
« Oui ». La brièveté même de la réponse faite aux journalistes, mardi, par Nicolas Sarkozy, a souligné la violence de l’attaque. Oui, il entend, en 2008, donner le coup de grâce aux 35 heures. Devant le tollé suscité par l’annonce, conseillers et ministres ont aussitôt tenté d’en atténuer la portée, jurant qu’il n’était pas question de « supprimer » toute législation en matière de temps de travail, mais de permettre d’y « déroger ».
Il faudrait cependant une bonne dose de naïveté pour ne pas déceler le véritable objectif poursuivi par le patron de l’Élysée. Non, il ne veut pas tuer les 35 heures pour faire renaître, par exemple, les 39 ou les 40 heures. Mais bien démanteler la première, historiquement, et l’une des plus fondamentales des protections conquises par les salariés contre la boulimie d’exploitation du patronat : la durée légale du travail. Ouvrir la voie à l’extension infinie des horaires, au gré des employeurs, ce serait d’une pierre faire, au moins, deux coups : en l’absence de limite légale, plus d’heures sup à payer au tarif ad hoc, plus de RTT à racheter… Bref, la valeur concrète, financière, du travail et avec elle le pouvoir d’achat tomberaient un peu plus bas.
Mais la menace porte plus loin encore. Fin de la durée légale, hebdomadaire, mensuelle ou annuelle, allongement, là encore sans limite fixée, du temps de travail nécessaire pour avoir droit à la retraite, ainsi que la réforme promise au lendemain des municipales le laisse présager… Comme le relève un syndicaliste, le vieux rêve du capitalisme deviendrait alors réalité : se rendre « maître du temps », imposer ses rythmes à la société tout entière. C’est dire que, comme le montrent les multiples prises de position recueillies hier par l’Humanité et publiées ci-contre, s’il est d’abord lancé aux salariés et à leurs syndicats, le défi concerne au fond l’ensemble des forces vives du pays.
Yves Housson
- Gérard Aschieri, Secrétaire général de la FSU
Nous sommes très hostiles à ce projet et je rejoins l’analyse qui pointe, au-delà des 35 heures, une attaque sur la notion de durée légale du travail. Par ailleurs, si la loi n’impose pas une durée de travail maximale et que tout passe par des accords de gré à gré au sein de l’entreprise, les préjudices pour les salariés seront multiples. Tout d’abord, les employeurs pourront payer le travail moins cher avec le recul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires. Ensuite, les salariés du même champ professionnel seront mis en concurrence entre eux, dans la mesure où les employeurs pourront prendre exemple sur les autres entreprises du secteur pour tirer vers le bas la législation dans leurs boîtes. Enfin, il faut rappeler l’erreur qui consiste à ne mesurer le travail qu’en nombre d’heures, en mettant de côté le type de travail et la productivité.
- Danièle Linhart, Sociologue
L’annonce du président de la République sur les 35 heures va introduire beaucoup d’inégalités dans le monde du travail. D’un côté, il y aura les salariés qui auront la possibilité, en raison d’organisations syndicales solides, de ne pas négocier, ou de négocier au minimum - puisque, d’après les conseillers de Nicolas Sarkozy, cela va prendre la forme de négociations - ; de l’autre, ceux des PME et des nombreuses entreprises qui vont faire du chantage à l’emploi. Là on peut penser que les 35 heures seront mises en pièces.
Et cela se traduira par une détérioration très importante de la vie au travail. En tant que sociologue nous avons remarqué qu’en raison des 35 heures, il y a eu une intensification importante du travail, de la productivité, la diminution des pauses. Il est à redouter que, maintenant, le nombre d’heures augmente sans que l’intensité du travail soit remise en cause.
Enfin, si la durée légale du travail est repoussée ou, pire, si elle est remise en question, on ne voit pas du tout ce que devient l’augmentation du pouvoir d’achat dont parle Nicolas Sarkozy puisque les heures supplémentaires seront encore reportées.
