Celui qui dirigeait, avec Montebourg, le courant des rénovateurs socialistes, élu du Nord, revient sur la stratégie perdante dont des lionceaux auto-proclamés voudraient faire la ligne du Ps. En pariant sur l’oubli de ce qu’ils ont été et en esquivant leurs responsabilités. Ils passent plutôt pour des poissons rouges : pas plus de trois minutes de mémoire.
(collectif des socialistes pour le renouveau de la gauche)
Pour nos poissons rouges, la lourde défaite, quoique logique, de Ségolène Royal, serait due à l’inorganisation du Parti socialiste, à la plupart de ses responsables qui auraient manifesté peu d’entrain à la soutenir et à un programme jugé peu crédible. Sur la forme, les «rénovateurs» n’ont pas de mots assez durs contre ceux qui ont animé le parti, ces dernières années, en ayant en ligne de mire principale François Hollande. Pensant qu’une fois de plus la communication peut l’emporter sur le fond, ils multiplient basses attaques, petites phrases et slogans. Il y a quelques jours encore n’est-ce pas Manuel Valls qui souhaitait, sur les ondes d’une radio nationale, curieuse proposition, faire imploser le parti ?
Le Parti socialiste, tant contourné, méprisé lors de la campagne présidentielle, n’aurait plus aucun crédit à leurs yeux. Nous sommes nombreux et principalement depuis le 21 avril 2002 à avoir mis le doigt sur les dysfonctionnements dont souffre le PS : notabilisation, absence de renouvellement de ses animateurs, décrochage d’avec sa base idéologique. Dommage que ceux qui se veulent aujourd’hui l’avant-garde aient, lors des précédents congrès, systématiquement préféré signer de molles synthèses permettant au premier secrétaire de poursuivre sa tâche. Il est ainsi étonnant de voir Gaëtan Gorce, néorénovateur lui aussi, si virulent aujourd’hui, alors qu’il mit systématiquement toutes ses forces, jusqu’à ce jour, au service de la majorité, contribuant par là même à maintenir le système qu’il dénonce désormais si facilement. Réclamant des «têtes» pour mieux y mettre la leur (?), ils n’en sont pas à une contradiction près. Qui, si ce n’est le rénovateur Arnaud Montebourg, permit, en retirant sa candidature lors de l’élection du président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, la réélection de Jean-Marc Ayrault, pourtant à ce poste depuis une décennie maintenant ?
Ce curieux attelage de responsables, n’ayant a priori en commun que leur année de naissance, aurait également réglé les questions de fond. Tous trois partagent l’analyse de Ségolène Royal selon laquelle les propositions volontaristes de généralisation des 35 heures et d’augmentation du pouvoir d’achat par le Smic à 1 500 euros nous auraient menés à la défaite. Tous trois ont pourtant approuvé, comme elle d’ailleurs, en le votant, le projet des socialistes qui contenait ces mesures de justice sociale. Les 35 heures, mesure phare du gouvernement Jospin, ne furent-elles pas défendues à l’époque par Manuel Valls, conseiller en communication du Premier ministre ? Gaëtan Gorce, tout comme Arnaud Montebourg, n’a-t-il pas soutenu et voté ce texte à l’Assemblée nationale ? Ce dernier, tout comme moi, n’a-t-il pas milité, lors des congrès de Dijon puis du Mans, en faveur de leur généralisation ? Quant à porter le Smic à 1 500 euros, lorsque l’on est militant socialiste et qu’on aspire à la fonction suprême, que peut-on trouver de si «peu convaincant» dans cette proposition qui apparaît comme une évidence aux yeux de ceux qui attendent tant de la gauche une fois au pouvoir ? Faut-il rappeler que dans notre pays plus de 16 % des salariés touchent le Smic ? Ce sont donc trois millions de personnes qui perçoivent moins de 1 000 euros par mois en échange de leur travail.
Nous sommes tous d’accord, aujourd’hui, c’est une évidence, pour dire qu’il nous faut revoir profondément notre logiciel idéologique. Comment pourrait-il en être autrement après une telle défaite ? Mais cet aggiornamento signifie-t-il l’abandon de ce qui fait de nous des socialistes ? Nos propositions, si identitaires, sont-elles amenées à être remplacées, sous couvert de modernité, par des mesurettes démagogiques si éloignées des préoccupations de ceux qui souffrent le plus ? Mettre un drapeau aux fenêtres en chantant la Marseillaise restera certainement l’exemple le plus frappant de cet abandon du fond au profit de la forme.
De plus, les «rénovateurs» nous demandent de tenir compte de la droitisation de la société française, élément d’explication supplémentaire, selon eux, de la victoire de Nicolas Sarkozy. S’il y a droitisation, c’est bien du côté du Parti socialiste qu’il faut regarder. Courant derrière Nicolas Sarkozy, qui lui-même courait après Jean-Marie Le Pen, Ségolène Royal n’a eu de cesse de faire campagne sur des thèmes inhabituels pour la gauche (sécurité, nation, immigration), délaissant, parfois même remettant en cause, les fondamentaux du socialisme.
Cette stratégie fut perdante. D’abord parce qu’en mettant en avant les thématiques de la droite, Ségolène Royal et son staff de campagne les ont légitimées, ensuite parce que le dialogue privilégié entamé avec François Bayrou, nommé Premier ministre avant même le second tour, eut pour conséquence un mauvais report de voix des électeurs de gauche et d’extrême gauche.
Loin des formules à l’emporte-pièce ou des bons mots si faciles, ce dont le Parti socialiste a besoin dans les semaines et les mois à venir, c’est d’avoir le courage de la vérité. Avoir le courage d’affronter lucidement, en commençant par le reconnaître, le verdict des urnes et de redéfinir, sur la base de nos valeurs, nos orientations. Il nous faut également, impérativement, doter notre appareil politique de nouvelles procédures de délibération et d’organisation. Pour ce faire, il faut ouvrir grand les portes et les fenêtres, associer à nos travaux les syndicats, les associations, les citoyens, toutes celles et ceux intéressés par notre démarche de reconstruction, de refondation. Le programme est ambitieux, indispensable, les Français, attachés au pluralisme, le souhaitent. Les électeurs de gauche, qui se désespèrent si souvent du Parti socialiste, nous le demandent.
Les poissons rouges, en travaillant un peu leur mémoire, ont leur place dans cet immense chantier. Il faudrait qu’ils acceptent, s’ils veulent être constructifs, d’arrêter de faire monter les enchères de la provocation, de vouloir, dans le but d’épater les militants, toujours sauter plus haut, en prenant le risque, un jour, de tomber du bocal./.