30 personnalités et dirigeants de la gauche lancent ce manifeste (à signer sur Le Citoyen).
Le « non » irlandais au Traité de Lisbonne constitue, après les « non » français et hollandais, le troisième revers sérieux subi par l’Europe libérale telle qu’accentuée par ces deux traités identiques sur le fond. Il faut en prendre acte.
Cela suppose de respecter le choix des Irlandais mais aussi cette exigence démocratique minimale : dès lors qu’un pays rejette un traité européen il n’a plus d’existence légale et doit être déclaré éteint. C’est ce que prévoit d’ailleurs expressément feu le Traité de Lisbonne.
Il ne peut donc pas être mis en œuvre. La volonté affirmée de poursuivre les ratifications n’à donc aucune légitimité. Elle constitue par contre un acte hostile insensé dirigé contre le peuple irlandais.
De même nous tenons à préciser hautement que si une manœuvre aboutissait à ajouter au Traité de Lisbonne un quelconque amendement « irlandais », alors s’appliquerait : « A nouveau texte, nouvelle ratification » partout, inclus en France. Dans ce cas nous n’accepterions pas d’être à nouveau privés de référendum.
Prendre acte de ces rejets, c’est aussi considérer qu’en Europe un courant populaire de fond en est à l’origine. Il faut donc travailler sans plus attendre, sous peine de paralysie et d’implosion, aux grandes orientations d’une alternative nécessaire pour que l’Europe soit enfin celle des peuples et du progrès, à l’intérieur comme à l’extérieur.
Rassemblés indépendamment de nos appréciations sur ces traités rejetés, nous considérons que désormais la preuve incontestable est apportée : à vouloir faire l’Europe loin des peuples, hors les peuples et contre eux, c’est l’échec assuré et c’est l’idée même d’Europe qui est atteinte par manque d’adhésion populaire.
Nous voulons formuler les grandes lignes alternatives à l’Europe actuelle qui doit déboucher sur un autre traité réalisé en associant les peuples et leurs représentants dans un processus inédit de construction démocratique. Nous entendons commencer sans attendre.
Nous considérons que l’Europe sera sociale ou ne sera pas. Nous estimons que seule l’harmonisation sociale par le haut a du sens et qu’elle est seule de nature a susciter l’adhésion populaire. Aucune clause, d’aucune sorte, ne doit s’y opposer. L’Europe doit être un espace de progrès et d’égalité, elle doit être protectrice contre la mondialisation libérale qui met violemment les peuples en concurrence.
Nous considérons que l’Europe sera dégagée du dogme libéral ou ne sera pas. Nous estimons que la Banque Centrale Européenne et les politiques économiques doivent être mises au service du peuple à l’inverse des réalités d’aujourd’hui. Nous considérons que tout ne peut ni ne doit être marchandise et que les services publics doivent jouer un rôle majeur et accru afin de faire primer l’intérêt général et permettre un développement durable. De la sorte il sera possible de faire le choix effectif d’une croissance durable et écologiquement respectueuse de la nature.
Nous considérons que l’Europe sera un espace de paix et de solidarité ou elle ne sera pas. Pas plus que l’alignement sur les Etats-Unis ne garantit notre sécurité et le recul des armements, il ne peut aucunement constituer l’identité européenne dans un monde qui a besoin de paix, d’équilibre et de justice. De même, l’Europe sous emprise libérale conduit à la spoliation du Sud et à ces tragiques « émeutes de la faim ». Il faut entretenir des relations équitables, préférentielles et solidaires avec le Sud qui souffre à n’en plus pouvoir gémir.
Nous considérons que l’Europe sera démocratique ou bien ne sera pas. Il n’est pas acceptable, dans le monde moderne, que 27 personnes seulement, entourées d’une pléthore de technocrates, dictent le sort de 450 millions d’européens. Ces traités rejetés, rédigés dans d’obscurs cénacles, démontrent que cette conception conduit à une impasse. Il convient de donner un rôle accru au Parlement européen et aux parlements nationaux dans la conduite des affaires de l’Europe. Et il convient d’accepter enfin que les citoyens européens deviennent pleinement acteurs des décisions qui les concernent.
Pour faire valoir ces grandes orientations alternatives, non limitatives, nous en appelons à toutes et tous qui croient en l’Europe et qui veulent en faire un espace porteur d’une nouvelle civilisation humaine en son sein comme dans le monde qui en a tant besoin. L’Europe, en aucun cas, ne peut être un simple « copier-coller » des USA.
Nous en appelons aujourd’hui, et solennellement, à la mise en commun de toutes les idées et énergies pour qu’enfin l’Europe soit bien celle des peuples et cet espace aéré, respirable et libre agissant pour un monde nouveau. Ensemble, avec toutes celles et tous ceux qui soutiennent cette démarche démocratique, nous prendrons des initiatives appropriées en France et en Europe.
Les 27 premiers signataires :
François Asensi, député-maire ; René Balme, maire de Grigny ; Robert Bret, sénateur ; Jean-Paul Boré, vice-président de conseil régional, membre du Comité des régions d’Europe ; Daniel Brunel, vice-président de conseil régional ; Eric Coquerel, président de Mars-Gauche Républicaine ; Jean Combasteil, ancien député-maire ; Claude Debons, syndicaliste ; François Delapierre, délégué général de PRS ; Jean Desessard, sénateur ; Marc Dolez, député ; Bernard Frédérick, journaliste ; Jean-Claude Gayssot, ancien ministre, conseiller régional ; Daniel Geneste, syndicaliste ; Jacqueline Fraysse, députée ; Dominique Grador, conseillère régionale ; André Laignel, député européen ; Jean-Claude Lefort, député honoraire ; Isabelle Lorand, chirurgienne ; Marie-Noëlle Lienemann, députée européenne, conseillère régionale ; Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris ; Roger Martelli, directeur de Regards ; Jean-Luc Mélenchon, sénateur, président de PRS ; Jean-Claude Sandrier, député ; Catherine Tricot, architecte ; Marie-Pierre Vieu, conseillère régionale ; Paul Quilès, ancien ministre.