La campagne de la présidentielle a mis en avant la question de la carte scolaire et à travers elle la question de la mixité sociale dans les établissements scolaires. Avec raison ! La France connaît un vrai problème de mixité sociale dans l'école, mais pas seulement. Nous avons reculé sur cette question, ces dernières années. C'est inacceptable ! Thierry Cadart, secrétaire général de la fédération du SGEN-CFDT, Le Monde 22 Juin 07
Les problèmes de contournement de la carte scolaire sont-ils une cause de ces difficultés ou un symptôme ? Oser poser la question en ce temps de consensus anesthésié, n'est-ce pas déjà y répondre ? Il serait profondément illusoire de vouloir régler ces questions, angoissantes pour de nombreuses familles, en cassant le thermomètre ! Il serait irresponsable de vouloir supprimer, sans autre forme de procès, le seul instrument de régulation qui s'oppose aujourd'hui aux pesanteurs sociologiques. La carte scolaire est une des dernières digues, même imparfaite, garante de notre modèle républicain. La faire sauter, c'est laisser la vague de "l'entre-soi" et des communautarismes sociaux s'étendre sur tous les territoires urbains.
Il serait vraiment naïf de croire, ou de laisser croire, que la suppression de la carte scolaire puisse régler le problème du vivre ensemble dans notre pays. D'ailleurs peut-on réduire ce problème à une question d'école ?
Le gouvernement ne peut espérer se dispenser ainsi de la mise en place d'une véritable politique de la ville : habitat, transports, services publics, équipements... qui s'oppose aux discriminations spatiales et sociales. Cette politique doit impliquer les collectivités locales qui exercent la responsabilité principale dans l'affectation géographique des logements sociaux et les associations partenaires des équipes pédagogiques.
Le gouvernement devra mener aussi une véritable politique scolaire pour lutter contre la constitution d'établissements-ghettos : implantation des options, gestion des débuts de carrières, répartition des moyens, relance de la politique des zones d'éducation prioritaires... La pression sur la carte scolaire s'exerce essentiellement sur le collège du fait de sa mission implicite d'outil de sélection sociale : bâtir un collège qui soit le lieu d'acquisition d'un véritable socle commun et du vivre-ensemble est nécessaire pour combattre la ségrégation sociale et scolaire. Méfions-nous de la pensée magique : la carte scolaire peine à résoudre les problèmes de mixité sociale... eh bien, supprimons-la ! Trop facile, surtout trop dangereux.
Regrouper les meilleurs élèves entre eux, ou pis, les élèves issus de milieux favorisés, c'est peut-être tentant, mais que deviennent les autres ? Qui voudra vivre et enseigner avec une telle fracture scolaire demain, et avec une telle fracture sociale après-demain ?
ASSIGNÉ À RÉSIDENCE
De plus, la suppression de la carte scolaire viendra heurter de plein fouet les politiques initiées par les collectivités locales en termes d'implantation des établissements, avec le risque de rendre inutiles des investissements importants. Sur cette question, le nouveau président de la République s'est engagé à répondre à l'angoisse des familles qui craignent pour l'avenir de leurs enfants, angoisse multiforme mais qui se focalise sur l'idée de voir son enfant assigné à résidence dans un établissement en déshérence.
C'est là sa véritable promesse électorale, personne n'a entendu parler de création d'une école à deux, trois ou quatre vitesses. C'est pourtant ce à quoi aboutirait la suppression de la carte scolaire en trois ans. Nous ne revendiquons pas le statu quo, prenons le temps de la discussion et attaquons-nous aux vrais problèmes. Le SGEN-CFDT a des propositions à faire.
La carte scolaire doit être repensée. Il faut construire des bassins de formation à l'échelle d'une agglomération, d'un groupement de communes, d'un pays... selon les réalités territoriales et en partenariat avec les collectivités locales. En agissant sur le redécoupage des périmètres de recrutement des élèves et l'organisation des transports scolaires ; le choix du lieu d'implantation des établissements ; la constitution d'écoles et de collèges regroupant les élèves par cycles, par exemple un collège regroupant les sixièmes-cinquièmes et un collège regroupant les quatrièmes-troisièmes ; la répartition des élèves sur le bassin de formation en respectant un profil moyen tenant compte des catégories socioprofessionnelles ; la fermeture de certains établissements-ghettos ; le développement de lycées polyvalents et le rééquilibrage de l'implantation des options sur un bassin de formation.
Pas de remèdes miracles mais des axes pertinents pour mener une politique volontariste de réduction de la fracture sociale dans notre école. Nous sommes prêts à en discuter./.