- Marie-George Buffet, Secrétaire nationale du PCF
Supprimer la durée légale du travail, c’est supprimer l’idée qu’il y aurait un temps pour le travail et un temps pour soi : le temps libre que l’on donne à sa famille, à ses amis, à la poursuite de ses passions. C’est centrer toute sa vie autour d’un but unique : travailler pour son patron, créer des richesses dont on ne profitera pas. C’est une soumission à la semaine de quarante-huit heures prônée par Bruxelles.
En s’engageant dans cette voie, la droite ne s’attaque pas seulement à un acquis, elle donne un vrai visage à « la politique de civilisation » dont se vante Nicolas Sarkozy, le visage de la régression sociale généralisée, le visage d’une société réduite en fourmilière.
Aussi, préparons-nous à défendre comme il se doit ces droits élémentaires des salariés. Et dans le même temps, portons le débat pour maintenir la semaine de 35 heures, et pour résister à tout dumping social.
- Bernard Van Craeynest, président national de la CFE-CGC
Si le gouvernement pense s’affranchir d’une durée légale du travail, c’est l’ouverture à la loi de la jungle et, in fine, le remplacement du Code du travail par le Code du commerce. C’est faire en sorte qu’il n’y ait plus que des travailleurs indépendants et des négociations de gré à gré entre employeurs et salariés. Je ne pense pas qu’une démocratie et un pays civilisé et soi-disant avancé en matière sociale puisse officialiser une telle situation. On a déjà suffisamment de problèmes dans les très petites ou petites et moyennes entreprises où le Code du travail est bafoué tous les jours sans qu’on puisse constater les infractions et y remédier ! Et on ne peut pas dire « travailler plus pour gagner plus » en faisant voler en éclat un élément fondateur du déclenchement des heures supplémentaires.
Pour nous, la durée légale est incontournable avec un système dérogatoire à négocier au niveau de la branche avec accord majoritaire. On peut toujours discuter pour ajuster le tir au plus près des spécificités et des contraintes. C’est ce qui existait déjà.
Cela faisait des mois que Nicolas Sarkozy nous disait que les 35 heures étaient un acquis social. Il faudrait savoir ce que l’on veut : où est la cohérence ? Est-ce du cynisme ? Quand est-il sincère au gré de ses déclarations contradictoires ?
- Jean-Claude Mailly, Secrétaire général de Force ouvrière
La durée légale du travail fait partie des dispositions essentielles (comme le SMIC) qui assurent une solidarité et une égalité de droit entre tous les salariés. Elle est, à ce titre, constitutive du modèle républicain. La remettre en cause, différencier les durées collectives par entreprise et par accord majoritaire, prévoir le gré à gré entre l’employeur et le salarié, cela conduit à copier le modèle anglo-saxon. Ce serait une rupture républicaine. Qui plus est, cela amènerait à modifier et flexibiliser le seuil de déclenchement des heures supplémentaires La logique serait alors (comme en matière de retraite avec l’allongement à 41 ans de la durée de cotisation), celle du travailler plus pour gagner moins. Autant de points inacceptables pour Force ouvrière.
- Jean-Marie Harribey, coprésident d’ATTAC
C’est complètement incohérent : mettre un terme aux 35 heures reportera le seuil de déclenchement des heures supplémentaires, ce qui va à l’encontre des déclarations de Sarkozy sur l’amélioration du pouvoir d’achat des Français. Plus grave, cette volonté du gouvernement de s’attaquer aux 35 heures rejoint un mouvement de fond, celui des patronats européens qui entendent supprimer la notion de durée légale du travail. Derrière cela, comme derrière la question de la réforme des retraites, il y a quelque chose de très grave : une remise en cause de l’idée de progrès humain, qui sous-tendait la réduction du temps de travail. Les luttes sociales doivent être réunifiées et converger autour de la question : quel développement humain voulons-nous ?
