Député socialiste de Saône-et-Loire, Didier Mathus appelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel à revoir sa copie sur la répartition du temps de parole. Interrogé par le JDD.fr, il souhaite que celui-ci "reflète l'équilibre des forces au Parlement". 20/7/07
La règle des trois tiers, qui prévoit une répartition du temps de parole à égalité entre la majorité, le gouvernement et l'opposition, confirmée par une décision du Conseil d'Etat de 2005, n'est-elle plus efficace ?
Non, elle ne fonctionne plus. Il est impossible de dire le contraire, à moins d'être extrêmement de mauvaise foi. Cette règle traditionnelle valait avec les anciennes pratiques institutionnelles. Autrefois, le président de la République était au dessus des contingences électorales, il était un arbitre au-dessus des partis. Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, il est évident que l'on est passé dans une nouvelle ère politique et il est donc obligatoire de s'adapter à cette évolution. Je crois que le président a appelé de ses voeux une réforme des institutions. Je suis dans la même logique que lui en demandant que l'on adapte cette règle inopérante.
Pour vous, c'est donc uniquement la façon dont Nicolas Sarkozy exerce sa fonction de président de la République qui a rendu caduc le système existant ?
Chaque jour, on se rend compte de la différence avec ses prédécesseurs. Il fait clairement évoluer les pratiques institutionnelles. Il le dit même ouvertement. On est clairement dans une optique de présidentialisation du pouvoir, un peu comme aux Etats-Unis. A nous de nous adapter à ce changement.
Que prônez-vous pour parvenir à davantage d'équité du temps de parole ?
Globalement, il serait de bon ton qu'on s'approche d'un temps de parole qui reflète l'équilibre des forces au Parlement. C'est un raisonnement simple, mais juste. Je ne suis pas en train de demander une parité à la virgule près, n'exagérons pas. Je ne suis pas choqué par le fait que la majorité ait un temps de parole supérieur mais il faut que cela soit raisonnable quand même. Aujourd'hui, cela ne l'est plus...
Le temps de parole de Nicolas Sarkozy devrait donc être comptabilisé avec celui du gouvernement ?
Bien sûr. Ce n'est pas plus compliqué que cela ! Qui pourrait y trouver quelque chose à redire ? Nicolas Sarkozy se revendique ouvertement comme le chef du gouvernement donc je ne vois pas où est le mal à comptabiliser son temps de parole avec celui qu'il dit défendre.
Plus généralement, vous stigmatisez "l'étonnante révérence des médias" à l'égard de Sarkozy. Que voulez-vous dire par là ?
Vous savez bien de quoi je veux parler... Tout le monde connaît les accointances de Nicolas Sarkozy avec les patrons des grands groupes français, que ce soit M. Lagardère ou M. Bolloré, pour ne citer que les plus connus. On aurait pu penser que cette révérence que je dénonce soit liée à l'état de grâce inhérent à son élection mais ce n'est pas le cas. Les médias sont extrêmement révérencieux vis-à-vis du chef de l'Etat. Et pour moi, ce n'est pas être blessant vis-à-vis des journalistes que de dire ça. C'est la pure réalité.
Vous interpellez le CSA afin de réorganiser le temps de parole. Sachant que ses neuf Sages ont été élus par la droite, ne craignez-vous pas que votre requête tombe à l'eau ?
C'est en effet possible, vous avez raison... Mais c'est un combat politique que j'entends bien mener jusqu'au bout ! Cela n'est d'ailleurs pas quelque chose de nouveau pour moi. J'ai notamment proposé une loi pour réformer la nomination des membres du CSA. Aujourd'hui, notre système est une aberration totale. Aux Etats-Unis, le FCC (Federal Communication Commission), l'équivalent de notre CSA, est beaucoup plus égalitaire. Il faut que l'on arrive en France à une plus grande représentation des opinions.
Vous rejoignez donc François Bayrou dans sa croisade contre les médias "sarkozystes" ?
Je tiens déjà à préciser une chose : même si la visibilité était peut-être moins grande, on travaille sur ce sujet depuis plus longtemps que M. Bayrou (rires) ! Il nous a rejoint et je ne peux que m'en féliciter ! Avouons quand même qu'aujourd'hui, l'omniprésence de cette chaîne appartenant à un groupe de BTP (TF1, Ndlr) n'est quand même pas très saine pour notre démocratie...