L’amendement de Thierry Mariani au nouveau projet de loi sur l’immigration, adopté par la commission des lois le 12 septembre, propose le recours aux tests ADN pour les demandes de regroupement familial. En cas de « doute sérieux sur l’authenticité de l’acte d’état civil » produit pour justifier sa demande, c’est la solution que se voit offrir (à ses frais...) l’immigré « désireux de prouver sa bonne foi le plus rapidement possible ».
L’amendement fait scandale. Mais le député UMP dénonce en retour « la machine à fantasmes » : « Vous croyez sérieusement que les onze autres pays [qui ont mis en place la même mesure] se sont interrogés sur des questions d’éthique ? » Interrogé, le président de la République ne dit pas autre chose : « Quel est le problème ? »
Le problème, c’est qu’on n’en finit pas de rendre plus difficile le regroupement familial autrement dit, de rogner un droit fondamental, dont l’application concerne chaque année des dizaines de milliers d’enfants. Déjà, la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages reposait sur le soupçon systématique de fraude : avec cette croisade contre les mariages blancs supposés, venue compléter la loi sur l’immigration du 24 juillet 2006, la France s’engageait dans la logique d’un « chauvinisme matrimonial ». Comme l’expliquait alors le ministre de l’Intérieur, « le mariage est devenu le premier motif d’immigration en France ». En opposant l’immigration « choisie » à l’immigration « subie », Nicolas Sarkozy entamait donc un travail de sape du regroupement familial : le bon immigré, c’est le travailleur sans famille.
L’initiative de Thierry Mariani s’inscrit bien dans cette logique, qu’elle prolonge. La suspicion s’étend, du mariage à la filiation du conjoint aux enfants. On connaissait déjà les mariages blancs. Dès 2003, le soupçon était jeté aussi sur les « paternités de complaisance ». Contre l’immigration, présumée frauduleuse, l’amendement achève aujourd’hui de définir ce qu’on pourrait appeler la « filiation blanche ». Car le contre-modèle d’une filiation mensongère dessine en creux le modèle d’une filiation véridique : le demandeur pourra « solliciter la comparaison de ses empreintes génétiques aux fins de vérification d’une filiation biologique déclarée ». Mais n’est-ce pas justement la déclaration qui fait la filiation, et non la génétique ?
En limitant strictement l’accès aux tests ADN, le code civil refuse d’opposer le « fictif » au « réel » en matière de filiation. Au contraire, l’amendement promeut la « filiation biologique » comme vérité (vérifiable) de la filiation. Pendant la campagne présidentielle, on avait découvert le penchant de Nicolas Sarkozy pour la génétique à propos de pédophilie, de suicide ou d’homosexualité. L’ADN fait aujourd’hui son entrée dans la politique d’immigration : la biologisation touche désormais aux fondements mêmes de la famille, et en même temps de la Nation, dont elle prétend dire la vérité.