Comment pourrait-on se résigner aux défaites répétées de la gauche, alors que la situation sociale et les aspirations des Français auraient dû sanctionner la droite, son libéralisme, et la renvoyer dans l'opposition ?
Point de vue publié dans Le Monde du 16 Juin 2007 par les premiers signataires de Gauche Avenir.
Nous ne nous résignons pas et nous considérons que la gauche doit ouvrir une nouvelle page de son histoire, puiser au fond d'elle-même l'énergie vitale qui lui permettra d'être pleinement fidèle à son idéal et capable d'imprimer un cours nouveau à la France du XXIe siècle. Pour cela, chacun sent bien qu'une refondation est indispensable, mais la reconquête de la confiance du peuple et donc du pouvoir n'autorise aucun raccourci, aucune facilité. Cette refondation de la gauche ne se fera pas sans que soit menée une bataille culturelle - celle dont parlait Gramsci - contre l'"hégémonie de l'idéologie dominante". Elle se nourrira de débats, notamment sur les valeurs fondamentales de la gauche et sur le contenu du clivage gauche/droite. De tels débats ne doivent pas être escamotés, parce qu'ils constituent un préalable à tout rassemblement.
Partout, la droite affiche ses valeurs traditionnelles, en les faisant passer pour modernes, neuves, à l'image des libéraux américains, qui, à la fin des années 1970, ont engagé une critique rude de l'Etat-providence et un mouvement d'affirmation sans complexes de leurs conceptions, de leur idéologie. Ils ont ainsi profondément imprimé les politiques à venir. Le temps est venu, à notre tour, de reprendre l'offensive pour que la gauche incarne l'avenir !
L'idéal que constituent les valeurs de gauche doit être redéfini en tenant compte de l'évolution de la société, des nouveaux enjeux planétaires et des nouvelles aspirations qui se sont fait jour. Le capitalisme est devenu financier, transnational. La planète, qui devrait être notre village, voit son devenir échapper aux peuples. L'impératif écologique doit transformer nos pratiques, notre regard et notre rapport au temps. Les technologies nouvelles matricent notre quotidien, nos relations aux autres et à l'espace. Les changements sont profonds et, en même temps, nos besoins fondamentaux et bien des rapports sociaux et humains comme l'exigence d'émancipation demeurent. Ce travail, qui conduira à redéfinir les principes auxquels nous sommes attachés : le progrès, la justice, la solidarité, la laïcité..., ne saurait naturellement s'accommoder de slogans vides de sens et de voeux pieux.
A cet égard, l'analyse des causes de l'échec du 6 mai doit être faite complètement, en s'attachant plus aux problèmes de fond qu'aux questions de personnes et de parti. Ces réflexions et ces débats ont commencé à s'engager dans de multiples lieux : associations, clubs, partis, milieux universitaires... Nous pensons que, si chacun doit aller au bout de ses réflexions, il est très important de dépasser certains clivages passés, de permettre des synthèses nouvelles, des confrontations constructives. C'est pourquoi Gauche Avenir se propose d'être un lieu d'engagement individuel, mais aussi un carrefour de ces différentes initiatives.
Loin des enjeux de pouvoir et des rivalités de personnes, Gauche Avenir souhaite rassembler des militants d'origines et de sensibilités diverses, mais attachés à une certaine idée de la gauche et de la République, afin de devenir un creuset de la réflexion collective indispensable sur les valeurs et de contribuer à leur rayonnement dans la société française. Nous avons l'ambition de développer une analyse et une méthode que nous souhaitons voir devenir incontournables dans les processus conduisant à la refondation de la gauche en France.
Au moment où l'irrationnel, les pensées religieuses intégristes semblent gagner du terrain, même dans la vie publique, où la tyrannie de l'immédiateté, du ressenti, du spectaculaire règne dans une sphère médiatique hypertrophiée, nous voulons promouvoir une pensée et une pratique politiques fondées sur l'analyse critique, l'examen du réel, la construction démocratique et collective du progrès. En nous fixant de tels objectifs, nous nous inscrivons dans la forte tradition du mouvement associatif et des clubs, qui a marqué l'histoire de la République comme celle de la gauche. Lorsque les structures organisationnelles de celle-ci se sont montrées incapables de répondre aux exigences de la période, ils ont constitué de puissants relais des aspirations populaires et des laboratoires d'idées. Ils ont joué un rôle décisif dans toutes les reconquêtes de la gauche et ont souvent permis d'éviter que soient confondus rénovation et renoncement. Tel est le sens de notre démarche !
Mohammed Abdi, président d'association ;
Michèle Attar, membre du Conseil économique et social ;
Gilles Candar, historien ;
Claude Cabanes, journaliste ;
Patrick Champagne, sociologue ;
Alexis Corbière, élu municipal à Paris ;
Jacques Duron, membre du Conseil économique et social ;
Jean-Claude Gayssot, ancien ministre ;
Pierre Gendre, syndicaliste ;
André Laignel, député européen ;
Rémi Lefebvre, professeur à l'université de Reims ;
Ivan Levaï, journaliste ;
Marie Noëlle Lienemann, députée européenne ;
Philippe Marlière, politologue ;
Emmanuel Maurel, directeur de la revue "Parti pris" ;
Michaël Moglia, conseiller régional ;
Henri Pena-Ruiz, philosophe ;
Paul Quilès, député PS du Tarn ;
Francis Wurtz, président du groupe Gauche unitaire européenne au Parlement européen.