Voilà quelques années, on enseignait encore en faculté de droit ce précepte de Montesquieu selon lequel « On ne touche à la loi que d’une main tremblante », ce qui, on en conviendra, est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de la loi pénale, celle qui sanctionne les manquements les plus graves aux règles sociales et qui concerne le bien le plus précieux du citoyen : sa liberté.
Tribune d'Hervé Tourniquet, Avocat - L'Humanité 26 Juillet 2007.
Et c’est pourtant dans le pays de Montesquieu que le Parlement vient d’adopter le 8e texte modifiant l’arsenal répressif du Code pénal en six ans, dans un sens, comme pour les 7 précédents, évidemment plus sévère.
Cette nouvelle loi dite « antirécidive » est d’abord et avant tout un aveu d’échec de cette inflation législative Aucun bilan n’a été tiré, associant les praticiens, les citoyens et la représentation nationale, des textes précédents, et pour cause. Mais on ne change pas une méthode qui perd, surtout quand elle permet de détourner l’attention des vraies questions. Le vote d’une loi nouvelle coûte moins cher que l’investissement dans la réinsertion et la prévention, et est tellement plus adapté au format du journal télévisé. Et comme l’échec des lois précédentes ne peut évidemment pas être imputé à leurs auteurs, modifiant parfois leur propre texte quelques mois seulement après l’avoir adopté, il faut bien un responsable : le « laxisme de la justice ». Ces gens ont-ils déjà assisté à une audience correctionnelle ? Et tant pis si, de l’avis de l’ensemble des professionnels concernés, l’arsenal législatif existant répond déjà suffisamment à l’objectif affiché…
Et tant pis pour les engagements internationaux de la France (mais cela commence à devenir habituel), notamment pour la convention internationale des droits de l’enfant…
Et tant pis pour le principe fondateur de notre droit pénal : l’individualisation des peines.
En France, on ne juge pas l’acte mais son auteur.
Et tant pis pour les victimes, dont le sort ne sera évidemment pas amélioré pour autant.
Et tant pis pour les conditions de détention dans les prisons françaises qui ont déjà valu à la patrie des droits de l’homme d’être montrée du doigt par des organismes internationaux.
Et tant pis pour le budget de la justice, tellement pauvre que l’on se demande dans quel état il serait s’il n’avait été pompeusement qualifié de prioritaire année après année…
Mais peu importe puisque, comme l’explique la garde des Sceaux, il s’agit d’honorer une promesse électorale du candidat… Celui de 2007 ou celui de 2002 qui avait confié
ce « chantier prioritaire » à son omnipotent ministre de l’Intérieur… avec le résultat que l’on connaît ?
Rendez-vous à la 9e loi.