« Le moment viendra où il faudra clarifier totalement pourquoi nous avons manqué cette chance historique. La question à laquelle il faudra répondre ne sera d'ailleurs pas seulement pourquoi une défaite, mais c'est l'interrogation centrale pourquoi la victoire largement attendue il y a quelques mois, et pour laquelle nous avions des atouts puissants, s'est-elle transformée finalement en échec ? Mais aujourd'hui, concentrons-nous sur les législatives. »
Le PS se réunit samedi pour un conseil national qui s'annonce moins mouvementé que prévu. Les règlements de compte sont mis sous cloche ?
J'espère bien que oui. Malgré l'ardeur militante de la campagne, la gauche a subi dimanche dernier une cruelle défaite. Les législatives sont dans un mois. Il serait absurde de rendre plus difficile la situation par ce genre d'attitudes. Celle-ci exige au contraire notre unité.
Comment faire campagne pour les législatives, avec, comme conséquence d'une victoire éventuelle des socialistes, une nouvelle cohabitation ?
Dans aucune élection, on ne part battu. Nous faisons campagne pour obtenir le score le plus élevé possible et nous sommes prêts à prendre toutes nos responsabilités en cas de succès. Le PS est un parti de gouvernement, pas de renoncement. Pour cela, affichons clairement nos priorités : l'économique, le social, l'écologique, l'européen. Martelons l'argument central : il faut un rempart de gauche à la droite rouleau compresseur, il faut un contre-pouvoir au pouvoir élyséen. Car attention : les premières projections en sièges qui ont été publiées sous-estiment le possible effet de souffle de la présidentielle sur les législatives. Le risque, ce n'est donc pas seulement celui d'une « modeste» victoire UMP, c'est celui d'un véritable rouleau compresseur, amenant dans le pays un déséquilibre massif et dangereux sur le plan démocratique, social, économique, éducatif, culturel. Si la victoire doit être recherchée, de toute façon, un rééquilibrage est indispensable. L'élection de Nicolas Sarkozy est acquise, elle ne doit pas signifier un chèque en blanc.
Avec six jours de recul, quelles sont, selon vous, les causes de la défaite de Ségolène Royal ? Son ouverture au centre a-t-elle été une erreur ?
Les causes sont multiples. La question de la lisibilité politique en fait certainement partie.
Pourquoi le PS n'a-t-il pas entrepris depuis 2002 le travail nécessaire de refonte idéologique, comme Sarkozy l'a fait avec la droite ?
Il y a eu sans aucun doute à la fois des efforts et des manques. Nous devrons réfléchir à tout cela collectivement. De là à proposer comme mot d'ordre mobilisateur pour les législatives «nous avions tout faux, votez pour nous», je ne le recommande pas. Et ce n'est pas non plus ce que je crois.
Quel rôle doit jouer Ségolène Royal dans les mois qui viennent ?
Le rôle d'une importante responsable socialiste.
DSK estime que l'avenir de la gauche passe par un PS qui s'assume enfin franchement social-démocrate. Qu'en pensez-vous ?
Je pense que, face aux nouveaux enjeux la mondialisation financière, l'émergence de la Chine et de l'Inde, le risque de décrochage économique de la France, la précarisation accrue de la société, la confusion fréquente entre solidarité et assistanat, les périls environnementaux , il faut un PS modernisé et non pas droitisé. Le capitalisme a changé, il est davantage financier, transversal et transnational. Opposons-lui un socialisme offensif, une gauche décomplexée. Sans complexe à être ancrée à gauche, sans complexe à regarder le monde tel qu'il est pour l'améliorer.
La faiblesse de la gauche de la gauche lors de cette présidentielle n'invalide-t-elle pas votre analyse ?
Non. Le score de la gauche non socialiste a été effectivement faible au premier tour, mais celle-ci a été électoralement «siphonnée», en particulier par ses propres divisions et par l'effet du vote utile renforcé par le souvenir du 21 avril 2002. Pour autant, ce que cette gauche porte comme exigence et comme révolte n'a pas disparu. Je continue à souhaiter le rassemblement de la gauche et des Verts, un rassemblement ouvert sur les autres.
Réclamez-vous l'organisation d'un congrès anticipé et un changement de premier secrétaire ?
Non, nous devons éviter les calendriers dictés par telle ou telle convenance personnelle.
Selon vous, les vacances maltaises du nouveau président de la République dessinent-elles le style du quinquennat ?
Le nouveau président devra être jugé aux actes et aux résultats.
Libération - samedi 12 mai 2007