Interview avec Gregor Gysi, Président du groupe "DIE LINKE" au Bundestag
Gregor Gysi est Président du Groupe de "DIE LINKE" au Bundestag. Entretien réalisé par Sandro Schmidt sur la montée du Parti à l'Ouest.
Monsieur Gysi, selon les sondages, DIE LINKE atteint au plan national les 14%. Etes-vous étonné de la montée fulminante de DIE LINKE seulement neuf mois après l'unification de la WASG et du PDS?
Je crois, qu'un saut qualitatif a été franchi avant tout dans les Länder de l'Ouest. Parce que la WASG et Oskar Lafontaine y sont parvenus, nous n'avons plus la réputation d'être un pur parti de l'Est.
Qu'est-ce qui a changé?
Au plan thématique, nous changeons l'air du temps. Nous mettons en avant des choses qui, sans nous, n'existeraient pas: que cela soit le débat sur le salaire minimum, la prolongation de l'allocation-chômage ou l'augmentation des retraites. Les gens disent, plus DIE LINKE est forte, plus les autres corrigent leur politique.
Cela vous surprend?
J'ai toujours pensé, que plus l'Ouest progresserait, plus nous perdrions à l'Est. Or, ce n'est pas le cas, au contraire! Ceux qui ont voté pour nous à l'Est, parce qu'ils sont Allemands de l'Est, ne partent pas. Mais ceux qui viennent à nous, votent pour nous, parce que nous avons maintenant des choses à dire au plan national. Cela m'a surpris et me rend relativement optimiste pour les élections à venir.
Votre force ne réside-t-elle pas dans l'état désolant du SPD?
Une force, qui est liée à la faiblesse de l'autre, ce n'est pas suffisant. Je crois que les thèmes que nous couvrons sont justes. Mais naturellement, vous avez raison. L'état du SPD est désolant. Il y a en fait deux partis dans un. L'aile droite et l'aile gauche n'ont plus rien à se dire. Elles veulent des alliances différentes, une politique différente. Le SPD est devenu un parti néoliberal et le néolibéralisme s'impose à lui politiquement. Un des courants ne nous laisse pas indifférent, l'autre si! C'est pourquoi il est si difficile de nous rapprocher. DIE LINKE réussit à l'Ouest, parce que le SPD a cessé d'être un parti social-démocrate.
Est-ce que DIE LINKE est devenue présentable à l'Ouest?
Oui, nous le sommes. Il est étonnant que la Gauche en Europe parte précisément en miette. Mais dans l'ancienne Allemagne fédérale, qui a été pendant des décennies profondément anticommuniste, de sorte qu'un parti à gauche du SPD n'avait aucune chance, DIE LINKE est de plus en plus acceptée. On assiste à un tournant.
...parce que le SPD a glissé à droite?
Avec la politique néolibérale de Schröder, il a laissé de l'espace sur sa gauche. Il a fortement exonéré les consortiums et dit aux chômeurs, "hélas, nous n'avons pas suffisamment d'argent pour vous", et aux malades, "vous devez payer davantage". Ca, les gens ne le comprennent pas.
Votre parti aspire-t-il à gouverner dans les Länder de l'Ouest ou vous sentez-vous mieux dans le rôle d'opposition critique du capitalisme?
J'essaie toujours d'expliquer à mon Parti, qu'il ne s'agit pas de se sentir mieux, mais d'accepter les demandes des électeurs.
DIE LINKE le comprend aussi?
Si on veut! Ils apprennent. On n'entre pas en politique, pour que tout se passe confortablement. On n'entre pas en poltique pour imposer la doctrine pure. Mais on entre en politique, pour changer la société. Si la possibilité existe, de mener, avec un partenaire, des changements pour lesquels nous luttons et ce, avec quelques compromis acceptables, alors, il faut le faire, bien entendu!
DIE LINKE est un mélange coloré de membres du SED / PDS, de sociaux-démocrates et de syndicalistes déçus, d'anciens membres de groupuscules communistes. Est-il possible avec une troupe si disparate idéologiquement de faire de la politique concrète?
Cela fonctionne, si on saisit que tous les cloisonnements du XX siècle ne vont plus aujourd'hui. Nous devons tenter de devenir une gauche moderne, qui répond aux questions du XXIè siècle. Nous devons faire l'inventaire historique, mais politiquement nous devons regarder en avant.
Vous déterminez-vous encore comme communiste aujourd'hui?
Non. Aussi, parce que chacun y comprend ce qu'il veut.
Kölnische Rundschau, 19. März 2008