À peine 1 000 euros par mois, ce n’est pas une vie ! Pour beaucoup, c’est encore moins : 40 % des salariés payés au SMIC, parmi lesquels une grande majorité de femmes, sont à temps partiel. Pour eux, qui forment les gros bataillons des travailleurs pauvres, l’augmentation du 1er juillet se résume à 14 centimes de l’heure. Est-ce cela la reconnaissance de la valeur du travail et de sa dignité ? Maryse Dumas, Secrétaire confédérale CGT, l'Humanité du 30 Juin 07.
Les conditions de vie sont de plus en plus difficiles. L’INSEE révèle que si, en 2001, la moitié du revenu des ménages modestes était consacrée aux dépenses « incompressibles » (logement, énergie, assurances), en 2005 ce sont les trois quarts des mêmes revenus qui y passent. Le reste à vivre fond comme neige au soleil.
Augmenter le SMIC est donc une nécessité sociale absolue qui doit venir en appui d’une politique salariale ambitieuse visant au desserrement des grilles, à la reconnaissance des qualifications et savoir-faire, à de vrais déroulements de carrière. Le SMIC doit être un plancher de grille, pas un salaire moyen et encore moins un plafond, comme c’est pourtant le cas dans de nombreuses professions. Faute d’un mécanisme de déclenchement de négociations salariales à chaque augmentation du SMIC, afin de tirer l’ensemble des salaires vers le haut, l’augmentation du SMIC n’a pour effet automatique que d’augmenter le nombre de smicards. Cela nourrit la crainte, pour les millions de salariés qui gagnent à peine plus que le SMIC, de se voir rattrapés par lui et, de ce fait, dévalorisés dans leur statut social.
Quoi qu’en dise le patronat, et quelques autres, le SMIC n’est pas trop élevé, mais les salaires sont trop bas. La réalité, c’est, en effet, le fort écrasement des salaires et des carrières : 50 % des salariés du privé gagnent moins de 1 500 euros par mois. Le revenu salarial moyen des employés est de 900 euros et celui des ouvriers d’à peine plus de 1 000 euros. Quant aux cadres, leurs salaires sont également tirés vers le bas et leurs rémunérations rendues de plus en plus aléatoires.
Dans ces conditions, la revendication du SMIC à 1 500 euros et d’augmentation des salaires qu’avance la CGT a besoin d’une intense bataille d’explications, que les conflits salariaux, touchant, d’après le ministère du Travail, un nombre grandissant d’entreprises et de salariés, n’infirment pas. Trois problèmes sont à aborder. Celui des petites entreprises où les bas salaires sont légion, mais où les salariés pensent que leur patron n’a pas les moyens de les payer plus. Celui du « coût du travail » dont l’idéologie dominante fait, depuis plusieurs années, l’ennemi de l’emploi. Un troisième volet porte, enfin, et ce n’est pas le moindre, sur le choix d’un autre partage de la répartition des richesses.
On voit alors que la « crédibilité » du SMIC à 1 500 euros est d’abord une question de choix de société et de courage politique sur la nature des réformes à entreprendre. Elle implique en effet des transformations profondes dans le rapport capital travail et aussi dans les rapports entre les petites entreprises à faible valeur ajoutée et les grandes à haute profitabilité, dans les rapports entre donneurs d’ordres et sous-traitants.
Le SMIC est aujourd’hui dans l’oeil du cyclone, face à un MEDEF qui veut obtenir, dans un premier temps, la disparition de l’obligation légale d’indexation annuelle, et, dans un deuxième temps, l’effacement de la notion même de « salaire » minimum interprofessionnel. Le MEDEF veut lui substituer la notion de « rémunération annuelle garantie » sur laquelle il fonde déjà ses politiques salariales dans les branches. Plus largement, le MEDEF affirme que le salaire doit être « librement » fixé par le marché. Si ce salaire du marché était inférieur au « minimum vital » estimé par la société, elle n’aurait plus qu’à compenser la différence.
En annonçant pour l’automne la création d’un « comité des sages » pour, chaque année, proposer le taux d’augmentation du SMIC, le gouvernement va dans son sens, contesté en cela par la quasi-totalité des confédérations syndicales. De même, la défiscalisation des heures supplémentaires et leur exonération de cotisations sociales employeurs et salariés est-elle annonciatrice, non seulement de nouveaux et importants transferts vers les contribuables et les assurés sociaux de ce qui relevait jusqu’ici des entreprises, mais aussi d’une transformation importante de la notion de salaire et, partant, de la place et de la reconnaissance du travail.
C’est cet ensemble d’enjeux fondamentaux, imbriqués les uns aux autres, que porte l’exigence d’augmentation du SMIC et des salaires.