La commémoration de Mai 68 leur a peut-être donné envie de bousculer l'ordre établi. Réunis en assemblée générale, des salariés de l'entreprise Ascometal au Cheylas (Isère) ont décidé, le 15 mai, de licencier leur direction pour s'opposer à un plan de restructuration qui prévoit de supprimer 188 emplois sur environ 500.
Symbolique, la démarche n'a eu aucune incidence sur le management - ce n'était d'ailleurs pas son but. Mais les personnels, qui ont débrayé ou fait grève à maintes reprises depuis la présentation du projet, restent mobilisés. Lundi 26 mai, plusieurs maires ou élus municipaux de la région ainsi qu'un conseiller général et un conseiller régional ont assisté à une conférence de presse organisée par la CGT, en signe de soutien.
C'est en septembre 2007 qu'Ascometal, filiale du groupe italien Lucchini (lui-même contrôlé par le russe Severstal), a annoncé la fermeture partielle de son unité de production du Cheylas. L'aciérie et le laminoir à rond doivent cesser toute activité d'ici à 2010. Cette décision s'inscrit dans un "redéploiement industriel" qui concerne aussi les usines de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Hagondange (Moselle). Quelque 150 millions d'euros devraient être investis dans les trois sites. "L'objectif est de restaurer notre compétitivité et de nous développer sur nos marchés traditionnels : automobile, ressorts, roulements, etc.", précise-t-on chez Ascometal.
Début mars, un plan de départs volontaires a été lancé. De 30 à 40 personnes se seraient déjà signalées pour en bénéficier. La CGT s'indigne car la direction a reçu une offre de reprise qui éviterait les réductions d'effectifs. Mise au point par un ancien directeur de la stratégie d'Ascometal, Philippe Armengaud, qui dit avoir l'appui de deux investisseurs (ABNEX et 1-2-3 Venture), cette solution a été rejetée par le groupe.
"Nous ne sommes pas vendeurs", indique-t-on au siège, en soulignant le caractère "stratégique" des produits fabriqués au Cheylas. Délégué syndical central CGT, Denis Ruano ne croit pas au discours d'Ascometal. Amputé d'une partie de sa main-d'oeuvre et de ses équipements, le site, prophétise-t-il, est condamné à une mort certaine.