Dans une lettre du 4 septembre aux autres leaders socialistes, Benoît Hamon, Henri Emmanuelli et Marie-Noëlle Lienemann, responsables des contributions "Reconquêtes" et "Changer !" proposent de former une majorité au congrès du Ps autour de 6 axes : bâtir la maison commune de la gauche, sceller un nouveau pacte européen, redistribuer les richesses, mieux protéger les populations fragiles, affirmer le rôle économique de la puissance publique, défendre une politique étrangère progressiste.
Les Français, et singulièrement les plus modestes, sont durement touchés par la politique de Nicolas
Sarkozy. Les services publics sont attaqués, la croissance est en berne, la protection sociale mise à mal.Plus que jamais, nos concitoyens ont besoin d’une gauche offensive pour s’opposer et inventive pour proposer.
Or le PS est en difficulté. Face aux multiples crises qui mettent en évidence un renversement de
cycle et l’échec du libéralisme, il ne peut se contenter de réponses convenues. Face à la droite, il
peine à s’opposer efficacement. Les militants, eux, sont déboussolés, voire exaspérés, car les querelles internes et le choc des ambitions l’emportent sur la nécessaire confrontation d’idées.
L’heure est bien au sursaut et au renouveau. Loin des synthèses molles et des mécanos
improbables, il faut au PS une majorité nouvelle et cohérente. Une majorité qui incarne une gauche
décomplexée, fière de ses valeurs, ferme sur ses orientations, claire sur ses choix stratégiques.
Réussir le Congrès de Reims, c’est créer les conditions d’un retour de l’espoir. Nous voulons
participer à cette entreprise, en versant au débat les 6 points qui, selon nous, doivent en constituer les piliers.
1. La maison commune de la Gauche : une nouvelle étape de l’unité
Nous proposons de construire un grand parti de la gauche, à la fois social, écologiste, laïque et
populaire qui se fixe pour objectif de fédérer et dépasser les organisations existantes. Cette maison
commune doit devenir l’instrument de la reconquête de la confiance des classes populaires et le
moteur d’une nouvelle alliance de la gauche.
Nous n’avons pas d’ennemi à gauche. La reconquête du pouvoir en 2012 ne peut passer que par
un processus politique aboutissant à l’union exclusive de toutes les forces de gauche aspirant à prendre des responsabilités gouvernementales. Dans cette perspective, nous pensons que la clarté des
alliances est indispensable et excluons toute alliance avec le centre et le MODEM.
2. Un nouveau pacte Européen
Les peuples se détournent de l'Europe : après les « non » français et hollandais de 2005, le « non »
irlandais en témoigne à nouveau. La crise européenne c’est avant tout l’échec d’une orientation
idéologique, fondée sur le « tout marché » et ses corollaires, la dérégulation généralisée et le
démantèlement des modèles sociaux protecteurs. Les citoyens européens aspirent à une réorientation
profonde de la construction communautaire. Le rôle de la gauche, c’est de proposer aujourd’hui un
pacte pour la prospérité et le progrès social.
Initié par un premier groupe de pays volontaires, ce pacte doit promouvoir :
· Une politique industrielle offensive soutenue par une politique monétaire favorable
· L’arrêt des politiques de dérégulation, en particulier dans les services publics
· Un plan d’investissement et de croissance Européen basé sur l’emprunt
· Une défense européenne indépendante, autonome par rapport à l’OTAN.
· Une politique énergétique capable d’assurer la sécurité, la diversité et l’indépendance
énergétique de l’Union.
· Une fiscalité redistributive clairement assumée.
3. Redistribuer les richesses
Un rééquilibrage volontariste entre les revenus du travail et du capital est nécessaire. Le soutien au
pouvoir d’achat des Français, surtout des moins favorisés, suppose d’améliorer la composante centrale de leur revenu, le salaire. Le renforcement de l’investissement, en particulier public, et la relance de la politique industrielle, sont les autres facteurs indispensables au retour à une croissance solide, pérenne et juste.
