Le ridicule est de faire des moulins à vent avec les bras en disant : «Tiens, il serait bien de réhabiliter les fusillés pour l’exemple» ; l’hypocrisie qui dévoile les abîmes de sottise, d’incompréhension et de cynisme est d’affirmer comme le fait l’inénarrable Bockel : «On va réhabiliter au cas par cas.» On voit d’ici sur le bureau du préfet s’accumuler les dossiers laborieusement constitués de familles descendantes d’automutilés, de fusillés pour l’exemple, de fusillés par décimation. On va trier les jeunes types qui furent victimes d’erreur d’avec la mauvaise graine de ceux, épuisés, rendus fous d’alcool, broyés par la mitraille à cause des plans imbéciles de brillants polytechniciens (je pense à Nivelle, à Mangin…). Pour remporter cinquante mètres aussitôt repris, d’une improbable crête déjà arasée. Tués par le feu trop court des canons de notre artillerie, avant que d’être fauchés par la mitraille allemande. Ces types qui jusqu’à Pétain obtenaient 36 heures de permission une fois tous les six mois alors qu’il leur en fallait presque trente pour arriver chez eux. Le cynisme de ce gouvernement est d’une indécence telle qu’il traite le bestiau humain en se pinçant le nez jusque dans le tri sélectif de la mémoire.
Les gouvernants de ce pays trient par l’utilité dans la masse humaine des migrants alors que la faim et l’eau préparent des migrations qui vont être d’une tout autre ampleur. Lionel Jospin avait suggéré de réhabiliter l’ensemble des tués pour l’exemple. C’était évidemment le sens commun. Ils sont tous morts après un jugement de conseil de guerre dont le procès durait au mieux 1 h 30, l’aumônier étant déjà dans la cellule avec les garçons prêts à passer à la fusillade. Nul Etat ne peut remplacer l’office de l’historien. Nul gouvernement ne peut, n’a le droit de jouer avec la mémoire encore vive d’un peuple quand la sottise criminelle des gouvernants a précipité des millions de garçons de 16 à 20 ans dans une boucherie infernale.
Laisser croire aux adolescents d’aujourd’hui qu’il y avait des «bons» pour l’exemple et des «mauvais» est une manipulation de mémoire dans un but inavouable. Lequel ? Après le bon Arabe, le bon Nègre, le bon fusillé et le mauvais fusillé. C’est une ignominie. Mais contrairement à ce que croient ces joueurs de bonneteau politique, le trafic de mémoire risque fort de leur retomber dessus !