Par des membres français de la Mission d’observation du référendum du 2 décembre au Venezuela (*)
l'Humanité.fr du 18 Décembre 2007
Du 29 novembre au 3 décembre 2007, à l’invitation du Conseil national électoral (1) de la République du Venezuela, une centaine d’observateurs internationaux a effectué une mission de contrôle des opérations de vote du référendum constitutionnel du 2 décembre. Élus locaux, syndicalistes, responsables d’associations citoyennes, nous étions six Français à faire partie de cette mission.
Nous nous sentons contraints de publier ce point de vue plusieurs jours après notre retour en France car nous ne comprenons pas le traitement généralement fait dans les médias français du processus historique de démocratisation à l’oeuvre dans cette république d’Amérique du Sud.
Certes, depuis la victoire du « non » à la proposition de réforme constitutionnelle, une inflexion dans ce traitement médiatique a été constatée. Il est en effet devenu difficile, depuis la nuit du 2 au 3 décembre, de poursuivre comme auparavant la présentation du régime vénézuélien comme une dictature rampante, exotique et pittoresque. L’attitude du président de la République Hugo Chavez, acceptant rapidement le résultat et assumant toute sa responsabilité politique, a rendu plus difficile le dénigrement systématique constaté avant le 2 décembre à l’encontre de cet État. Néanmoins persistent en filigrane la mise en doute des opérations de vote, l’idée d’une oppression policière latente, la suggestion des réticences du régime à respecter la démocratie. Qu’elle soit condescendante ou agressive, cette présentation de la situation au Venezuela ne correspond pas à ce que nous avons observé dans le cadre de notre mission. Ce que nous avons constaté avant, pendant et après le référendum constitutionnel démontre, au contraire, l’accession du Venezuela au rang des grandes nations démocratiques du XXIe siècle :
- Par la mise en oeuvre de moyens suffisants pour garantir l’information des citoyens et la transparence démocratique. La mission internationale n’a en effet pas constaté de manquement grave, et a pu au contraire mesurer l’effort considérable pour informer la population sur les enjeux du vote ainsi que la liberté d’expression de chacun.
- Par une maîtrise remarquable des différentes phases des opérations de vote. De la méthode de gestion des listes électorales à celle du dépouillement des suffrages, la mission a pu mener toutes les expertises - notamment sur la procédure de vote sur les machines à voter électroniques, faisant de plus l’objet d’un contrôle par comptage manuel - pour s’assurer de la maîtrise du corps électoral, du secret du vote et de la sincérité des résultats.
- Par une capacité de l’État à préserver l’ordre et à garantir le respect de la souveraineté populaire. À part quelques incidents mineurs, le calme a été maintenu partout et la sérénité des électeurs libres de leur vote a été garantie. Il faut également souligner le rôle particulièrement responsable des forces politiques organisées, tant de la majorité que de l’opposition, qui à l’occasion de la soirée électorale ont multiplié les appels au calme et au sens civique.
- Par, enfin, une aptitude des institutions à respecter et assumer le choix politique majoritairement exprimé, avec l’autorité exemplaire du Conseil national électoral tout au long du processus électoral et, moins d’une demi-heure après le premier bulletin officiel annonçant la « tendance irréversible » du vote, avec l’intervention du président de la République reconnaissant sans aucune ambiguïté le résultat.
Lors d’une conférence de presse organisée lundi 3 décembre, la mission d’observation internationale à laquelle nous avons participé a conclu à la transparence et à la sincérité du vote. C’est sur ce bilan que nous avons achevé notre tâche.
Mais la démocratie ne saurait se réduire à la seule maîtrise technique des procédures électorales. En République, et l’histoire de France depuis le siècle des Lumières nous le montre, la démocratie est un processus complexe d’émancipation individuelle et collective, débouchant notamment sur un consentement réciproque entre le peuple exerçant sa souveraineté et l’État représentant l’autorité politique. De ce point de vue, le résultat du référendum, mettant en échec l’initiative de la présidence de la République, affirme paradoxalement la maturité civique du Venezuela, consolide ce consentement réciproque et installe durablement la légitimité d’un système constitutionnel démocratique et d’une pratique désormais incontestables. C’est sous la présidence de Hugo Chavez que cette avancée démocratique a été réalisée.
Lorsque l’on constate un recul de la démocratie quelque part dans le monde, c’est toute la démocratie qui recule, et il est du devoir de la presse - instrument essentiel de la démocratie - d’en informer l’opinion publique mondiale, et d’en désigner les responsables.
Lorsqu’au contraire la démocratie progresse comme elle le fait au Venezuela, ce sont les peuples du monde qui en profitent, et la poursuite obstinée du dénigrement apparaît dès lors comme un acte irresponsable et insupportable pour tous les démocrates.
Qu’un débat contradictoire ait lieu sur le programme politique de Hugo Chavez souhaitant jeter les bases d’un « socialisme du XXIe siècle », cela est parfaitement légitime, mais il est inacceptable que ce débat contradictoire conduise à une négation injuste et périlleuse de l’avancée démocratique en cours au Venezuela. C’est la démocratie tout entière qui risquerait d’y perdre beaucoup.
(1) Le CNE est l’instance du pouvoir électoral, une institution à part entière dans le système politique vénézuélien, au même titre que les pouvoirs exécutif, législatifet judiciaire.
(*) Obey Ament, membre du comité directeur de l’Institut de documentation et de recherche sur la paix ; Anne Delbende, étudiante syndicaliste ; Catherine Gégout, conseillère de Paris ; Jean-François Tealdi, journaliste syndicaliste ; Nicolas Voisin, maire-adjoint à Montreuil.