Dans cette tribune parue dans le Monde daté du 2 mai, Pervenche Bérès et Denis Gettliffe, candidats socialistes sur la liste Ile-de-France aux européennes, font le constat qu'une part significative de l'apport d'argent public au secteur financier s'est effectuée par de l'endettement public. Dans ces conditions, la question de l'effort à consentir pour rembourser cette dette et de sa répartition entre entreprises et ménages ainsi qu'entre catégories sociales est posée.
Plusieurs centaines de milliards d'euros ont été consacrés par les États en Europe au sauvetage du secteur financier, sous forme d'apport en capital, de garanties ou de rachat de produits toxiques.
Cet effort était nécessaire pour limiter les conséquences économiques et sociales du krach financier. Le Parti socialiste a regretté qu'il n'ait pas été, en Europe et particulièrement en France, assorti de suffisamment de contreparties en ce qui concerne l'activité dans les paradis fiscaux des banques aidées, la rémunération de leurs dirigeants, la distribution de dividendes aux actionnaires et le crédit aux PME.
L'argent public ne peut et ne doit pas servir à rémunérer les actionnaires ou des dirigeants, qui doivent, eux aussi, supporter les conséquences du krach financier. Ces conditions simples et de bon sens, le gouvernement de Nicolas Sarkozy a refusé de les imposer aux banques aidées.
Il aura fallu que l'opinion publique s'offusque de la distribution d'importants dividendes aux actionnaires de la BNP et de la Société générale et du scandale des stock-options accordées aux dirigeants de la Société générale, pour que le gouvernement réagisse. Il est trop tôt pour dire si
cet effort massif s'avérera suffisant, ou s'il faudra à nouveau injecter de l'argent public, mais une chose est d'ores et déjà certaine : une part significative de cet apport d'argent public s'est effectuée par de l'endettement public.
L'idée saugrenue selon laquelle l'Etat serait in fine gagnant ne peut nous satisfaire. Si les banques versent des commissions sur ces apports, ceux-ci ne sont pas sans risque ! Le gouvernement savait-il que la Société générale était engagée à hauteur de 12 milliards de dollars vis-à-vis d'AIG avant de lui prêter des fonds propres ? Combien d'autres actifs toxiques sont détenus par les banques françaises ? Ces incertitudes pèsent désormais sur l'Etat et sur ses comptes.
INVESTISSEMENTS DU FUTUR
Dans ces conditions, la question de l'effort à consentir pour rembourser cette dette et de sa répartition entre entreprises et ménages ainsi qu'entre catégories sociales est posée. Poser ce problème, ce n'est pas seulement revenir sur le bouclier fiscal, qui protège ses bénéficiaires de tout effort supplémentaire pour financer la solidarité nationale ou pour rembourser le surplus de dette publique. C'est aussi poser le principe de la contribution du secteur financier au coût de son sauvetage.
Le secteur financier, mettant en avant la compétition et le caractère délocalisable de ses activités, a obtenu des mesures de dérégulation mais aussi des allégements significatifs de la fiscalité qui pèse soit sur les entreprises, soit sur leurs dirigeants. Ce mouvement de dumping réglementaire et fiscal est l'un des facteurs de la crise, il a été en principe interrompu par celle-ci. Pour la stabilité même du système financier, il est indispensable que celui-ci contribue à son sauvetage et au coût de sa régulation, car les citoyens ne comprennent pas, à juste titre, la privatisation des profits et la socialisation des pertes.
Demain, nous devrons fonder la stabilité du système financier sur un socle solide et universel de règles, et sur une vraie éthique. Faire porter au secteur financier et à ses acteurs une partie du coût de son sauvetage est une exigence à la fois morale et économique, garante de la stabilité du système financier et de la justice sociale.
Pour y parvenir, et dans l'esprit du Manifeste adopté par les partis socialistes et sociaux-démocrates d'Europe, nous proposons d'instaurer une taxe européenne sur les résultats du secteur financier. Seul l'échelon européen permettrait d'assurer l'universalité de cette taxe et sa neutralité entre les différents acteurs financiers de l'Union.
Cette taxe, assise sur les résultats des établissements bancaires et financiers, aurait vocation à fournir des ressources à l'Union européenne, et pourrait être affectée aux investissements du futur dont l'Union a tant besoin, alimenter le Fonds social européen ou le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation. Les citoyens européens sont exigeants à l'égard de l'Union, ils ne comprendraient pas qu'elle ne soit pas capable d'assurer la stabilité et la justice sociale, pour qu'Union européenne rime avec ambition et protection.
Pervenche Berès est présidente de la Commission des affaires économiques et
monétaires du Parlement européen ;
Denis Gettliffe est conseiller du président de la Commission des finances de
l'Assemblée nationale.