Maurice Lobry, conseiller régional PS d'Ile-de-France, conseiller municipal de Colombes, pense que les valeurs de la gauche, ainsi que le système français de protection sociale sont attaqués tant par Nicolas Sarkozy que par ceux qui, au Ps, veulent voir celui-ci se soumettre à la société de marché. Il invite à ne pas baisser les bras. Tribune du 20/7/07 dans Rue89.com
Le cycle électoral de l’année 2007 se termine pour toute la gauche et pour le PS en particulier par un échec sévère. Le président de la République, fort de son élection, pousse aujourd’hui plus loin encore son avantage. La politique d’"ouverture" est son outil, mais son but est de faire disparaître durablement toute opposition structurée.
Résister à l'offensive
Le Parti socialiste, face à cette opération, apparaît déboussolé. Aux yeux de l’opinion devant laquelle se mène cette offensive, il montre son incapacité à résister. Et pourtant les enjeux sont graves. En essayant de l’affaiblir, Nicolas Sarkozy cherche non seulement à mettre le PS hors jeu, mais surtout à déblayer le terrain, à décourager toute opposition aux réformes qui entraîneront, j’en suis sûr, des régressions sociales, celles que la droite et les secteurs les plus réactionnaires du patronat appellent de leurs vœux.
Nos acquis sociaux sont aujourd’hui dans leur ligne de mire. Ils veulent remettre en cause le droit du travail, les services publics, la protection sociale, les retraites… bref le modèle social français, caractérisé par l’importance de la redistribution. Notre système social, quelles que soient ses imperfections, a au moins le mérite de corriger un peu les inégalités, liées à la place que l’on occupe ou non sur le marché du travail, et au salaire que l’on perçoit.
Pour quelques jeunes loups, il s'agit d'accéder au pouvoir rapidement
Si nous ne résistons pas mieux à l’offensive, c’est sans doute parce qu’il existe dans nos rangs des hommes et des femmes qui partagent, au nom du réalisme économique, un point de vue peu différent. Cela explique, en partie, la facilité avec laquelle certains sont passés du camp de la gauche à la proximité avec le MoDem pendant les élections, puis ont sauté la rivière pour gambader de l’autre côté, une fois la victoire de la droite acquise. Ils ont répondu, pour eux-mêmes et devant les français, à la question de la différence entre la gauche et la droite. Pour eux, c’est évident, il n’y en a pas… Il est inutile de polémiquer sur la personnalité de ces transfuges.
Certains veulent goûter à nouveau au pouvoir, inquiets d’être atteints par la limite d’âge avant d’espérer le retour de la gauche. Pour d’autres, jeunes loups ou jeunes lions, il s’agit d’y accéder avant de devenir trop vieux. D’une certaine façon, tous ces ralliés à la droite décomplexée ont été encouragés dans leur démarche par nombre des références de notre candidate pendant la campagne, et par ses dernières prises de position concernant les 35 heures, ou le Smic à 1500 euros.
Certains de ces transférés, certains de ces transférables n’étaient-ils pas proches d’elle dans la dernière campagne? C’est parce qu’il a compris cette problématique que Nicolas Sarkozy mène l’opération politicienne actuelle. Il n’associe pas des gens de gauche à son équipe, mais des hommes et femmes qui devraient être à droite.
Certains rêvent d’un parti socialiste, larguant les amarres de la gauche
Mais le mal est sans doute plus grave encore. Il reste en effet dans les rangs du PS, et cela à tous les niveaux, des adhérents qui se refusent aujourd’hui à franchir le pas qui les sépare du centre et de la droite, uniquement pour des raisons tactiques, à quelques mois des municipales. Leurs différences idéologiques sont faibles avec les nouveaux convertis au libéralisme de Sarkozy. Ils rêvent en fait d’un Parti socialiste larguant les amarres de la gauche, plus démocrate à l’américaine que réellement socialiste, changeant de nom. Ils présentent ce projet comme preuve de modernité, de rénovation, comme étape indispensable et préalable à toute reconquête du pouvoir. Pour eux un tel parti commencerait plutôt à la droite du PS, pour se terminer au MoDem et, si cela était nécessaire, au-delà.
Réinventer la gauche
Face à ces offensives, ne parle-t-on pas depuis longtemps de pensée unique? Face à ce rouleau compresseur, qui dispose de tous les leviers, l’argent et les médias, nous avons un devoir de réagir. Notre tradition politique n’est pas celle des pays anglo-saxons, ni celle des Etats-Unis. De l’autre côté de l’Atlantique, entre démocrates et républicains il y a accord sur presque tout, et d’abord sur la soumission au marché, aux puissances financières. Les divergences portent sur l’analyse et la résolution de quelques problèmes de société, mais ne remettent pas fondamentalement en cause les déséquilibres au sein de la société.
Face à cette offensive sans précédent, nous ne devons pas baisser les bras. Nous ne devons pas laisser le président de la République poursuivre tranquillement son œuvre de destruction de la gauche. Il nous revient de réinventer la gauche, une gauche non seulement fière de ses acquis, mais aussi plus ouverte sur le monde, intégrant la lutte contre toutes les menaces qui pèsent sur notre planète, la paupérisation croissante d’un nombre toujours plus élevé d’habitants, dans un espace que les plus riches dégradent davantage que les plus pauvres.
Alors réagissons! Menons ce débat dans nos organisations, mais surtout dépassons les frontières étroites de nos partis, les visions boutiquières, recomposons ensemble la gauche. Nous sommes nombreux à partager ce sentiment et en même temps à être inquiets devant l’ampleur de la tâche à accomplir. Il faut que des contacts se nouent à tous les niveaux, entre responsables politiques mais aussi à la base, dans chacune de nos communes, et sur tous nos lieux de travail.
Ce débat nous devons le porter devant l’opinion et sans attendre. Sortons de nos carcans, soyons prêts à rebattre les cartes. Nos valeurs valent bien que nous nous battions pour elles./.