Un économiste qui a appelé à voter socialiste à la présidentielle exprime son malaise face au point de vue de Ségolène Royal sur le Smic et les 35h. " Que reste-t-il du socialisme ou même de la sociale démocratie lorsque l’ambition d’amélioration de la condition ouvrière et « employère » est abandonnée ? " Blog de Philippe
Askenazy 22.06.07. [ vidéo de la déclaration de Royal dans la rubrique Débats à gauche : "C'était notre candidate..." ]
Les dernières déclarations de Ségolène Royal revêtent un caractère grave pour la gauche. « Le Smic à 1.500 euros brut dans cinq ans ou la généralisation des 35 heures sont deux idées qui étaient dans le projet des socialistes, que j'ai dû reprendre dans le pacte présidentiel, et qui n'ont pas été du tout crédibles ».
Etant un des économistes qui avaient publiquement fait connaître leur choix en faveur d’un vote socialiste à la Présidentielle, mon malaise est profond. Ses déclarations marquent un tournant idéologique, plus précisément elle rejoint l’a-idéologie. Cela ressemble aux visions des plus orthodoxes des économistes « de gauche », dont une part significative a voté Sarkozy au second tour. Que reste-t-il du socialisme ou même de la sociale démocratie lorsque l’ambition d’amélioration de la condition ouvrière et « employère » est abandonnée ? En reniant les fondamentaux, aucune modernisation ne peut être menée. Même Tony Blair tant honni en France les a renforcés avec une hausse spectaculaire du salaire minimum et des embauches massives de fonctionnaires.
Alors Madame Royal, a-t-elle au moins eu raison du point de vue d’une stricte rationalité.
1. Le SMIC. A un rythme sarkozien (2% par an) le smic mensuel atteindra 1413
euros brut en juillet 2012. Au rythme des 20 dernières années, il aurait atteint 1498 euros… à 2 euros des 1500 euros, inaccessible !
2. La généralisation des 35 heures. De quoi s’agissait-il ? Premièrement, en finir avec le régime dérogatoire des entreprises de moins de 20 salariés, c'est-à-dire rémunérer à 25% les heures supplémentaires au lieu de 10% : c’est exactement ce que Sarkozy va faire ! Deuxièmement, abaisser le contingent d’heures supplémentaires hors modulation de 220 heures à 130 heures par an. 220 heures permettent mécaniquement d’effectuer 39,8 heures par semaine. Dans les secteurs en heures d’équivalence (transport routier etc.), ce plafond est de 43 à 48 heures par semaine. 130 heures permettent 37,8 heures par semaine (et 42 à 47 heures dans les secteurs en équivalence). En clair, une entreprise de moins de 20 salariés employant ses salariés à 39 heures fixes par semaine aurait été contrainte de réduire de 1,2 heures hebdomadaire le temps de travail. Ses salariés auraient eux perdu 2,2% de leur rémunération, ce que 1 à 2 coups de pouce au SMIC (par effet de capillarité sur une bonne part des niveaux de rémunération) auraient compensé. Au total, l’impact sur l’emploi aurait été de signe indéterminé car quasi-nul.
En clair, les 1500 euros brut et la généralisation des 35 heures étaient crédibles. Même trop crédibles, on ne peut pas faire rêver les Français qui mettent une priorité sur les questions sociales, avec des propositions aussi légères./.