Contribution d'Eric Ferrand, Adjoint au Maire de Paris et Conseiller Régional d'Ile de France publiée par le blog www.gaucheavenir.org dans la rubrique le "clivage gauche/droite".
Au lendemain des scrutins présidentiels et législatifs, à gauche, le besoin de comprendre est immense. Il l’est probablement d’autant plus, qu’à droite, le leadership est assuré aujourd’hui de manière complètement obsessionnelle. Il s’agit d’occuper tout l’espace démocratique, d’être central et d’installer ainsi une emprise permanente sur la vie publique.
Sous couvert de pragmatisme se cache un populisme qui donne le plus souvent raison à l’opinion contre l’argumentation. Pour se reconstruire la gauche doit d’abord prendre la mesure de cet adversaire qui s’inspire pour partie du blairisme. C'est-à-dire mener la critique exhaustive du sarkozysme en action. Autrement dit s’opposer. En redonnant au clivage droite gauche son sens profond nous serons en mesure d’éclairer complètement nos concitoyens.
Car il n’y a pas de démocratie sans débat public, il n’y a pas de démocratie sans idéologie, c'est-à-dire sans projet de société et moyens de le mettre en œuvre. L’efficacité érigée en principe exclusif de gouvernement est une forme moderne de la démagogie, cela s’appelle aussi la technocratie.
Et la perversité du sarkozysme c’est sa duplicité qui au nom du pragmatisme produit « la seule politique possible », et dans un même mouvement en dénonce les effets se transformant, chaque fois que l’occasion lui en est donnée, en pourfendeur de la bien pensance.
Cette schizophrénie, ce double jeu, cette confusion permanente instituée en principe de gouvernement, doit être aujourd’hui démasquée par les armes pacifiques de la politique.
Bien sûr, « l’effacement » du clivage droite gauche, dans les consciences et dans les urnes est un fait qui s’observe depuis plusieurs années, élections après élections. La volatilité des électorats est antérieure au « sarkozysme » présidentiel. Les « migrations électorales », y compris entre les extrêmes, sont des manifestations tangibles de la désorientation de nos concitoyens face à une offre politique devenue, au fil des scrutins, plus indéterminée, moins identifiable.
Mais d’une certaine manière, le sarkozysme est l’aboutissement de la main mise des politiques libérale sur nos sociétés.
Ce n’est donc pas en mimant l’UMP, en proclamant la rénovation pour la rénovation, en se faisant croire que ce qui est moderne est par essence vrai, que la gauche reprendra des couleurs et retrouvera ses électeurs. La gauche a d’abord besoin de se définir et pour se faire elle doit commencer par s’opposer et prouver qu’elle est une alternative politique à la « passion du marketing ». Elle ne doit pas se laisser désorienter par les intimidations, les leurres et les coups de triangulation, qui dérobent les thématiques de l’adversaire pour mieux le déstabiliser.
Elle doit s’opposer, comme elle a su le faire à propos de la TVA dite « sociale ». « Travailler plus pour gagner moins ! » : la supercherie a fait long feu parce que la droite française, telle qu’en elle-même, était prise en flagrant délit de cadeaux à ses clientèles. Elle compte financer son « paquet fiscal » sur le dos des consommateurs et tout particulièrement des plus modestes.
Ce travail doit être poursuivit. Par exemple sur la suppression de la carte scolaire à propos de laquelle le silence de l’opposition laisse planer un doute sur la fidélité de la gauche au projet républicain et à la mixité sociale en particulier. De même, nous devons nous faire entendre sur l’Université et sur cette tentative d’instaurer une politique discriminatoire qui consiste à allouer des moyens supplémentaires à une partie de nos universités en laissant les autres à leur désarroi.
La France qui se dessine dans les premières mesures mises en oeuvres est une France douce pour les forts et dure pour les plus faibles. C’est une France qui, peu à peu, renonce au projet républicain d’accès de tous au savoir, à l’emploi, au logement ou à la santé.
La droite Française souhaite aujourd’hui se défaire du pacte social qui constitue une part essentielle de notre identité nationale. La « droite décomplexée » s’affiche plus que jamais libérale, au moment même où les peuples marquent leur défiance vis-à-vis de la marchandisation des sociétés. Il revient à la gauche de construire son alternative sans renier son histoire. La république qui a façonné la gauche, doit demeurer notre boussole au moment de choisir notre cap. Le primat du politique, l’émancipation des individus, l’impératif de justice et d’égalité, demeure au fondement des attentes d’une grande part de nos concitoyens. Ces principes doivent garantir le rassemblement du peuple de gauche.
La gauche a un avenir si elle retrouve ses fondements, ses fondations et si elle se souvient qu’il y a plus de 200 ans le mot « gauche » et celui de « république » furent synonymes et qu’à ce titre leurs sorts ne sont pas dissociables.
Mais cette condition nécessaire n’est pas suffisante. La globalisation, la mondialisation libérale nous oblige à penser l’identité de la gauche dans cette réalité, non pas pour en devenir les sujets mais au contraire pour la transformer et la dépasser. C’est un travail collectif. Il est urgent de l’entreprendre.