Tribune de Jean-Pierre Giacomo, président de la Confédération nationale du logement (CNL), sur la déduction des intérêt des emprunts immobiliers. " Faire de la France un pays de propriétaires était une idée déjà avancée par Valéry Giscard d’Estaing, il y a plus de trente ans. C’est donc un vieux thème politique et idéologique de la droite qui va de pair avec le souci d’accroître la propriété privée locative au détriment de la propriété sociale.
En le mettant en avant lors de la récente campagne électorale, le président de la République a voulu surfer sur une aspiration exprimée par un nombre important de nos concitoyens.
Pour la Confédération nationale du logement, première organisation d’habitants de ce pays, cette volonté d’accéder à la propriété est parfaitement légitime, mais la priorité qu’entend donner le président de la République, aujourd’hui, à la déduction fiscale des intérêts des emprunts immobiliers, et, demain, à l’accélération de la vente des logements HLM, est une véritable insulte pour tous ceux qui aspirent à entrer dans un logement compatible avec leurs besoins et leurs moyens financiers.
La CNL juge inacceptable que la priorité ne soit pas donnée à la demande la plus sociale. Faut-il que la majorité présidentielle ait la mémoire courte pour ne pas se rappeler dans quelles conditions d’urgence et de précipitation elle a été amenée à voter une loi sur le droit au logement opposable, il y a trois mois, même si ce texte reste marqué par l’absence de moyens budgétaires et d’ambition ? Combien de fois nous a-t-on dit que la crise du logement était un constat partagé ? Personne ne conteste le fait qu’il y a dans notre pays deux cent mille personnes sans domicile fixe, près d’un million de locataires qui vivent dans un habitat précaire ou indécent, et 1,3 million de demandeurs de logement social inscrits sur des listes d’attente. Ce constat partagé ne fait pourtant pas le poids face aux enjeux électoraux.
La mesure annoncée par le président de la République pourrait se traduire, selon l’option qui sera définitivement retenue, par une diminution des rentrées fiscales estimée à quatre milliards d’euros en année pleine. Cette mesure est injuste et dangereuse ; injuste car l’expérience récente a montré que chaque fois qu’une diminution d’impôt était opérée, elle était plus profitable aux gros contribuables acquéreurs de biens plus importants qu’aux contribuables modestes ; dangereuse car tout avantage fiscal consenti dans le domaine de l’immobilier est récupéré en grande partie par l’augmentation des prix de l’acquisition des biens ; dangereuse également car le risque existe que, pour compenser cette moins-value fiscale importante, le gouvernement ampute encore plus le budget logement dans la loi de finances 2008.
Il est donc scandaleux que la première mesure gouvernementale annoncée ne concerne ni la mise en oeuvre réelle et efficace du droit au logement opposable, ni une politique dynamique de construction de logements véritablement sociaux, ni une augmentation substantielle des aides personnelles.
Dans la conception du droit au logement à laquelle se réfère la CNL, l’accession à la propriété du logement est partie intégrante d’une politique de service public de l’habitat et du logement. Nous n’avons pas une conception étroite qui reléguerait à vie les locataires HLM dans leur logement. De ce point de vue, il est urgent de recalibrer le prêt à taux zéro existant afin d’améliorer son efficacité, prioritairement en direction des familles les plus modestes ; d’autre part, les formules de location attribution devraient être favorisées. Pour conclure, l’urgence en matière de logement, c’est la réponse la plus sociale. Pour ce faire, des états généraux du logement pluralistes et démocratiques sont nécessaires.
L'Humanité 2 Juin 2007.