Le député européen, chargé des questions européennes au PS, se veut combatif dans la "période grise" que traverse la gauche. Dans son viseur, la politique de Nicolas Sarkozy bien sûr, mais également ceux qui, dans son camp, ont préféré "aller voir ailleurs". Jack Lang en tête. Le Journal du Dimanche 15/07/07
Le PS est en train de "s'autodétruire", a dit Jack Lang, a-t-il raison ?
Ces sentences sont fatigantes. Certes, des doutes profonds à gauche sont nés de la défaite, mais ce genre de prophéties vient de ceux qui n'ont plus l'énergie de se remettre en cause, n'ont plus envie de se mobiliser, préfèrent aller voir ailleurs. A ceux-là, je demande de ne pas mettre des bâtons dans les roues de tous ceux, jeunes ou moins jeunes, ce n'est pas une affaire d'âge, qui pensent que la priorité est de remettre la gauche au travail. De la remettre en état de marche, en commençant par dialoguer avec tous ceux à gauche qui s'interrogent de la même manière que le PS sur les marges de manoeuvre de la gauche dans une économie de marché mondialisée, sur les restrictions à poser au libre-échange, sur la crise de l'Etat-providence et celle du projet européen, sur les instruments d'une redistribution efficace ou sur les thérapies globales à mettre en oeuvre contre la dégradation accélérée de l'environnement. Sur ces sujets, tout le monde est en recherche et il faut travailler collectivement.
Jack Lang a lancé un appel à "la démission collective" de l'actuelle direction, qu'en pensez-vous ?
Il part et nous devrions démissionner, c'est grotesque. Ceux qui succombent au charme de Nicolas Sarkozy ont perdu la lucidité. La vérité est que dans trois, quatre ou cinq mois, va apparaître un désir ascendant de la gauche. Qui peut croire qu'en accordant 12 milliards de baisse d'impôt aux 10 % les plus riches, tout en refusant la revalorisation du smic et de l'allocation de rentrée scolaire, le nouveau pouvoir ne va pas créer impatience et colère ? Nous devons faire en sorte que notre offre politique mobilise alors ceux qui seront victimes de la droite.
Il est quand même étonnant que la politique d'ouverture de Nicolas Sarkozy provoque autant de dégâts au PS ? N'êtes-vous pas tombé un peu bêtement dans le piège ?
Les électeurs de gauche attendent de l'honnêteté dans les trajectoires de leurs dirigeants. Le rappel à nos règles était nécessaire. Sarkozy n'a pas proposé au PS de travailler à l'intérêt général en intégrant une commission, non, il a désigné le seul responsable à gauche favorable à l'hyper- présidentialisation du régime. En matière d'ouverture on a connu plus audacieux. La pratique du pouvoir de Nicolas Sarkozy est connue, elle mêle amitiés médiatiques, bienveillance des puissances de l'argent et obsession à tout contrôler. Il y a d'autres rôles plus utiles pour les socialistes que celui qui consiste à prendre la plume pour adapter nos institutions à cet appétit de pouvoir personnel.
Mais 65 % des sympathisants PS approuvent Jack Lang "d'accepter de participer à une commission de réflexion sur les institutions".
Tous les Français sont attachés au rassemblement. Le Parti socialiste prendra ses responsabilités chaque fois que l'intérêt général sera en cause. Mais nous expliquerons en quoi certaines manoeuvres visent d'abord à priver les Français d'une opposition forte, opposition d'autant plus nécessaire que les premiers effets négatifs de la politique de la droite (pouvoir d'achat, conditions de travail, accès aux soins, logement) se feront sentir très tôt.
Reconnaissez-vous une mauvaise gestion de la défaite ? Ne serait-il pas plus simple que le premier secrétaire s'efface dès maintenant ? Comment s'organise la relève ? Quelle est sa priorité ? Quelles valeurs porte-t-elle ? Propos recueillis par Pascale AMAUDRIC
Nous avons été un peu stupéfaits par l'ampleur de la victoire, nous ne voyions pas la droite aussi forte après cinq ans d'une politique très dure pour les Français. Mais l'emballement du calendrier n'aurait fait qu'exacerber les questions de leadership. Notre feuille de route n'est pas parfaite, mais elle nous donne du temps - une valeur précieuse - et l'opportunité de travailler avec l'ensemble de la gauche. Je n'accepte pas que Ségolène Royal soit le bouc émissaire de la défaite présidentielle, ni François Hollande et le Parti socialiste en tant que tel, les boucs émissaires de cette année sombre. Nous sommes dans une période grise où, comme disait Gramsci, "le vieux est mort et le neuf hésite à naître". L'histoire de la gauche est parsemée de ce genre d'épreuves. Qu'on se rassure (ou pas), nous surmonterons celle-ci comme toutes les autres. Se relever commence donc par lutter utilement contre le bouclier fiscal, contre l'augmentation sans contrepartie du temps de travail et contre le démantèlement de la sécurité sociale.
La rénovation ne se résume pas au remplacement de deux quinquas par trois quadras. Il s'agit d'être plus représentatif de la diversité de notre électorat. Il n'y a pas de génération providentielle. Nos valeurs sont connues, et prendre le virage de la modernité, ce n'est pas nous convertir aux axiomes de l'adversaire. Il nous revient de proposer de bâtir, sans timidité ni hégémonie, un grand parti au carrefour des gauches politiques, sociales et intellectuelles.
Le Journal du Dimanche