Le député PS de l’Isère est président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, un rôle d'opposant éclairé qui le met en première ligne alors que le projet Tepa (travail, emploi, pouvoir d’achat) arrive en discussion devant les parlementaires. Libération.fr , 10 Juillet 2007
Quel point de vue avez-vous sur le «paquet fiscal» défendu par le gouvernement Fillon ?
Je continue de le trouver inopportun et déséquilibré, avec des mesures qui risquent d’être inefficaces économiquement et vont être coûteuses en matière budgétaire. Alors qu’il était annoncé à 11 milliards, ce paquet est évalué désormais à «plus de 13 milliards d’euros» en année pleine, selon Christine Lagarde, ministre de l’Economie. Enfin, ces mesures sont injustes d’un point de vue fiscal.
Pourquoi le jugez-vous inefficace économiquement ?
Au-delà du clivage gauche-droite, beaucoup d’économistes doutent de l’efficacité de ces mesures. Deux exemples : la détaxation des heures supplémentaires et la déductibilité des intérêts d’emprunt. En 2004, alors que Nicolas Sarkozy était ministre de l’Economie, le gouvernement avait envisagé ces mesures. Les rapports rendus à l’époque concluaient semble-t-il que ces deux dispositions étaient peu pertinentes. Qu’est ce qui conduit aujourd’hui la majorité à les remettre à l’ordre du jour ? Nul ne sait ! D’ailleurs, Christine Lagarde, entendue par notre commission la semaine passée, n’a pas été en mesure de justifier ce changement de point de vue autrement qu’en invoquant le «suffrage universel».
De quoi la France a-t-elle besoin pour relancer sa croissance ?
D’une bonne articulation entre une politique de l’offre et de la demande, les deux étant nécessaires. Du côté de la demande, c’est à travers des mesures de soutien à la consommation et au pouvoir d’achat du plus grand nombre. Du côté de l’offre, il faut contribuer au meilleur environnement possible pour les entreprises, notamment en modernisant l’impôt sur les sociétés, comme nous l’avons proposé. Au contraire, le gouvernement propose des mesures très ciblées sur un petit nombre de contribuables, et les dispositions semblent davantage concerner les chefs d’entreprises que les entreprises elles-mêmes.
Si le choc fiscal ne fonctionne pas, à quoi peut-on s’attendre ?
En 1993 et en 2002 déjà, les gouvernements de droite avaient multiplié les mesures fiscales, avec, comme résultat, une forte dégradation des comptes publics et une aggravation des inégalités. Les mêmes causes produiront les mêmes effets. Si la France devait être rappelée à ses engagements européens, cela serait au détriment des plus modestes et des classes moyennes, par exemple à travers l’augmentation de la TVA. L’habileté de Nicolas Sarkozy, c’est d’avoir fait croire que sa politique allait profiter au plus grand nombre. S’agissant de la suppression des droits de succession, chacun se croit concerné, alors que la mesure est d’abord ciblée vers les contribuables les plus aisés.
Que représente la présidence de la commission des finances ?
Une responsabilité importante et délicate. J’exerce cette fonction parce qu’elle a été confiée à l’opposition; il est donc légitime que j’exprime mes convictions. Je le ferai dans un esprit constructif et républicain. Je n’aurai probablement pas la capacité d’inverser les majorités, mais dans ma position de Président, je pourrai contribuer à éclairer le débat public, à conduire le gouvernement à répondre aux questions qui se posent et à obtenir la nécessaire transparence des finances publiques. Au-delà des rapports majorité-opposition, le Parlement doit sortir de sa culture de soumission à l’exécutif et s’affirmer, non pas contre, mais face à lui. J’entends donc pleinement exercer mes pouvoirs de contrôle et d’évaluation.
Allez-vous proposer des amendements au paquet fiscal ?
Je ne déposerai personnellement que deux amendements. Je souhaite reposer la question d’une imposition minimale. Aujourd’hui, un contribuable qui ferait jouer un certain nombre de niches fiscales peut réussir à être exonéré totalement d’impôt sur le revenu. Cette situation est choquante et contraire à l’article XIII de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel «une contribution commune est indispensable. [Celle-ci devant] être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés». Faire respecter ce principe est au moins aussi important que l’instauration d’un bouclier fiscal renforcé dans des proportions considérables et injustes./.