- François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste
L’annonce la plus évidente du président Sarkozy a été faite dans un raccourci terrible à propos des 35 heures. Il a dit qu’il n’y aura plus de 35 heures en 2008. Qu’est-ce que cela signifie ? S’il n’y a plus de 35 heures, cela veut dire que l’on a fixé une autre durée légale du travail. Laquelle ? Les 39 heures, qui existaient avant les 35 heures ? Nicolas Sarkozy et sa majorité ont la possibilité d’obtenir un vote au Parlement pour obtenir ce retour en arrière. On nous dit que ce n’est pas cela. Si ce n’est pas cette durée légale du travail au-delà des 35 heures, seuil de déclenchement des heures supplémentaires, cela traduit l’idée qu’il n’y aura plus, en réalité de durée légale. Il y aurait des négociations dans les entreprises en vue de dérogation à la durée légale et ensuite un projet de loi entérinant ces dérogations. Il y aurait donc une durée qui demeurerait légale et, dans les entreprises, en fonction des accords qui seraient passés et sous la pression patronale, des durées de travail variables, lesquelles déclencheraient les heures supplémentaires. Ce n’est pas simplement un problème juridique. C’est aussi un problème de rémunération, car, si les heures supplémentaires sont rémunérées plus que les heures normales encore faut-il savoir à partir de quelle durée.
- Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral de la CGT
Les 35 heures qui, rappelons-le, ne s’appliquent qu’à un peu plus d’un salarié sur deux, ont déjà subi quatre assauts successifs. Cette fois-ci le président de la République annonce « la fin des 35 heures pour 2008 ». Il s’agirait de débloquer les capacités de production. Balivernes : les 35 heures n’ont jamais empêché les patrons de demander aux salariés de travailler plus. Pour preuve, ces statistiques européennes qui démontrent qu’un salarié français à plein temps travaille habituellement en moyenne 39 heures par semaine.
Ce qu’annonce, en fait, le gouvernement, c’est la possibilité pour les entreprises et les branches de déroger au principe même d’ordre public social en matière de temps de travail. Donc de ne plus être obligé de payer les majorations ou d’accorder des repos compensateurs sur la base d’un horaire commun à l’ensemble des salariés. Les situations exceptionnelles que nous avons connues à Continental, Bosch, Doux ou ailleurs, deviendraient la règle.
La leçon est double :
- les salariés pourront travailler plus en gagnant proportionnellement moins ;
- ils seront mis en concurrence les uns par rapport aux autres au plus grand bénéfice des employeurs.
- Patrick Pelloux, Président de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF)
Sarkozy nous a tout simplement fait part du décès de l’hôpital public. C’est une stratégie de communication exemplaire : il dit ce qu’il ne va pas faire tout en le faisant. Il fait glisser les valeurs du travail vers celle du libéralisme. Pour nous, associations, organisations syndicales, il faut se mobiliser, défendre le Code du travail et les acquis sociaux. Il faut que les salariés se défendent. C’est maintenant ou jamais. Car c’est un enjeu majeur pour les générations futures. Avec ce que Sarkozy prépare sur la déréglementation des 35 heures, les Français devront travailler plus pour gagner la même chose. Quant à l’hôpital, il va perdre son statut public. C’est très grave.
- Arlette Laguiller, Porte-parole de Lutte ouvrière
En déclarant qu’il voulait en finir avec les 35 heures, Sarkozy n’a fait que dire nettement ce qui constitue en ce domaine le fond de sa politique depuis son élection. C’est évidemment inacceptable pour les travailleurs, comme toutes les autres mesures qu’il envisage concernant le droit du travail. Cette politique de régression sociale au service du grand patronat, comme la baisse continue du niveau de vie de tous ceux qui vivent de leur travail, appelle une contre-offensive de l’ensemble des salariés, dans la rue et dans les entreprises, et la préparer devrait être l’objectif de toutes les organisations, politiques et syndicales, qui se réclament de la classe ouvrière.
- Georges Séguy, Président de l’Institut d’histoire sociale de la CGT
Tout le monde a remarqué la manière dont le président de la République annonce encore une fois ce que l’on peut traduire comme une décision proche sans en avoir parlé avec personne. Il ne s’agit pas seulement d’une remise en cause de la durée du travail, mais c’est la durée légale du travail valable pour tous les salariés qui est menacée. C’est un droit pour lequel se sont battus depuis le début du XXe siècle des travailleurs de toutes générations. Nous sommes en présence d’une attaque qui risque d’avoir de dures conséquences. Tout le mouvement syndical, tous ceux qui, du côté de la gauche, veulent défendre le progrès social doivent se dresser vigoureusement contre cette atteinte aux droits des travailleurs.
