Je ne suis qu’un petit juge de rien du tout, un de ces fonctionnaires étriqués et mesquins qui méritent assurément le mépris de nos concitoyens. C’est donc avec crainte et tremblement que je m’adresse à vous. Conscient tout à la fois de mon insignifiance et de votre magnificence, c’est avec une extrême déférence et un profond respect que je prends la plume pour vous exprimer ma satisfaction et pour vous faire quelques suggestions.
Laissez-moi d’abord vous dire que j’approuve sans réserve la dépénalisation du droit des affaires. Les patrons n’ont rien à faire devant une juridiction pénale. Les abus de biens sociaux, les banqueroutes, les détournements de fonds publics, la fraude fiscale sont des infractions vénielles qui ne causent pas beaucoup de préjudice. Il convient donc de les supprimer au plus tôt. Il en est de même pour les délits de corruption et de trafic d’influence, qui stimulent l’activité économique et le délit d’initié.
La justice pénale doit donc se consacrer exclusivement à la délinquance dite de droit commun, la seule qui exaspère les Français. L’idée d’un juge des victimes est excellente, et d’ailleurs ne serait-il pas opportun de prévoir que le juge des victimes juge, seul, toutes les affaires pénales, en précisant évidemment que ses décisions ne doivent jamais décevoir les attentes de la victime ?
Vous avez eu le mérite d’instituer les peines planchers. Tout ce qui va dans le sens de l’automaticité des peines constitue une avancée du droit. Cependant les Français doivent savoir qu’à la première récidive les juges peuvent refuser d’appliquer la peine plancher et que même à la seconde récidive ils ont, dans certains cas, une liberté d’appréciation. Enfin une peine plancher peut souvent être assortie d’un sursis avec mise à l’épreuve.
Je vous suggère tout simplement d’instituer une peine unique (ferme naturellement). Cela serait plus simple, plus rapide et plus efficace. A terme, cela vous autoriserait certainement à supprimer un certain nombre de juges en les remplaçant par des machines, ce qui permettrait de faire de substantielles économies.
Vous avez, à juste titre, critiqué les juges qui accordent des libérations conditionnelles. Ne serait-il pas temps de supprimer toute libération conditionnelle ? Je suis persuadé que les Français en seront d’accord.
Cela ne résout pas le problème des délinquants dangereux qui sortent de prison après avoir purgé leur peine. Vous avez proposé de les retenir prisonniers dans un hôpital fermé. Là encore, c’est une idée remarquable. Je propose que le commissaire de police puisse envoyer ces délinquants définitivement en hôpital-prison en signant une simple lettre qui pourrait s’appeler lettre de cachot.
Les infractions à la loi sur les étrangers se multiplient. Nous sommes envahis de toute part par des individus qui, il faut bien le reconnaître, ne sont pas tous recommandables.
Vous avez proposé de recueillir les empreintes génétiques de tout étranger admis sur le territoire national, mais je vous engage à aller plus loin. En les marquant au fer rouge on faciliterait grandement le travail de la police. Naturellement cette opération devrait être réitérée à chaque renouvellement du titre de séjour. Cette mesure a un coût, puisqu’il faudra rémunérer les forgerons, mais la lutte contre cette délinquance particulièrement perverse n’a pas de prix.
Pour prévenir la récidive vous avez évoqué la castration chimique pour les délinquants sexuels. Grâce à votre talent de persuasion, les Français ont évolué, et je crois qu’ils sont maintenant mûrs pour admettre le principe de la castration physique, dont l’efficacité est incontestable.
Dans ce registre, il serait bon d’envisager également de couper les mains des voleurs récidivistes et de couper la langue des escrocs. Pour que l’effet dissuasif de la peine soit plus saisissant, je vous propose de téléviser en direct l’exécution des sentences. Cette mesure aurait, en outre, le mérite de rendre plus attractive la grille des programmes.
Je suis certain qu’en adoptant ces quelques petites mesures notre pays pourra, sans renier naturellement son attachement indéfectible aux droits de l’homme, réduire dans des proportions considérables la délinquance.
Espérant que ces suggestions recevront votre approbation, je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, à l’expression de mon profond respect.