Pour le secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire, Gérard Aschieri, la société risque de payer très cher les « économies » réalisées par le gouvernement.
Parmi les multiples réactions syndicales qu’ont provoquées les déclarations du ministre de l’éducation nationale, la FSU a dénoncé « une logique comptable à courte vue ».
Entretien réalisé par Émilie Rive, Humanité du 30 juin 2007
Comment réagissez-vous à cette annonce de Xavier Darcos ?
Gérard Aschieri. Elle n’est pas une surprise. Nous ne pensions pas, malgré les déclarations d’intention, que l’Éducation nationale serait à l’abri des suppressions de postes de fonctionnaires. Même s’il s’agit d’une estimation et non d’une décision, c’est très grave : deux fois plus de réduction que l’année dernière, trois fois plus que l’année antérieure. Cette annonce intervient après toute une série de suppressions de postes, alors qu’il y a de plus en plus d’élèves, notamment dans les écoles primaires. Et la légère baisse dans les collèges et les lycées ne compense pas la hausse en primaire. D’autant que, dans quelques années, elle y sera répercutée. Cette ponction n’est pas anodine. Ce n’est pas une liposuccion où on enlève quelque mauvaise graisse. Elle va toucher à la structure même du système éducatif. Pour réduire les effectifs, il n’y a plus de marge de manoeuvre. 10 000 suppressions, cela va toucher l’enseignement et nécessairement l’offre d’enseignement. Des options vont être supprimées au nom de la révision de l’offre de formation. Des lycées professionnels et des lycées technologiques vont voir des formations disparaître. La scolarisation en maternelle va être réduite, notamment en dessous de trois ans. Les remplacements vont être plus difficiles. Et nous allons assister à une tentative de redéfinir les métiers pour alourdir la charge de travail de tout le monde.
Comment, dans ces conditions, rouvrir les études pour empêcher les enfants d’errer en liberté après la classe ?
Je ne sais pas comment va faire le ministre. Il parle de « volants d’heures supplémentaires importants » mais le temps de travail des enseignants n’est pas extensible à l’infini. Le recours aux heures sup a des limites objectives. Il y a les associations, les retraités, ce qui était l’idée de Nicolas Sarkozy pour améliorer les retraites des enseignants. Mais cela ne donne pas du travail sérieux. L’accompagnement et le soutien scolaire, qui ne sont pas tout à fait la même chose, nécessitent un vrai travail, en relation avec les équipes enseignantes. Dans ces conditions, ce sera du bricolage avec des bouts de ficelle.
Le ministre semble s’interroger sur l’organisation du temps de travail, des partenariats. Il est précis : « Qui peut concourir à l’action éducative si les professeurs sont moins nombreux ? Comment peut-on changer les programmes ? » Que répondez-vous ?
Tout cela touche au fondement de l’éducation et à ses structures. Non pas sur une analyse des besoins, des missions, mais à partir d’a priori budgétaires. Et c’est inacceptable. Quand le président de la République nous reçoit, il dit : « La grande priorité, c’est le défi de la connaissance, c’est l’éducation. » Or, c’est la logique comptable qui prévaut et qui va déstructurer l’enseignement et, notamment, l’offre d’enseignement. En mettant tout cela sous le boisseau des contraintes budgétaires, on empêche le vrai débat sur l’amélioration de la qualité de l’enseignement. La restructuration n’est pas dictée par les missions mais par des considérations comptables. Je souhaite encore que l’on mette en cohérence les propos sur la priorité de l’éducation avec les choix budgétaires. La suppression des postes de fonctionnaires va rapporter, sur une année, entre un milliard trois et un milliard quatre d’euros. Je voudrais bien qu’on ait un débat sur l’efficacité de la mesure en comparaison avec les allégements de charges sociales qui vont coûter dix fois plus. Est-ce qu’on mesure ce que ces suppressions vont avoir de conséquences extrêmement graves en termes d’avenir et d’inégalités sociales dans les secteurs les plus fragiles ? Ces « économies », la société risque de les payer très cher assez vite.