidentielle n’est-elle pas la rencontre entre un homme/une femme, un dessein voire un destin, avec une situation ? De grâce, un peu de modestie, de patience, même lorsqu’on a beaucoup de talent ! Ce n’est pas un défaut, à moins de vouloir ressembler à Jean-François Copé. Il se peut que suite à notre crise de leadership, à l’émiettement de la gauche, il y ait plusieurs candidats. Alors le peuple de gauche peut être conduit à trancher. Il faudrait pour cela proposer à nos partenaires la primaire au sein de la gauche, avec une triple garantie, celle d’un programme commun, d’un groupe à l’Assemblée nationale et d’un financement public pérennisé. Qui veut la fin veut les moyens. Cessons ce vocabulaire « primaires ouvertes ». Le propre des primaires n’est-il pas d’être ouvertes sur d’autres que nous-mêmes ? Alors soit ce sont les primaires de toute la gauche, très bien mais cela ne dépend pas de nous, soit ce sont les primaires du PS et nous avons du temps. Nous avons déjà bien avancé avec Arnaud Montebourg sur le sujet. Une convention après les régionales permettra aux militants de baliser notre avenir. Faute de quoi, les primaires comme vecteur d’une désorganisation vont affoler tout le monde et provoquer un raidissement contre-productif. Enfin, personne ne peut imaginer que le PS sans ligne pourrait se requinquer par la seule vertu des primaires. Les primaires ne sont ni un moyen, ni une fin et encore moins un substitut à la vraie rénovation. Et la première des rénovations, je le prétends, c’est la fin du cumul des mandats. C’est bizarre comme tout à coup, cette aspiration a disparu du plan de vol de certains camarades... Et pourtant, il ne s’agit pas de la nuit du 4 août, mais simplement du premier geste d’une déprofessionnalisation de la politique. Je crois cette question essentielle. Il s’agit de déverrouiller la République. On ne peut faire accéder des jeunes, des femmes, des enfants issus des quartiers en jouant à guichets fermés dans les institutions de notre pays. J’attire ton attention sur le fait que cette question va devenir vitale. Sarkozy sait ce qu’il fait en stigmatisant «le mille feuilles d’élus». Ce combat pour la fin du cumul, nous pourrions prendre l’engagement de le voter dans la prochaine législature. La refondation passe par la fin du cumul des mandats parce qu’il est la matérialisation d’une distance retrouvée vis-à-vis du « pouvoir pour le pouvoir ».