La déferlante "obamaniaque" qui submerge les médias français contient du bon -l'espoir du changement de cap politique et l'hommage au symbole fort d'un métis prenant la tête de la nation dominante, encore ségrégationniste il y a 50 ans- et du moins bon : la révérence servile et irraisonnée à l'hyperpuissance américaine, ainsi qu'à son chef qu'on reconnaît ainsi comme sien (alors qu'on n'a aucune part citoyenne à son élection ou à son contrôle, et qu'on ne peut bien sûr lui confier ni les intérêts franco-européens ni les avancées progressistes dans le système mondial).
Révélatrice à cet égard, la déclaration de Pierre Moscovici, ancien responsable du Ps aux questions internationales, que j'ai ainsi interpellé sur son blog. [Bertrand Périssé, du site PAGe]
Selon le député socialiste du Doubs, le président français va "être remis un peu à sa place" car l'arrivée au pouvoir de Barack Obama va montrer que "non, Nicolas Sarkozy n'est pas le maître du monde, non Nicolas Sarkozy n'est pas le roi de l'Europe, non Nicolas Sarkozy n'est pas un monarque français pour l'éternité".
"Nicolas Sarkozy est un homme énergique qui se trouve président de la République française. Maintenant il faut qu'il arrête de parader parce qu'il aura aussi un homme, Barack Obama qui sera président des Etats-Unis et qui ne sera pas du tout le canard boiteux qu'était George Bush", a déclaré M. Moscovici sur i-Télé.
Le nouveau président américain a "une vertu que Nicolas Sarkozy ne possède pas", a aussi noté M. Moscovici : c'est "un homme serein, un homme calme, c'est un homme qui apaise, qui veut rassurer, rassembler, exactement le contraire de Nicolas Sarkozy qui parfois s'agite un peu et qui a plutôt une tendance à vouloir cliver et à créer sans arrêt des antagonismes".
"Je pense que Barack Obama sera non pas un concurrent mais un bon antidote à ce que le sarkozysme peut avoir de périlleux, y compris pour la politique internationale", a résumé l'ancien ministre des Affaires européennes. [ AFP 20 janvier 2008 ]
Commentaire [ par B. Périssé, du Ps-Paris ] :
Deux critiques à cette déclaration étonnante :
- Il est notable qu'un élu français soit persuadé de la consanguinité de son pays avec les Etats-Unis au point de préférer à l'avance la politique du nouveau chef d'Etat de la puissance dominante à celle du président de son propre pays, auquel il reproche d'abord sa prétention à peser sur les affaires du monde : n'est-ce pas une mentalité de colonisé consentant, celle que mettent en scène les médias français en ce moment ?
- Même si le portrait psychologique d'Obama et Sarkozy paraît juste, il est naïf et peu crédible d'attribuer aux traits de caractère des chefs d'Etats le rôle principal dans la définition et la mise en oeuvre d'une politique étrangère : la composition, conservatrice et très libérale (au sens français) du cabinet Obama, mais plus fondamentalement la logique et les contraintes impériales états-uniennes, font craindre -au contraire- une diplomatie bien décevante.
Le mérite de la déclaration de Pierre Moscovici est la clarté du leadership qu'il revendique ainsi sur le plan diplomatique : l'atlantisme comme guide. Cela ne rejoint-il pas, au-delà du phénomène Obama, la reconnaissance, également à l'oeuvre dans la social-démocratie européenne, d'un leadership idéologique, plus libéral-démocrate que socialiste ?/.