Les prix qui s'envolent, les salaires en rade ... le débat a ressurgi dans la campagne. A la mesure de la "gravité du problème", selon l'économiste Pierre Concialdi (économiste à l'Institut de recherches économiques et sociales (Ires), organisme proche des organisations syndicales. Prochain livre: Non à la précarité, Ed Mango).Libération.fr, 29 mars 2007.
Pourquoi la question du pouvoir d'achat s'est-elle imposée dans la campagne ?
Il n'est pas étonnant de voir resurgir ce débat, compte tenu de la gravité du problème. C'était déjà la revendication majeure des salariés dans les manifestations du printemps 2005. Après presque trente années de vaches maigres, la situation est devenue critique pour de très nombreux salariés, vulnérables au moindre coup dur. Aujourd'hui, on peut estimer qu'au moins un Français sur trois est pauvre ou précaire.
Les salaires sont-ils trop bas ?
Depuis la fin des années 70, les salaires ont été mis à la portion congrue. Le pouvoir d'achat du salaire net a baissé ou stagné une année sur trois. En moyenne, la hausse a été de 0,4 à 0,5 % par an. Cela n'a même pas permis de rémunérer la hausse du niveau moyen de qualification. Le pouvoir d'achat du revenu moyen par ménage a aussi très peu augmenté (+ 0,5 % par an). De plus, cette faible hausse a été concentrée sur deux périodes (1987-1990 et 1997-2002), en dehors desquelles le pouvoir d'achat des ménages a baissé ou stagné, comme depuis 2002. Les inégalités entre salariés et ménages se sont creusées. La sécurité économique passe par les revenus de la propriété : ils représentent l'équivalent de près de la moitié de la masse des salaires nets, contre un quart en 1978.
Assiste-t-on au développement d'une catégorie de travailleurs pauvres ?
Depuis 25 ans, il y a eu une explosion des bas salaires : aujourd'hui, plus d'un salarié sur 6 est à bas salaire (soit environ 90 % du Smic net à temps complet). Et, dans ces bas salaires, la proportion de très bas salaires (environ deux tiers du Smic) a pratiquement doublé. Cela a nourri le développement de la pauvreté laborieuse. Mais ce phénomène traduit un mouvement plus profond de dévalorisation du travail : les revenus de la propriété ont explosé depuis la fin des années 80, et la plupart des salariés n'en ont guère vu la couleur. Mais il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui 6,5 millions de Français vivent avec les minima sociaux, dont le niveau a régressé depuis 25 ans par rapport au niveau de vie moyen...
Comment jugez-vous la proposition de Nicolas Sarkozy qui propose de «travailler plus pour gagner plus» ?
Quand des millions de personnes sont au chômage ou en sous-emploi, tout le monde comprend que c'est une supercherie. L'arithmétique élémentaire qui sous-tend ce slogan signifie implicitement qu'il n'y a pas d'autre moyen pour les salariés que de travailler plus pour gagner plus. En clair, la croissance et les gains de productivité ne sont pas pour eux. C'est un projet socialement insoutenable et économiquement inefficace.