- Anne Souyris, Porte-parole des Verts
Dès la fin décembre, Fillon avait évoqué l’idée de monter jusqu’à 48 heures de travail hebdomadaire. C’est la durée maximale européenne, une norme internationale ahurissante imposée à l’époque sous la pression de la Grande-Bretagne. Ce faisant, la France s’aligne sur l’un des pays les plus libéraux d’Europe. 48 heures en France, ce serait un retour en arrière de quatre-vingt-dix ans. C’est à la fois une remise en cause extrêmement grave de la durée légale du travail, de nos acquis sociaux et un très mauvais signe pour l’avenir de notre politique européenne. Il faut lancer un branle-bas de combat général à gauche.
- Olivier Besancenot, Porte-parole de la Ligue communiste révolutionnaire
Sur ce point Sarkozy a été clair, net et précis : c’est la fin des 35 heures et chacun comprend que c’est la fin de la durée légale du temps de travail. Autant dire un retour en arrière de plus de cent trente ans. Avec la loi Aubry que l’on a déjà largement démantelée revient ce vieux projet de la droite de mettre fin à l’idée de convention collective ; avec des accords d’entreprises ou des accords individualisés. Un bon vieux tête-à-tête entre employeur et employé. Face à ce remodelage complet de la législation du travail, il faudra dès le 24 janvier, journée d’action de la fonction publique, qui, après ces annonces ira sans doute au-delà des seuls fonctionnaires, une mobilisation de toute la gauche sociale et politique. Il est urgent de se serrer les coudes, car Sarkozy ne s’arrêtera pas tout seul.
- Laurence Laigo, Secrétaire nationale de la CFDT
La CFDT réagit très mal aux propos du président de la République. Lors de la conférence sociale, en décembre, il avait juste souhaité une discussion sur le temps de travail sans préciser que cela remettrait en question la durée légale. En septembre, il était allé jusqu’à dire que les 35 heures étaient un acquis social. Le président se contredit. Il a fait toute sa campagne électorale sur l’idée de travailler plus pour gagner plus. Remettre en cause la durée légale revient à repousser le seuil de déclenchement des heures supplémentaires majorées à 25 %, donc à les remettre en cause. Un comble ! qui signe un aveu d’échec par rapport à ses promesses sur le pouvoir d’achat. La CFDT est très attachée à la réduction du temps de travail qui touche à l’organisation du travail, à la productivité, à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. On va surveiller de très près l’évolution du dossier et s’il le faut, mobiliser.
- Michel Onfray, Philosophe
Le 5 juin 2007, sur son site, Ségolène Royal attaquait les 35 heures. Hier, Sarkozy lui donnait raison. Aujourd’hui, la même Ségolène Royal fustige le désir du président de la République d’en finir avec les 35 heures : preuves que, quand il s’agit des libéraux, la différence entre la droite et la gauche est bien mince. Sur l’Europe d’ailleurs, il en va de même… Sarkozy fait le travail d’un homme de droite brutale qui gouverne pour l’argent et prend la France en otage et plus particulièrement les Français les plus modestes. Jamais en effet on n’a mieux illustré cyniquement, avec provocation et mépris pour les gens démunis, l’impératif catégorique libéral : « Fort avec les faibles, faible avec les forts. » Réjouissons-nous, car l’obscénité du personnage et de sa politique est tellement manifeste qu’il ne pourra impunément continuer son jeu de massacre.
