Tribune de Raoul-Marc Jennar, politologue - L'Humanité.fr du 2 Janvier 2008.
Les chefs d’État et de gouvernement, les responsables politiques du libéralisme de gauche comme du libéralisme de droite ont refusé d’entendre les arguments de ceux qui veulent une Europe des citoyennes et des citoyens et non une Europe des banquiers et des hommes d’affaires, de ceux qui n’acceptent les transferts de souveraineté que pourvu qu’ils s’accompagnent de transfert de mécanismes démocratiques de contrôle, de transparence et de reddition des comptes, de ceux qui veulent une Europe conforme aux valeurs dont elle est historiquement porteuse.
Depuis le 29 mai, aucun effort n’a été fait pour corriger les orientations d’une Europe qui est, à juste titre, perçue « comme un facteur d’appauvrissement et non de prospérité, comme une cause de régression et non de progrès » (Nicolas Sarkozy, Ensemble, printemps 2007). Les engagements pris par le président de la République n’ont pas été tenus. Le traité modificatif qui vient d’être signé, le 13 décembre à Lisbonne, ne modifie rien de ce qui était nouveau dans le traité établissant une constitution pour l’Europe par rapport aux traités existants. Il ne modifie rien de ce qui justifiait les critiques apportées à la partie III du TCE.
Les raisons de rejeter le TCE demeurent pour rejeter un traité modificatif qui, de l’aveu même d’Angela Merkel, « ne va rien changer ». La charte des droits fondamentaux traduit toujours un terrible recul par rapport à la Déclaration universelle des droits de l’homme ; les orientations néolibérales des politiques européennes sont maintenues ; le statut et les missions de la Banque centrale européenne n’ont pas été modifiés ; les dispositions qui accentuent la perméabilité de l’Europe aux effets les plus néfastes de la mondialisation sont renforcées ; la politique de défense de l’Europe reste enfermée dans le cadre de l’OTAN ; dans ses rapports avec les pays du Sud, l’Europe poursuit ses pratiques paternalistes et continue de nier la souveraineté des autres peuples. Pas le moindre changement significatif n’a été apporté à ce qui a justifié le « non » du 29 mai 2005. Puisque rien ne va changer, notre refus ne peut changer.
Faut-il pour autant se réfugier dans l’indifférence ou le désespoir ? Nous n’avons pas ce droit. Nous ne pouvons nous réfugier dans cette facilité. Nous sommes comptables devant les millions de Françaises et de Français qui ont voté « non » le 29 mai. Nous sommes responsables. Il nous revient d’assumer le « non » que nous avons porté.
Le traité modificatif ne peut être ratifié que si, au préalable, une révision de la Constitution française est adoptée. Ce qui requiert le soutien des trois cinquièmes du Congrès qui se réunira le 4 février 2008, à Versailles. Il nous appartient d’exprimer par les voies de la démocratie notre volonté que cette majorité des trois cinquièmes ne soit pas atteinte.
Nous pouvons le faire de trois manières : signer la pétition lancée par le Comité national pour un référendum (CNR) : www.nousvoulonsunreferendum.eu.
Le droit de pétition inscrit dans le traité modificatif considère qu’un million de signatures (sur environ 300 millions d’Européennes et d’Européens en âge de voter) représente un nombre suffisant pour présenter une pétition. On en déduit qu’un million de signatures (sur 45 millions d’électeurs inscrits en France) représenterait une expression forte et écoutée du peuple français.
Il nous faut donc nous donner comme objectif d’atteindre ce million de signatures pour le 4 février. Nous disposons de cinq semaines pour y parvenir.
Les sénateurs et les députés vont se réunir en Congrès le 4 février, à Versailles. Allons, ce jour-là, par dizaines de milliers venus de toute la France, dire aux élus réunis à Versailles : « Respectez la volonté du peuple qui s’est exprimée le 29 mai 2005 », et pour ajouter aux élus du PS : « Vous avez été élus parce que votre parti et votre candidate se sont engagés à réclamer un référendum sur tout nouveau traité européen. »
Dès maintenant, il nous appartient d’interroger les sénateurs et les députés qui vont solliciter nos suffrages en mars prochain, lors des élections municipales, sur la manière dont ils vont se prononcer le 4 février, à Versailles. Et rien ne nous interdit de leur dire que nous nous en souviendrons en mars. Les temps sont durs et l’avenir est incertain. Faut-il pour autant se résigner ? Notre horizon n’est pas celui d’une gauche en décomposition. L’épreuve nous conforte. Elle ne nous abat pas.