Le député socialiste des Landes revient sur les difficultés pour la gauche et la candidate socialiste à imposer ses propositions sociales dans cette campagne présidentielle. (Libération.fr 11 avril)
Il semble que Ségolène Royal ait du mal à imposer la thématique sociale dans la campagne. Pourquoi ?
Quand on interroge les Français, les questions sociales sont au coeur de leurs préoccupations : l'emploi, le pouvoir d'achat, les questions de logement ou de promotion sociale, la crainte de la précarité et la survie des systèmes de protection retraites, Sécurité sociale viennent en premier. Mais la droite n'a pas intérêt a ce que la campagne se déroule sur ce terrain, où elle est peu crédible. Alors elle met tout en oeuvre pour détourner le débat vers les questions d'ordre public, d'identité nationale, voire de conditionnement génétique, ce qui est stupéfiant. Parfois, une partie de la gauche elle-même substitue les questions sociétales aux questions sociales. Ce qui est absurde, parce que ces questions doivent toutes s'inscrire dans la même perspective progressiste.
Ségolène Royal s'efforce de ramener le débat présidentiel sur les questions sociales, et nous devons l'y aider.
Le social serait-il aussi mal perçu à gauche ?
La tentation est de substituer le second tour au premier. De faire dès le premier tour une campagne de rassemblement de tous les Français sans distinction entre les catégories sociales. Or la synthèse doit être un dépassement par le haut, dans une dynamique, et non une réduction des antagonismes qui peut être vécue comme une négation ou un manque d'intérêt.
La gauche a-t-elle du mal à parler aux classes populaires ?
On sait que les catégories populaires se sentent exclues et victimes de la mondialisation. On le voit partout en France. Le sujet des délocalisations reste un sujet majeur. Mais la perception n'est pas la même quand on est ouvrier ou cadre, a fortiori un cadre supérieur. Pour les premiers, c'est un risque de perdre son emploi, une fatalité insurmontable. Pour les autres, une chance d'évolution. Il faut parler en priorité aux premiers, sans craindre de perdre la considération des seconds.
En 2002, la gauche a échoué à attirer le vote populaire. Les leçons ont-elles été tirées ?
On sait que les catégories populaires ont de vraies angoisses face à la montée de la précarité, qu'elles ont vu leur pouvoir d'achat s'éroder. Et que ce sont elles qui ont le plus à perdre de l'érosion des systèmes de protection sociale existants. L'extrême droite attise leurs peurs et leurs rancoeurs et continue à moissonner. C'est pour cela que la gauche doit avoir un discours rassurant et volontaire, notamment sur les questions de protection sociale. Nous devons faire le plein dans notre propre camp. La gauche doit parler à l'ouvrier comme au cadre supérieur : il nous faut tenir les deux bouts de la chaîne. Mais le discours doit rassurer les uns et mettre en perspective pour les autres toutes les dynamiques qu'offrent les valeurs progressistes. Depuis quelques années, on s'est un peu détournés de notre électorat naturel. Il faut lui parler maintenant et montrer que tout le monde a intérêt à une société redistributive, solidaire et apaisée.
Que peut faire Royal dans les derniers jours de la campagne sur le terrain social ?
Nous devons concentrer nos forces sur l'électorat de gauche, sur nos thèmes, sur nos raisons d'être : l'emploi, le pouvoir d'achat, la redistribution, le service public, l'éducation, la recherche, le progrès. Sarkozy se concentre, lui, sur sa droite. Nous devons travailler ce qui fait nos différences avec lui.
Face à François Bayrou, le social est-il un moyen de se distinguer ou peut-il incarner une droite plus sociale ?
Mais quel est son programme ? Il fait une politique de droite avec des gens de droite. A l'Assemblée, quand il a fallu faire voter une taxe sur les super profits de Total, l'UDF n'a pas voté. Bayrou ne résiste pas à l'épreuve des faits : il n'est pour la redistribution que tant que ça ne coûte rien aux actionnaires !/.