En ne reprenant pas les propositions sur le temps de travail de la position commune, signée par la CFDT, la CGT, le Medef et la CGPME, le gouvernement a pris le risque de l'affrontement. Le ministère du travail devait rencontrer syndicats et patronat, jeudi 29 et vendredi 30 mai, pour présenter son projet de loi qui permet aux entreprises de négocier davantage de flexibilité. D'ores et déjà, les partenaires sociaux, signataires ou non de la position commune, ont exprimé leur désaccord. La présidente du Medef, Laurence Parisot, a elle même invité le gouvernement "à respecter" le texte signé. Interrogé par Le Monde, le secrétaire général de la CFDT parle de "provocation".
Le gouvernement modifie les règles sur le temps de travail et enterre de fait les 35 heures. Quelle est votre réaction ?
Le gouvernement choisit de s'affronter à la CFDT et la CGT, qui plus est sur un sujet identitaire pour la CFDT, celui du temps de travail. Il organise la fin des 35 heures dans la réalité. Je vis cela comme une mise en cause de la légitimité de nos deux organisations. C'est la première fois dans notre histoire sociale qu'un accord aussi important, la modernisation du dialogue social, est signé par les deux plus grandes organisations syndicales. Et c'est sur ce texte que le gouvernement décide de ne pas respecter la position commune sur la partie concernant le temps de travail et de destructurer totalement l'organisation du travail dans les entreprises. C'est un affront ou un défi, en tout cas une provocation.
Comment la CFDT compte-t-elle répondre à cette "provocation" ?
L'élargissement de la mobilisation sur les retraites à la question du temps de travail est clairement posée. Les militants de la CFDT sont comme moi, ils n'acceptent pas. Avec son texte, le gouvernement nous amène à réagir simultanément sur le temps de travail et les retraites. Cela nous entraîne dans une mobilisation globalisante, ce contre quoi j'ai toujours résisté, y compris dans la CFDT. Avec ces deux sujets, retraites et 35heures, on est au cœur du débat sur la valeur travail et notre métier de syndicaliste.
Xavier Bertrand explique que vous pouviez vous saisir de la question du temps de travail et ne l'avez pas fait…
Nous avons proposé dans le cadre de l'article 17 de la position commune la possibilité pour les entreprises de déroger, avec un accord majoritaire et de manière expérimentale, sur le contingent d'heures supplémentaires. Comme le prévoit la loi sur le dialogue social, le gouvernement devait reprendre cette proposition et la soumettre aux députés. Qu'il existe un droit d'amendement, c'est la règle de la République et nous étions prêts à discuter avec les parlementaires.
Une réunion était prévue, le 10 juin, entre les signataires de laposition commune et le groupe UMP. A quoi va servir cette rencontre puisque nous n'avons même plus la possibilité de dialoguer ? De plus, nous avons proposé avec Bernard Thibault l'ouverture d'une concertation, d'une négociation plus globale sur le temps de travail.
Le gouvernement ou l'Elysée vous ont-ils proposé un accord ?
Il ne peut pas y avoir de "deal" sur un accord collectif, ou ce serait la négation du compromis et de l'accord signé, la porte ouverte à toutes les magouilles. Lorsqu'on s'est engagé sur la position commune, le chef de l'Etat a fait une tribune dans Le Monde, se félicitant de la réussite du dialogue social. Xavier Bertrand et Christine Lagarde m'ont dit que nous avions fait une avancée sur le temps de travail. Ils se sont engagés publiquement sur la transcription de l'accord. Le changement d'attitude de M. Bertrand s'est fait après la déclaration de Patrick Devedjian sur les 35 heures.
On est dans l'instrumentalisation d'un accord des partenaires sociaux pour régler un problème entre la majorité et le gouvernement, c'est inacceptable. Ce projet de loi est la réponse du secrétaire général adjoint de l'UMP, M. Bertrand, à son secrétaire général, M. Devedjian.
Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, rend responsable les signataires de la position commune de cette déreglementation du temps de travail.
Le gouvernement, en prenant cette décision, ouvre la porte à ce type de critique. Je me demande comment, demain, je pourrai faire croire à mes militants qu'en signant un accord, on a la parole et la garantie du gouvernement qu'il respectera notre signature. C'est la première fois qu'un ministre du travail rompt cette confiance, alors qu'il est là pour la renforcer.