Quelle leçon politique tirez-vous du conflit social ?
La première leçon, c’est qu’il est déplorable qu’on ait dû arriver à un tel affrontement. Encore faudra-t-il évaluer les résultats des négociations. En tardant à discuter, le gouvernement a fait perdre du temps. Ce qui laisse chez les usagers et les personnels fatigue et ressentiment. Le pouvoir a voulu diviser les salariés, faire apparaître les bénéficiaires des régimes spéciaux comme des privilégiés, alors qu’il accordait près de 15 milliards de cadeaux fiscaux à d’autres.
Fallait-il réformer les régimes spéciaux ?
Bien sûr, il faut une harmonisation. Mais en tenant compte de la pénibilité, de l’espérance de vie et du niveau des retraites.
Pourquoi le PS a-t-il peiné à accompagner le mouvement ?
Un parti politique n’a pas à se substituer au mouvement social. En même temps, il faut reconnaître que le PS, dans un passé récent, n’a pas toujours été en pointe dans ce domaine. Il faut que ses dirigeants soient offensifs et clairs.
Le pouvoir d’achat est-il le dossier le plus épineux pour le gouvernement ?
Tout augmente, sauf les salaires. Beaucoup commencent à se dire qu’on leur a raconté des sornettes avec le«travailler plus pour gagner plus». D’où un mécontentement à l’égard de l’exécutif, mais qui ne se reporte pas encore en positif sur la gauche.
Quel bilan tirez-vous de six mois de présidence Sarkozy ?
Omniprésidence et omnifinance. Suractivité incontestable, mais efficacité discutable. Ce qui me frappe aussi, c’est la novlangue officielle, cette communication érigée en propagande. «Travailler plus pour gagner plus» fut un slogan clé de la campagne : on voit maintenant la réalité, bien différente. On ferme brutalement 160 tribunaux, cela s’intitule «rapprocher la justice des citoyens». On supprime plus de 10 000 postes de professeurs par an, cela s’appelle «intéresser les enseignants». La taxation des malades est rebaptisée «responsabilisation des patients». Et le chef de l’Etat, lorsqu’il s’augmente de 200 %, ne fait que «rendre transparent son salaire». A l’opposition d’opérer ce travail de décodage, de déconstruction et de propositions.
En tant qu’ancien Premier ministre, comment jugez-vous le rôle de François Fillon ?
Considérer le Premier ministre comme un simple collaborateur du président est un déséquilibre fonctionnel malsain. Une seule personne ne peut remplir tous les rôles de la République. Je suis en désaccord avec le pouvoir trop personnel qu’on nous propose.
Le PS s’est prononcé en faveur du mini traité européen. Vous rangez-vous à cela ?
Le traité n’est ni «mini», ni «simplifié», il comporte 250 pages et près de 300 amendements ! Nous avions unanimement décidé que ce sujet, tranché en 2005 par le peuple, devait démocratiquement être à nouveau examiné par lui. Je suis de ceux qui n’ont pas changé de position : le refus de procéder à un référendum n’est pas une question de forme, mais de fond. Au-delà de quelques dispositions institutionnelles utiles, je crains que le texte ne permette pas la relance européenne indispensable.
Qu’allez-vous faire sur ce point ?
Présenter des propositions concrètes de relance, notamment celle d’une Coopération européenne pour la recherche et l’innovation (Ceri). Quant au traité lui-même, je ne souhaite pas le cautionner.
Sur quoi doit porter le prochain congrès du PS ?
Sur les valeurs socialistes, beaucoup plus modernes que l’ultralibéralisme. Sur nos propositions, qui, elles, doivent être adaptées et rénovées. Sur la stratégie, enfin : si le PS se contente de regarder ce que font l’ultragauche et le centre, en se laissant ballotter au gré des sondages, alors le potentiel de contestation qui s’exprime se portera sur d’autres que nous et le besoin de propositions ressenti ne sera pas satisfait. Le PS doit, au contraire, constituer une gauche décomplexée, sociale-écologique dans l’économie de marché, rassembleuse, propositionnelle.
Le prochain congrès doit-il être celui du leadership ?
Il faut clarifier les idées, et celles qui prévaudront devront, bien sûr, être incarnées. Mais il serait absurde de poser la question présidentielle de 2012 dès 2008. Une équipe avec un ou plusieurs porte-parole, des personnalités largement nouvelles sont souhaitables. Le moment venu, nous trancherons sur qui doit faire quoi.
Ségolène Royal est-elle toujours en mesure de jouer un rôle de premier plan au PS ?
Je viens de vous répondre.
Quel rôle comptez-vous jouer dans les mois qui viennent ?
Je prendrai position, non dans les jeux internes, mais sur les grandes questions, m’efforçant d’être actif et sage à la fois. Ce qui se passe aujourd’hui au Pakistan ou en Iran, ou bien l’envolée de l’euro destructrice d’emplois, les dégâts du CO2 n’ont-ils pas un peu plus d’importance que les déclarations de tel prétendant PS en mal de médias ? Il y a aujourd’hui – et je le regrette – un vide et parfois même un certain ressentiment à l’égard des socialistes, comme une sorte d’espérance interdite. Nous devons reconstruire pour rendre aux Français cette grande espérance./.