Le député européen, du Parti communiste français , avait sonné l'alerte pour dénoncer la directive Bolkestein avant de mener campagne contre le traité constitutionnel européen. Il critique aujourd'hui les premiers pas de Nicolas Sarkozy sur la scène européenne.
Tribune parue dans Mariane 2007, le 5 Juin 2007
Marianne2007.info : Vous êtes signataire de l'appel « Gauche avenir » qui se fixe pour objectif de « redéfinir des valeurs claires et mobilisatrices » à gauche. Ce rapprochement de personnalités communistes et socialistes annonce-t-il la création d'un grand parti de gauche?
Francis Wurtz : Aucun ordre du jour n'est pré-établi. Il ne s'agit pas de créer un parti mais un groupe de réflexion, conscient de la gravité de la situation et désireux de porter de nouvelles perspectives. C'est tout et c'est déjà beaucoup !
Cet appel a été signé par de nombreux nonistes. S'agit-il de réssusciter la gauche du non au traité constitutionnel européen, plombée par les résultats du 22 avril dernier ?
Il est vrai que cette initiative a d'abord rassemblé des personnes qui s'étaient engagées dans la bataille du non de gauche. Mais la liste de ceux qui veulent signer l'appel est encore tout à fait ouverte. Une chose est sûre : nous contestons le diagnostic de Monsieur Barroso [ndlr : président de la commission européenne] qui estime que « le oui a gagné » après l'élection de Nicolas Sarkozy. Si c'était vrai, pourquoi le candidat Sarkozy, dans le style populiste qui est le sien, a-t-il fustigé la banque centrale européenne (BCE), prôné le protectionnisme européen et le volontarisme industriel tout au long de sa campagne ? Le fait qu'il ait été obligé de tenir ce discours montre la persistance des aspirations antilibérales. S'il propose un mini traité à faire ratifier par l'Assemblée nationale, c'est parce qu'il sait bien que ce texte ne passerait pas s'il était soumis à référendum.
Il semble que le traité simplifié de Nicolas Sarkozy rencontre un certain succès auprès des chefs d'Etats européens. Approuvez-vous ce mini traité ?
Cette démarche de traité simplifié est une supercherie. Au départ, le projet de traité constitutionnel européen annulait tous les traités précédents. Il avait l'avantage d'inviter les citoyens à se prononcer sur un modèle européen global. Lors de cette consultation, la dimension économique et sociale du TCE a été fortement contestée. Que propose Nicolas Sarkozy ? De changer de cadre, à savoir de garder les traités actuels – donc toute la structure libérale - pour ensuite faire voter des amendements sur l'acquis communautaire. Autrement dit, tout ce qui a été contesté demeure mais ne fait plus l'objet d'aucune consultation. Voilà pourquoi, après les libéraux les plus orthodoxes, Angela Merkel, José Manuel Barroso et Romano Prodi, José Luis Zapatero vient d'approuver le projet. Il s'agit en réalité d'une astuce - scandaleuse sur le plan démocratique - destinée à sauver la quintessence de l'Europe libérale, sans prendre le risque d'une confrontation publique européenne. Cela montre bien que les dirigeants européens craignent leur opinion publique.
Le prochain Conseil européen se tiendra à Bruxelles le 22 juin prochain. Que proposez-vous ?
Ce qu'on attendait du nouveau pouvoir français, c'était évidemment qu'il fasse écho du malaise social profond en France mais aussi au sein des autres pays de l'Union européenne. Il y a un mois, Peer Steinbruck, [Ministre de l'économie et des finances allemand] a dit à ses homologues européens sa crainte d'une « crise de légitimité du modèle économique et sociale européen ». On voit bien que les dirigeants européens sont très conscients de ce qui se passe. Mais pour eux, il ne faut pas ouvrir la boîte de pandorre et prendre le risque de voir l'édifice libéral contesté. Le discours que monsieur Trichet a tenu [Ndlr : Président de la BCE] devant la Confédération européenne des syndicats est à cet égard symptomatique. Jean-Claude Trichet a harangué les représentants syndicaux à peu près en ces termes, il y a une dizaine de jours : « il faut appliquer la modération salariale sinon les dérapages salariaux provoqueront l'inflation.» Il a fait l'unanimité contre lui. Mais il ne changera pas de politique: car la modération salariale est fondamentale dans les critères libéraux européens. On assiste partout en Europe à une profonde remise en cause du modèle économique social européen. Il faut ouvrir le chantier des augmentations de salaires en lien avec la politique de la BCE. C'est ce message qu'un représentant de la majorité des Français devrait porter à Bruxelles.