Le sénateur socialiste explique pourquoi les bons résultats de la gauche aux législatives pourraient compromettre le projet de mini-traité européen de Nicolas Sarkozy.
Dès dimanche soir, Jean-Luc Mélenchon s'est réjoui d'une conséquence imprévue des bons résultats de la gauche aux législatives : étant donné leur nombre à l'Assemblée et au Sénat, les élus de l'opposition devraient être en mesure de s'opposer au projet de mini-traité européen promis par Nicolas Sarkozy. Explication.
Source : http://www.marianne2007.info
Marianne2007.info : Pourquoi les bons résultats de la gauche aux élections législatives pourraient-ils compromettre le projet de mini-traité européen ?
Jean-Luc Mélenchon : Pour que le mini-traité soit adoptable par voie parlementaire, comme le souhaite Nicolas Sarkozy, il faut une modification de la Constitution. C'est logique : un traité qui modifie l'organisation des pouvoirs de l'Union européenne nécessite que la Constitution soit révisée. Or pour cela, il faut un vote ratifié par une majorité des 3/5ème du Parlement : Assemblée nationale plus Sénat. Pour que la droite ait cette majorité, j'avais calculé qu'il fallait que l'opposition ait moins de 190 députés. Nous en avons plus de 200 ! Donc l'UMP ne peut pas avoir cette majorité, même avec les voix du Nouveau centre, et même avec les voix de Bayrou. Et comme toute la gauche est d'accord pour dire que l'adoption de ce traité doit passer pas un référendum, nous sommes en situation – au minimum d'imposer une discussion au gouvernement -, au maximum d'obliger la droite à opérer par scrutin référendaire.
Est-ce que c'est une victoire pour la gauche du « non » au projet de Constitution européenne ?
C'est un acquis qui est passé inaperçu pendant les démêlés de la présidentielle parce que la peopelisation a tout emporté, mais les tenants de la gauche du « non » ont obtenu une victoire au congrès socialiste du Mans. La candidate, après des discussions intenses dans la commission du projet socialiste, a accepté l'idée que ce serait aux Français de voter par référendum si un nouveau projet devait être présenté. Elle l'a répété pendant toute la campagne et toute la gauche était au diapason. Bien sûr, il y a toujours quelques mystiques de l'Europe au PS, à qui il suffit de présenter un emballage sur lequel on inscrit « UE » pour qu'ils se tortillent de joie et votent n'importe quoi. Mais ils ne sont pas nombreux…
Vous vous opposerez à ce mini-traité, quel que soit son contenu ?
Il ne s'agit pas de s'y opposer mais de le soumettre à référendum. Evidemment, on va aussi examiner ce qu'il y a dedans. Nous avons critiqué le Traité constitutionnel européen (TCE) pour deux raisons : la première, c'est qu'il ne débouchait pas sur un dispositif démocratique, la seconde, c'était l'institution du libéralisme. On peut imaginer que Monsieur Sarkozy sera assez habile pour voiler toute institutionnalisation du libéralisme. Mais l'Europe démocratique, ce n'est clairement pas son truc…
Ce lundi, le chef de l'Etat consulte différentes personnalités – Edouard Balladur, Jean-Pierre Raffarin, Valérie Giscard-d'Estaing, Simone Weil mais aussi François Bayrou – sur la question de ce mini-traité…
Mais bien sûr ! Il essaye de tricoter un consensus sur le contenu de ce traité parce qu'il sait qu'il va jouer gros ! Dimanche, le système a failli faire « pschitt » ! On a vu que la volatilité politique de ce pays n'était pas terminée. Il n'a pas réussi à nous faire disparaître !
Pourrait-il, malgré tout, faire passer ce traité en force ?
Oui, si le Conseil constitutionnel décide que le mini-traité ne pose aucun problème nouveau par rapport à l'ancien projet. Comme la Constitution française a déjà été modifiée en fonction du TCE, elle n'aurait pas besoin de révision. Résultat : pas besoin de voter. Mais la droite le paierait cher. Cela voudrait clairement dire que la Constitution européenne devient étrangère au peuple français. Voire qu'elle lui est hostile.
Lundi 18 Juin 2007
Anna Borrel