Tribune de Christian Hutin, député du Nord (MRC), qui voit dans le « mini traité » européen de Nicolas Sarkozy une vol de la souveraineté du peuple, et réclame un référendum.
Publieé dans Marianne.fr du 28 Janvier 2008.
Les raisons de refuser ce traité sont nombreuses mais je n'en citerai que quelques unes qui me paraissent fondamentales.
Il y a tout d'abord une question de morale et de conviction personnelle. Depuis Maastricht, je me suis toujours opposé aux différents textes qui furent présentés aux suffrages des Français. Certainement pas par opposition à la fraternité des nations entre elles et aux projets qu'elles peuvent mener ensemble, mais justement parce que je considère que ce n'est pas en dépossédant les peuples de leur souveraineté, et donc de leur liberté, que nous ferons progresser la démocratie. Or, aujourd'hui, je constate que l'Union européenne est incapable de transformer en pouvoir démocratique les transferts de souveraineté que consentent à faire les États membres. Cette machine à défaire de la démocratie au profit d'un pouvoir technocratique, certes compétent, mais détaché de la légitimité populaire ne mène qu'à une impasse politique.
La situation de l'Euro en est la caricature. Sans contrôle politique, voilà une monnaie qui met en évidence les très fortes distorsions qui existent au sein des différentes économies européennes. Certes, la France a des faiblesses, mais elle a aussi des atouts. Un euro à 1,5 dollar est un boulet, pas seulement pour la France dont le tissu économique, l'histoire économique et sociale, ne sont pas ceux de l'Allemagne. La crise financière qui secoue actuellement les places boursières ainsi que l'attitude de la Banque centrale européenne illustrent hélas cet état de fait.
Ensuite, je me suis battu avec le MRC, aux côtés de Georges Sarre et Jean-Pierre Chevènement, pour la victoire du « non » le 29 mai 2005. Je ne vois donc pas pourquoi je changerai de point de vue aujourd'hui. « Mini traité » ou « traité simplifié » me dit-on. Allons ! Qui peut croire pareil mensonge? La quasi intégralité du Traité constitutionnel européen se retrouve dans celui de Lisbonne. De l'aveu même de Valéry Giscard-d'Estaing qui est venu le dire devant les députés à l'Assemblée nationale le 16 janvier dernier. Tout y est, sous forme d'amendements, d'annexes ou de renvois aux textes déjà existants. C'est en réalité d'une maxi traîtrise dont il s'agit.
L'argumentation de Nicolas Sarkozy ne tient pas une seule seconde à un examen critique digne de ce nom. Il nous avait dit qu'il ferait voter par voie parlementaire son « traité simplifié ». Mais de qui se moque-t'on ? Ce texte illisible est indigeste (256 pages). Ensuite, comment accepter de renoncer à un référendum sur un texte qui n'existait même pas au moment où la promesse a été faite? Autrement dit, il a demandé aux Français : « faites-moi confiance, faites-moi un chèque en blanc, j'ai entendu votre message du 29 mai, je saurai respecter votre vote ». Et bien, cela est faux, et Nicolas Sarkozy a menti. En aucun cas, nous n'avons à nous sentir tenu par cet engagement de campagne, car seul ce qu'un référendum a fait, un référendum peut le défaire. De plus, accepter ce genre d'argument, c'est en réalité renoncer à l'idée même de s'opposer à la politique de Nicolas Sarkozy. Si certains renoncent, surtout à gauche, en ce qui me concerne ainsi que mes amis du MRC, ce n'est pas le genre de la maison.
Il convient donc de respecter la volonté du souverain, c'est-à-dire du peuple. Il ne s'agit pas d'un simple « règlement intérieur » pour faciliter le fonctionnement des Institutions européennes, car toutes les objections que nous pouvions faire à la Constitution européenne, nous pouvons les faire au Traité de Lisbonne. A celles et ceux qui pourraient me considérer comme archaïque, pour lesquels la souveraineté populaire ne compte pas, je pose simplement deux questions : si ce n'est pas le peuple qui est le souverain, alors qui l'est ? Et si le peuple n'est pas le souverain, peut on se considérer comme des femmes et des hommes libres ?
Or la gauche, ou en tout cas une partie d'entre elle, n'a rien à gagner à poursuivre le mélange des genres et à s'allier avec les forces les plus libérales, qui voient dans la construction européenne actuelle leur triomphe idéologique.
Tout comme je me suis opposé le 15 janvier à la révision de l'article 15 de la Constitution, je m'opposerai le 4 février prochain à la réforme de notre loi fondamentale. De même, à l'Assemblée Nationale je voterai contre la ratification du Traité de Lisbonne.