Le député PS de Paris revient sur la volonté du candidat de l'UMP d'introduire une franchise sur le remboursement des soins. [ Libe.fr 5 février 2007 ]
Après l'annonce de Nicolas Sarkozy d'introduire une « franchise » sur le remboursement des soins, ses principaux lieutenants, François Fillon et Xavier Bertrand, ont multiplié les déclarations les plus contradictoires, tantôt pour justifier cette provocation, tantôt pour en atténuer l'effet.
Rappelons, tout d'abord, ce qu'est une franchise de remboursement. Au ticket modérateur actuellement existant (partie non remboursée des soins, soit 30% pour une consultation médicale – à condition que le praticien respecte les tarifs –, et 25% sur le médicament), la Droite a ajouté le fameux «1 € » sur chaque acte médical, puis les 18 euros sur les actes les plus lourds. La proposition de Nicolas Sarkozy est de diminuer davantage les remboursements : les premières dépenses (100, 200 Euros ? On ne sait pas. Mais ce qui est sûr c'est que cette franchise augmentera au rythme déficits) ne seraient donc plus du tout remboursées. Les conséquences sociales, sanitaires et politiques d'une telle mesure seraient considérables.
Dès lors comment peut-on justifier une telle proposition ? Pour François Fillon, c'est la situation financière de l'Assurance maladie, l'ampleur du déficit, et le refus par engagement moral le de recourir à la dette sociale qui légitiment cette baisse des remboursements. L'argument, purement comptable, a au moins le mérite – si l'on ose s'exprimer ainsi – de la franchise. Il est néanmoins profondément cynique venant de responsables gouvernementaux qui ont, sans vergogne, fait exploser la dette sociale, ces cinq dernières années, en transférant plus de 60 milliards d'euros sur les générations futures. Records pulvérisés !
Pour Xavier Bertrand, c'est « la responsabilisation du malade » qui est l'enjeu de cette mesure. On se souvient pourtant que cet argument a déjà servi pour expliquer les déremboursements précédents. Quand cela finira-t-il ? En réalité, il n'y a là que pure idéologie et volonté scandaleuse de culpabilisation.
Nous savons bien que la très grande partie des dépenses de santé est concentrée sur les cas les plus lourds : malades hospitalisés et malades chroniques. Le recours abusif à la consultation médicale, quant à lui, bien que souvent évoqué pour expliquer l'aggravation de notre situation financière, est une idée fausse. Ces abus ne concernent, en fait, qu'un nombre très marginal d'assurés et ne représente qu'un faible enjeu financier pour l'Assurance maladie.
La véritable logique de la franchise médicale est de freiner la première consommation (celle qui est pourtant la plus utile au plan médical) et non la surconsommation éventuelle. En effet, la franchise ne joue plus de rôle dissuasif une fois son montant dépassé. Comme le soulignent toutes les études, et notamment les rapports du Haut Conseil à l'Assurance Maladie, c'est dans la désorganisation du système de soins qu'il faut chercher les principales raisons du gâchis et des abus : surprescription médicamenteuse, multiplication des examens en raison de l'absence de continuité des soins…
Mais, au-delà des mauvais prétextes, ces mesures entraîneront surtout de très graves conséquences pour notre Assurance maladie et pour la santé publique de notre pays. Avec une franchise à 100 €, 40 % des Français ne recevraient plus aucun remboursement dans l'année. Il s'ensuivrait une perte de légitimité de la sécurité sociale fragilisant son existence même. Les plus défavorisés et les plus pauvres, les plus exclus du système de santé, seraient amenés à retarder leur recours aux soins sans que d'aucune façon la santé publique ou les comptes de la sécurité sociale y trouvent leur intérêt.
Devant la montée des tarifs, la généralisation des dépassements d'honoraires, les déremboursements de médicaments, et bientôt la création d'un secteur optionnel décrochant une nouvelle fois le montant des remboursements des prix réellement payés, le problème de l'accès aux soins se posera pour des millions de Français.
Mais pour Nicolas Sarkozy, l'important c'est d'avancer vers la privatisation pour ne plus garder dans la sécurité sociale que le remboursement des soins les plus lourds./.