Marie-Noëlle Lienemann commente le plan de relance présenté par le Bureau national du Ps, dont elle fait partie. Elle avance aussi des propositions complémentaires. [22 janvier 2009]
Après m'être exprimée clairement devant le BN du PS qui a examiné le plan de relance face à la crise, je dois dire que je suis satisfaite que nous puissions à nouveau parler politique entre nous ! Bien sûr, on aurait aimé avoir les documents plus tôt ; bien sûr nos camarades n’ont pas toujours à mon goût suffisamment pris la mesure des ruptures qui s’imposent, mais le Parti travaille, débat.
Je crois d'ailleurs plus juste de parler d’un plan d’urgence. Nous le savons, nous ne sortirons de cette crise qu’en engageant des changements structurels et radicaux. Ce que nous vivons est l’effondrement d’un système et pas seulement la sanction de quelques excès ou dérives. C’est la logique même du capitalisme financier transnational qui est en cause, c’est le cœur du système qui est touché. D’ailleurs, nos concitoyens, plus que tous les autres Européens savent très bien qu’un colmatage des brèches ou la restauration de plus de transparence ne suffiront pas, ils attendent des transformations majeures de nos politiques économiques sociales et de notre mode de développement.
A l’évidence, le document présenté ne présente pas encore une alternative à ce niveau d’ambition. Il est plus conjoncturel, mais il est vrai qu’il y a une urgence à apporter des réponses immédiates, des contre-propositions face aux insuffisances et rideaux de fumée de la politique de Nicolas Sarkozy. Il était aussi nécessaire que le PS manifeste clairement qu’une autre politique est possible et qu’il y a des réponses immédiates aux situations difficiles de bon nombre de foyers de notre pays.
Ce plan est nettement plus ambitieux que celui proposé par N. Sarkozy. Il propose un mobilisation de 2% de PIB.. C’est le double de ce qui est actuellement prévu en Europe et par Sarkozy. Il est clair que si nous restons sur le rail actuel, c’est probablement bien plus qui sera nécessaire. Car nous ne sommes pas au bout de la crise, les banques possèdent encore d’énormes quantités de produits toxiques et une crise monétaire se profile à l’horizon !
Il marche sur deux jambes : le soutien au pouvoir d’achat, à la consommation populaire d’un côté à l’investissement et à la ré-industrialisation de l’autre. C’est déjà une vision toute à fait différente des plans gouvernementaux !
Le document part d’abord d’une bonne analyse de la crise et c’est essentiel pour éclairer l’alternative à engager. Il manifeste une prise en compte des idées, réflexions que nous avons porté pendant toute la phase de préparation et de débat du congrès de Reims. Souvenez-vous, lorsqu’on annonçait un retournement de cycle, de l’état du capitalisme mondialisé contemporain qui était à bout de souffle, de la globalité de la crise dont le fondement n’est pas que financier mais surtout social et économique… Je vous renvoie à mon blog : billet du 18 septembre 2008, et -plus encore- le livret 1 de la trilogie sur la crise.
J’ai donc, avec d’autres et en particulier Henry Emmanuelli, plaidé pour que nous préparions des réponses plus structurelles et que nos réponses soient mieux connectées à notre diagnostic sur les causes de la crise.
La hausse du SMIC ! L’un des éléments majeurs est la déflation salariale, le déséquilibre du rapport capital travail, au détriment de ce dernier ainsi que l’accroissement des inégalités. Nos propositions doivent impérativement s’inscrire dans une inversion de cette tendance. C’est pourquoi nous avons plaidé pour une affirmation plus nette de l’augmentation des salaires comme élément de la relance, avec une hausse du SMIC (les 3% sont vraiment un minimum) et suggéré un engagement en faveur de la réduction de l’éventail des salaires (qui s’est considérablement accru depuis 15ans). J’ai toujours été très réservée sur la PPE, car il ne me parait pas acceptable que l’Etat se substitue aux entreprises pour la rémunération des salariés. Plutôt qu’un versement immédiat de 500 euros supplémentaire pour la PPE. J’aurais préféré que nous soyons plus offensifs sur la hausse des salaires, avec une proposition de réforme fiscale et de calcul des cotisations sociales… La revalorisation des salaires est la seule façon de revaloriser le travail !
Une baisse de la TVA: Nous avons demandé que la revalorisation des minima sociaux ne soit pas présentée comme un chèque, sorte de prime exceptionnelle anti-crise. En effet, nous ne nous plaçons pas dans une logique d’assistance mais bien dans la reconnaissance de droits. D’une façon générale, nous avons regretté que le volet fiscal du plan soit insuffisant, même si la baisse de 1% de la TVA est une bonne nouvelle qui montre clairement que nous privilégions la baisse des impôts indirects, injustes, au profit d’une relance d’un impôt progressif sur les revenus. J’ai toutefois proposé que nous défendions la création d’une taxation exceptionnelle des dividendes versés aux actionnaires comme des gros propriétaires immobiliers.
Réindustrialiser la France.
Le plan ouvre une page nouvelle en parlant enfin de la ré-industrialisation de la France. Notre parti avait trop négligé cet enjeu et cela a contribué à détourner une partie du monde du travail de la gauche. La création de fonds publics pour l’industrie et les PME en particulier est une avancée ! J’ai souhaité qu’on parle clairement de capital public, tant pour les banques que pour certains secteurs de l’industrie. Notre projet doit être de réinventer des formes contemporaines d’économie mixte. Mais manifestement certains de nos camarades ont du mal à changer leurs préjugés et leurs visions passées. On a eu si souvent les tenants de la mutation de nos économies vers une économie de service, ou d’abandon de la « vieille industrie » pour nous concentrer sur la seule économie numérique ou de haute technologie. La vérité est qu’il n’y a pas de secteurs condamnés, car tous ont besoin de gaps technologiques majeurs et en particulier pour un développement durable !
Reste que le document ne va pas encore suffisamment loin en particulier pour faire de la lutte contre les délocalisations un axe majeur de notre politique et de la remis en cause du libre échange généralisé, sans règles, avec des concurrences déloyales par dumping social et environnemental. Le combat continue.
Combattre les licenciements
Il continue aussi pour la restauration d’un contrôle administratif des licenciements en particulier pour s’opposer aux licenciements boursiers. Le texte du PS n’est pas aussi net et met en place des mesures relevant de l’accroissement important des coûts de tout licenciement, du remboursement des aides publiques mais aussi de recours judiciaires renforcés… Je crains que cela ne soit pas encore suffisant, alors encore un effort camarade…
Je vous invite à consulter la trilogie sur la crise que j’ai publiée il y a quelques semaines et qui, sur beaucoup de points, va plus loin ou complète les propositions du PS, notamment dans sa dimension européenne. L’audace est indispensable dans ces temps troublés où il faut « réinventer l’avenir »./.