- Hervé Tourniquet, Avocat
« Je ne vous décevrai pas », clamait Nicolas Sarkozy le soir de son élection. Cette promesse s’adressait au MEDEF et à lui seul. En effet, annoncer la mort des 35 heures pour cette année, c’est d’abord annoncer la fin de la durée légale du travail, c’est-à-dire la fin du socle, commun à chaque travailleur sur le territoire national, à partir duquel on commence à effectuer des heures supplémentaires payées au taux majoré. Et renvoyer la fixation de ce socle à la négociation collective, a fortiori d’entreprise, ce n’est rien d’autre que revenir à la situation d’avant le 21 juin 1936… Le rapport des forces entre le patronat et le monde du travail est tel que les facilités accordées au patronat par les lois Aubry, en compensation de la réduction de la réduction de la durée légale, en matière de flexibilité, ne seront pas remises en question. Résultat concret : des heures, entre la 35e et la 39e, qui sont payées au taux majoré, seront demain payées au taux normal.
- Annick Coupé, Union syndicale Solidaires
Nicolas Sarkozy vient d’indiquer que 2008 devait être la fin des 35 heures. En décembre, le premier ministre avait déclaré qu’il envisageait que le temps de travail puisse être fixé entreprise par entreprise. Au-delà des 35 heures, c’est une remise en cause de la durée légale du travail qui s’annonce : elle est demandée depuis longtemps par le MEDEF ! Ce serait un recul social fondamental qui aboutirait à un éclatement du droit du travail, entreprise par entreprise, voire salarié par salarié, avec pour conséquences une aggravation considérable des inégalités entre les salariés, et l’officialisation d’un dumping social.
- Nadine Prigent, Secrétaire générale de la fédération CGT santé
L’hôpital est malade, ce n’est pas nouveau. Mais il est inadmissible de dire que c’est la réduction du temps de travail qui a désorganisé l’hôpital. C’est un mensonge. Si 75 % des établissements sont en difficulté, c’est parce que les financements sont insuffisants. Depuis vingt ans, les lois budgétaires et les politiques menées dans le secteur de la santé nous ont imposé des économies et des réductions de personnels. Tout le monde en porte la responsabilité. La mise en place des 35 heures, sans créations d’emplois suffisantes, n’a fait qu’empirer la situation. En 2001, lorsque le protocole d’accord a été signé, les hôpitaux étaient déjà dans une situation problématique, avec un manque de personnel. Vu qu’on n’a pas anticipé les besoins, on ne pouvait qu’aboutir à la situation d’aujourd’hui.
- Georges Garoyan, Médecin du travail
Sur le site d’IBM à La Gaude (Alpes-Maritimes), où la direction a essayé de se débarrasser de moi, la plupart des salariés ne connaissent pas les 35 heures. Embauchés au forfait, notamment les ingénieurs, ils font des semaines de 40 heures voire de 50 heures, plus que leurs collègues américains ! Cette surcharge de travail est un important facteur de stress. Nombre d’entre eux ne savent plus où donner de la tête et deviennent insomniaques, parfois dépressifs avec des risques de suicide pour les plus fragiles. Ils se sentent obligés de faire beaucoup d’heures, pas pour gagner plus mais d’abord pour « se montrer » afin d’être bien notés par leurs managers. Ces derniers sont les gardiens d’un système d’exploitation que personnellement je considère comme vraiment inhumain.
- Jean-Louis Sagot-Duvauroux, Philosophe
Le progrès social pendant 150 ans a été : gagner plus en travaillant moins, c’est-à-dire en ayant davantage de libre activité et moins d’activité contrainte. Nous faire la proposition inverse : travailler plus sans gagner plus veut dire assujettir une part plus importante de notre temps au travail contraint et rendre impossibles ou extrêmement précaires des tâches essentielles à la vie de la société comme élever ses enfants ou faire de la politique. Cela va contre l’avancée de l’humanité. Mais la décision de supprimer les 35 heures touche aussi la qualité et les conditions de travail. Aujourd’hui, on ne demande pas à un travailleur de construire une belle maison mais de faire monter l’action en Bourse. Il y a qualitativement et quantitativement un recul de l’autonomie de la liberté de l’activité humaine. La vieille utopie exprimée dans le manifeste du Parti communiste doit être reprise. Elle est partagée confusément par les gens mais elle n’apparaît pas comme une proposition politique. C’est ce qu’il faut arriver à remettre en avant. Beaucoup de gens cherchent à avoir plus de liberté dans leur activité, c’est un désir très puissant.