4. Mieux nous protéger
Le libre-échange généralisé menace à terme tant notre modèle social que l’environnement. Les
pays les plus fragiles en sont les premières victimes. L’Europe subit elle aussi les effets d’une libéralisation à outrance qu’elle ne cesse pourtant de préconiser ! Il est temps de remettre en cause les règles qui régissent aujourd’hui les négociations commerciales multilatérales et d’imaginer de nouvelles protections.
Car protéger n’est pas fermer. Nous proposons d’agir avec pragmatisme comme tous nos grands
partenaires et rivaux commerciaux. Là où le libre échange accélère la prédation de certaines activités
économiques sur notre environnement, là où il encourage le dumping social et fiscal, il doit être soumis à des restrictions.
5. Affirmer le rôle économique de la puissance publique
Aux Etats-Unis l’administration fédérale n’hésite pas à intervenir directement dans la vie
économique afin de préserver ses intérêts, parfois en prenant le contrôle d’organismes financiers de
premier plan. Ailleurs, les limites du système libéral sont mises en évidence et conduisent logiquement à des réponses fondées sur l’intervention de la puissance publique. Dès lors, pour quelle raison, ce qui
relève du bon sens ailleurs dans le monde se réduirait en Europe et en France à un archaïsme ?
Redonner à la puissance publique les moyens d’agir passera par :
· une profonde réforme fiscale, visant à rendre l’impôt plus juste tout en améliorant son
rendement, et comprenant notamment une imposition totalement progressive sur le revenu et
une taxation assumée du capital financier.
· Son implication, directe et indirecte, dans la définition d’une stratégie industrielle et du
contrôle, au moins partiel, d’une partie des moyens de production et des outils de crédit. La
préservation et le développement des services publics, ainsi que l’invention de nouveaux
modes de socialisation sont des enjeux majeurs.
· Le droit retrouvé de fixer certains prix, pour contrecarrer les spéculations.
L’Etat ne peut enfin abandonner le respect des conditions de travail à la seule relation
contractuelle entre le salarié et l’employeur, mais doit assumer son rôle de protection des salariés.
6. Une politique étrangère progressiste
En matière de politique étrangère, il y a bien une différence entre la droite et la gauche. Les
progressistes prennent en compte l’émergence de nouvelles puissances. Ils souhaitent contribuer à
l’avènement d’un nouveau multilatéralisme, aux antipodes de l’unilatéralisme actuel, au service de la
seule puissance américaine. C’est la raison pour laquelle nous refusons l’alignement de la France sur les positions de l’OTAN.
Nous refusons également d’adhérer à la théorie du choc des civilisations. Celle-ci est utilisée
aujourd’hui pour justifier le droit du plus fort et le recours à la force. Le fiasco meurtrier de l’intervention en Irak, l’enlisement en Afghanistan, illustrent l’impasse d’une telle doctrine. Dans le même ordre d’idées, nous devons nous interroger sur le concept de droit d’ingérence, devenu prétexte aux aventures militaires et politiques.
Ces six priorités sont, à notre sens, des axes essentiels pour la constitution d’une nouvelle majorité.
La principale question que nous nous posons dans le cadre d’un rassemblement est, in fine, la suivante : la nouvelle majorité sera-t-elle à même de donner un signal extérieur positif et sera-t-elle utile pour
préparer l’avenir, utile pour la gauche, utile pour les Français ?
Ce Congrès doit, en effet, être à la hauteur des enjeux et en aucun cas constituer une parenthèse.
C’est maintenant que l’alternative se prépare et se joue. Ce Congrès déterminera l’envie de nombreux
militants de poursuivre ou non le combat avec nous et l’aspiration de citoyens à nous rejoindre ou à
s’éloigner de nous.
Il ne s’agit pas seulement de penser aux problèmes des Français parallèlement à la préparation du
Congrès, mais de faire constamment le lien entre les deux. Réussir ce Congrès, c’est en ressortir avec
une ligne clarifiée, une stratégie assumée, une équipe renouvelée. C’est à notre sens la meilleure et
unique façon de préparer 2012.
Cher-e camarade, en te faisant ainsi part de notre approche de ce Congrès, nous espérons que tu
la partageras et sommes naturellement disposés à en discuter avec toi si tu le souhaites.
Henri EMMANUELLI Benoît HAMON Marie Noëlle LIENEMANN
www.reconquetes.eu www.changerlavie.eu