Le sénateur socialiste et président du mouvement Pour la République sociale privilégie un processus à l'allemande et pense au divorce avec la rue de Solférino.
Entretien réalisé par Dominique Bègles
Vous serez présent dans quelques heures au congrès fondateur du Die Linke en Allemagne. Pourquoi donnez-vous une telle importance à ce moment politique d'outre-Rhin ?
Jean-Luc Mélenchon. Le processus de constitution de cette formation n'est évidemment pas transposable en France. En revanche, ce qui est directement transposable est la situation d'impasse de la social-démocratie allemande aboutissant à ce qu'un secteur de celle-ci, tant sur le plan électoral que militant, décide de s'engager dans un processus de construction politique original. Cette impasse est emblématique. L'Allemagne et la Grande-Bretagne sont le coeur de la social-démocratie internationale. Dans ces deux pays aujourd, les sociaux-démocrates sont des acteurs enthousiastes du démantèlement de l'État social qu'ils ont eux-mêmes construit. Ils arrivent ainsi au bout de la politique d'accompagnement de la mondialisation libérale. Un seul exemple : dans ces deux pays, ils participent à l'allongement de l'âge de la retraite, comme tous les autres partis sociaux-démocrates d'Europe. Cette impasse stratégique, ce renoncement à transformer la société, nous concerne : elle n'est ni allemande ni anglaise mais internationale. Nous sommes donc directement impliqués par l'évènement. C'est sans doute aussi le moment, ici, de se demander s'il est bien l'heure de se découvrir une vocation sociale-démocrate qui n'a jamais été dans la tradition du socialisme français.
Considérez-vous ce scénario à allemande comme une piste pour la gauche française ?
Jean-Luc Mélenchon. Je suis cette évolution depuis les premières heures. J'ai participé à plusieurs réunions avec Oskar Lafontaine. J'ai la conviction que nous pouvons y trouver une source d'inspiration très forte pour notre propre travail de construction politique en France. Après l'observation des conséquences de la chute du communisme d'État, on est en train de découvrir la catastrophe qui frappe la social-démocratie internationale. Pour ma part, je crois que la formule et la méthode de construction de ce nouveau parti peuvent nous donner une indication sur ce que nous avons nous-mêmes à faire. J'y vois une des issues possibles de la crise de la gauche en France. C'est celle que je privilégie à cette heure. J'observe de la part des communistes français une volonté de dépassement des formes politiques anciennes, tout en ayant le souci de protéger leur identité. Le même souci existe chez une partie des militants socialistes qui n'acceptent pas de se résigner à une fumeuse orientation sociale-démocrate, ni à un tropisme pour le centre. Ceux-là ne veulent pas qu'on substitue à l'aspiration sociale des Français une inclination préférentielle pour les revendications sociétales des classes moyennes supérieures des centres-villes.
En France, cela signifierait une double rupture : celle entre vous et le PS actuel, et celle du PCF avec son passé. La situation vous semble-t-elle s'y prêter ?