Dans quel état d’esprit êtes-vous à quelques jours de l’échéance municipale ? En 2001, vous étiez le challenger. Là, vous êtes le favori…
En 2001, il fallait « changer d’ère », et je crois que nous avons répondu à cet objectif, en remettant Paris en mouvement. Un seul chiffre : notre ville avait perdu 170 000 habitants entre 1975 et 2000, elle en a regagné 44 000 depuis. C’est bien la preuve d’une dynamique nouvelle. Désormais, nous voulons lui donner un « temps d’avance », l’inscrire comme un acteur central du XXIème siècle, qui sera résolument urbain.
Marielle de Sarnez reconnaît que son projet converge avec le vôtre sur de nombreux thèmes : logement, transports, aide aux sans domicile… Vous avez dit, depuis le début de la campagne que les éventuelles alliances devaient se faire sur les questions de fond. On y est, non ?
Non, on n’y est pas .../...
Que le projet du MoDem se soit largement inspiré du nôtre ne m’a pas échappé. Mais il ne m’a pas échappé non plus que Marielle de Sarnez continue à renvoyer dos à dos gauche et droite. Où est la cohérence ? Je ne suis pas sectaire : des élus désignés en 2001 sur les listes RPR ou « Verts » peuvent avoir évolué. Et il n’y a aucune raison de refuser qu’une sensibilité s’assumant clairement de centre gauche vienne élargir notre majorité. Mais vous voyez bien que la question est posée au MoDem et à lui seul. Pour notre part, nous avons un projet qui intègre par exemple la remunicipalisation de la distribution de l’eau. C’est clair. Dès lors, à chacun de s’engager autour d’un contenu, dans la durée, c'est-à-dire six ans, et dans la transparence, c'est-à-dire avant le 9 mars.
Imaginons que le Modem accepte de « s’engager autour d’un contenu sur la durée ». Seriez-vous prêt à passer une alliance pour gagner des arrondissements tangents comme le 5e ?
Qu'il n'y ait aucune ambiguïté : mes candidats à la mairie du 5e et du 14e sont Lyne Cohen-Solal et Pierre Castagnou. Au premier, comme au second tour. Après, si les amis de Marielle de Sarnez souhaitent que l’on se retrouve, et bien, cela dépend des réponses qu’ils donneront noir sur blanc aux questions qui leur sont posées.
Vous restez prudent sur les possibilités d’élargissement de votre majorité. Pourquoi alors une si grande agressivité avec vos partenaires traditionnels, les Verts ? Ne risquez-vous pas ainsi de jeter les électeurs dans leurs bras au 1er tour et d’affaiblir votre propre score ?
Les Verts ont choisi d’aborder cette campagne en liste autonome. Après sept ans d’un travail de qualité, conduit en commun, il aurait peut-être été possible de faire autrement, au moins d’en discuter. Ils ne l’ont pas souhaité, dont acte. Dès lors, chacun a le droit de dire ce qui a bien marché, mais aussi ce qui nous a différenciés. C’est le principe même d’une campagne démocratique, non ? Quand je rappelle que les Verts ont voté avec l’UMP et le MoDem contre la programmation de 210 logements sociaux pour des infirmières dans le XVIème, est-ce que je mens ? Quand je regrette qu’ils n’aient pas voté le PLU, qu’ils considèrent trop tourné vers l’emploi, n’est-ce pas également une réalité ? Pour autant, je n’ai jamais nié l’apport des Verts au travail collectif que nous avons accompli au service de Paris et je suis désireux de le poursuivre avec eux. En tout cas, question agressivité, moi je n’ai traité personne « d’usurpateur »…
Vous l’avez dit, les Verts continuent de s’opposer à la programmation de 210 logements sociaux dans l’enceinte du jardin Sainte-Périne. De même qu’ils refusent toute modification du PLU permettant de construire au-dessus du plafond des 37 mètres. Comment allez-vous gérer ces contradictions si les Verts restent dans votre majorité ?
Vous savez, la vie démocratique, c’est une dynamique. Je souhaite évidemment que le PLU soit modifié lorsque cela s’avère nécessaire comme à Sainte-Périne. Je n’ai pas l’habitude de m’assoir sur mes convictions. Et c’est bien pour cela que je demande aux Parisiens de me donner le plus de force possible dès le premier tour.
Françoise de Panafieu vous a traité de « tocard » lors d’un reportage diffusé sur Canal +. Elle s’est justifiée ensuite en disant que le mot était « sympa ». Vous réagissez comment : choqué, amusé, indifférent ?
Je laisse à chacun le soin d’apprécier. Attaquer les personnes ou dénigrer sa propre ville, est révélateur d’une certaine culture politique. Ce n’est pas la mienne. Je préfère me concentrer sur un projet, sur une offre politique, au service des Parisiens.
