INTERVIEW : Sur le dossier afghan, L'ancien ministre de la Défense reproche à Nicolas Sarkozy d'avoir «cédé à la pression de l'administration américaine». Il se prononce en faveur d'un désengagement progressif , mené en concertation avec la communauté internationale dans le cadre de l'ONU. Le Parisien.fr du 26 Août 2008
La mort de dix soldats français marque-t-elle l'échec de la politique suivie par Nicolas Sarkozy en Afghanistan ?
Je compatis d'abord à la douleur des familles. Depuis huit ans, les erreurs succèdent aux erreurs. L'administration de George Bush a pollué le dossier afghan dès le départ. D'abord en consacrant l'essentiel de ses forces, 140 000 hommes, à l'invasion de l'Irak et seulement 8 000 en Afghanistan. Et d'autre part en créant les conditions d'un conflit de civilisations. Son concept de «guerre contre la terreur» est beaucoup trop flou. Il confond Al-Qaïda et l'ethnie pachtoune dominante en Afghanistan. Or, Nicolas Sarkozy a cédé à la pression de l'administration américaine. Son alignement l'a conduit à renforcer notre contingent militaire au détriment de notre sécurité globale.
La responsabilité du commandement militaire dans la préparation de cette patrouille est-elle en cause ?
Un général français, le général Stollsteiner, a déploré un excès de confiance. La protection de nos soldats a été gravement déficiente. La clarté doit être faite.
Etes vous favorable au retrait des militaires français ?
Dans l'immédiat, nos troupes devraient être cantonnées dans un rôle d'instruction de l'armée afghane. Notre rôle est seulement d'aider l'Afghanistan à devenir un Etat indépendant. Le désengagement dépend d'une équation plus générale qui inclut le Pakistan aujourd'hui gravement déstabilisé. Ce retrait progressif mérite une concertation internationale approfondie dans le cadre de l'ONU, y compris avec la Russie et la Chine.
Le ministre de la Défense, Hervé Morin, se dit prêt à envoyer des troupes spéciales pour améliorer le renseignement...
Cela signifierait un engagement toujours plus prononcé de la France sur le terrain militaire. Le contraire de ce que je préconise.
Même si, comme le dit Nicolas Sarkozy, cela signifie «laisser les barbares triompher» ?
On n'exporte pas nos valeurs à la pointe des baïonnettes ! On ne fait pas passer l'Afghanistan du Moyen-Age au XXIe siècle à coups de bombes téléguidées. Faut-il rappeler que les Russes, les Britanniques, puis les Soviétiques se sont cassés les dents dans cette partie du monde ? Seul le dialogue des cultures et des civilisations fonctionne. Même si cela exige de la patience.
La gauche doit-elle s'unir sur la question du retrait ?
Sur la base d'un désengagement progressif menée en concertation, la gauche gouvernementale pourrait parler d'une même voix. Pour cela, le PS doit rapidement clarifier sa position.