Plus globalement, que pensez-vous de la campagne de madame de Panafieu ?
Je n’ai pas à commenter la campagne des autres. Les citoyens sont lucides. Et je leur fais confiance pour identifier les incohérences et les contre-vérités, fussent-elles répétées en boucle.
Et de l’attitude du Président Sarkozy ?
Le Président à un moment donné s’est beaucoup engagé dans la campagne. Je note cependant qu’il est désormais beaucoup moins présent. Quelle est la raison de ce désengagement ? Est-ce lié à la situation nationale, ou à son impression personnelle sur la campagne locale de l’UMP ? Je ne suis pas devin. Ceci étant dit, je crois que nous assistons à un changement de stratégie. M. Sarkozy avait annoncé « j’irai partout », et finalement, on le voit très peu sur le terrain. Paris n’est pas la seule ville concernée.
Sur le fond, le Crédit lyonnais va quitter son siège parisien pour s’installer en périphérie, comme d’autres grands groupes avant lui. Quelle est l’alternative pour créer malgré tout de l’emploi à Paris ?
Non, tous les sièges sociaux ne quittent pas Paris : Les Banques Populaires se sont implantées à Paris Rive gauche, Nokia France revient, ICADE s’installe sur le Parc du Millénaire et le groupe SAP regroupe ses activités à Paris avec 200 employés. Par ailleurs, quand ces sièges déménagent, ils conservent une activité de représentation importante dans la capitale. Les chiffres le prouvent : le taux de vacance de bureaux est faible, moins de 5%. Et surtout, l’emploi salarié repart à la hausse : + 11 000 en 2006 et + 10 000 pour le premier semestre 2007. Mais il faut aller plus loin. C’est pourquoi je m’engage à mobiliser 1 milliard pour l’innovation entre 2008 et 2014. Le but est d’intensifier le cercle vertueux recherche, innovation, emploi. Deux chiffres résument cette démarche : à la fin de la prochaine mandature, si les citoyens le décident, Paris disposera de 100 000 m2 de pépinières et d’incubateurs pour accueillir des entreprises innovantes. Quant à notre PLU, il permet la création de 2 millions de m2 dédiés à l’activité économique. C’est inédit. Et puis je rappelle que dès 2012, l’ensemble du territoire parisien sera couvert en fibre optique, ce qui fera de Paris l’une des capitales mondiales du très haut débit.
En matière de déplacements, que proposez-vous pour les bus ? Y aura-t-il notamment de nouveaux couloirs protégés ?
Il peut y en avoir de nouveaux. Je ne le propose pas dans le projet, mais il ne faut pas tout figer. Je vous rappelle les chiffres : entre 2001 et 2007, nous avons aménagé près de 60 km de ces couloirs, avec un gain de vitesse pour les bus, compris entre 5 et 16%. Résultat : le trafic des lignes Mobilien a augmenté de 4% par rapport à son niveau d’avant travaux, en 2003. J’ai moi-même reconnu que des axes comme Saint-Marcel ou Port Royal devaient être corrigés, mais cela ne doit pas faire oublier la qualité du travail réalisé par ailleurs. L’UMP veut revenir aux couloirs ancienne génération, avec un simple marquage au sol, ce qui désarticulera ce service Mobilien et ira à l’encontre d’une amélioration des fréquences. Notre logique est différente : nous voulons renforcer la performance du dispositif actuel. Comment ? Par des interventions ciblées qui permettront plus d’efficacité. Réaliser des aménagements ponctuels aux abords des carrefours, là où les bus perdent souvent du temps. Ou encore aménager des « quais bus », c'est-à-dire des trottoirs élargis aux arrêts, ce qui permet aux autobus de se réinsérer plus facilement dans la circulation. Ce type d’aménagement a déjà été réalisé sur la ligne 62, avec succès.
Dernier point : vous avez opposé une fin de non-recevoir à toutes les propositions de débat avant le premier tour. Pourquoi refuser une confrontation à quatre puisque vous envoyez vos lieutenants défendre vos couleurs dans les studios. L’argument de la « confusion » ne tient plus…
J’apprécie vos jugements de valeur. Ecoutez, la tradition, c’est que le débat ait lieu au second tour, en fonction des résultats du premier. En 2001, j’ai commis l’erreur d’accepter la confrontation avec Philippe Séguin. Ce duel à deux avait agacé les autres listes. Plusieurs de mes amis m’ont dit « tu as eu tort ». J’en ai tiré les leçons. Je ne participerai donc à aucun débat avant le premier tour. Mais, franchement, je passe mon temps avec les Parisiens, et je ne crois pas que ce soit au cœur de leurs préoccupations. Les Parisiens, ce qui les intéresse, c’est le logement, les transports, la culture, le vivre ensemble.
Propos recueillis par Gurvan Le Guellec et Eve Roger
Paris Obs 28 février