Tribune de DIDIER MIGAUD, président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale et député (PS) de l'Isère.
parue dans les Echos du 24 Juillet 2007.
Le combat pour une démocratie libre et non faussée est essentiel. La démocratie doit être libre, parce que toutes les opinions doivent pouvoir effectivement s'exprimer. Elle doit être non faussée, c'est-à-dire que les conditions de l'expression des opinions doivent garantir l'objectivité de l'information et leur traitement impartial. La liberté de l'information est l'un des principaux leviers permettant d'aboutir à cet idéal démocratique. L'émergence progressive d'une prétendue démocratie d'opinion et le poids accru des logiques médiatiques face à la démocratie représentative rendent d'autant plus urgente la définition d'un nouveau cadre législatif destiné à réguler l'économie de l'information.
Paradoxalement, alors que les investissements dans les médias n'ont jamais été aussi élevés, on assiste à une dégradation des conditions de production de l'information et à une paupérisation et une précarisation des journalistes. Paradoxalement également, la profusion des médias n'a pas permis de développer le pluralisme, et c'est au contraire à une uniformisation que la concurrence a conduit. Tout ceci contribue à ce que certains appellent la « malinformation », admirablement décrite par Alain Accardo dans son dernier ouvrage et contre laquelle nous devons nous ériger.
Dans ces conditions, la défiance exprimée par les Français à l'égard des médias est grandissante, et elle n'est pas bon signe pour la vitalité de notre démocratie. Trop de Français ont la conviction que l'information qui leur est délivrée n'est pas satisfaisante, qu'elle est trop unilatérale, souvent partiale et peu objective, en fin de compte pas assez représentative de la diversité des opinions et trop sensible aux pressions politiques et économiques. De plus, l'émergence d'Internet bouleverse non seulement l'environnement économique des médias mais également, de façon plus profonde, le rapport entre le journaliste et son auditoire, qui n'accepte plus le mode classique de communication descendante, à sens unique.
Il est donc plus que temps, selon moi, que le législateur se penche à nouveau sur cette question. Le cadre juridique actuel date en effet de 1986. Une autre époque ! Manifestement, les règles actuelles ne garantissent pas, ou plus, une information de qualité. L'information n'est pas un bien comme un autre. C'est une évidence qui apparaît, dans nos normes juridiques, à travers la loi de 1881 qui a permis le développement d'une jurisprudence spécifique basée notamment sur le respect des libertés individuelles et d'opinion. Le droit du travail reconnaît également cette spécificité en accordant aux journalistes le bénéfice d'une clause de conscience. La spécificité de l'information est du reste reconnue, y compris sur le plan économique, puisque des seuils de détention et des dispositifs anti-concentration spécifiques existent en matière de communication.
Des travaux ont déjà été engagés. Je pense au rapport Lancelot remis au Premier ministre en décembre 2005, ainsi qu'au rapport du Conseil économique et social signé par Michel Muller. Je pense également aux travaux des Etats généraux pour le pluralisme réunis le 30 septembre 2006. Selon moi, la question des seuils de concentration doit être reposée, en y intégrant notamment les médias non soumis à de tels seuils, pour appréhender une nouvelle réalité, l'émergence de groupes « multi-médias ».
L'indépendance éditoriale est en ce moment au coeur des débats qui secouent plusieurs quotidiens. Seule une disposition législative est de nature à garantir cette indépendance, quelles que soient les modalités de gouvernance retenue au sein de chaque quotidien. Enfin, les règles déontologiques existantes doivent être renforcées, reconnues et respectées, par exemple en les intégrant à la convention collective des journalistes et en prévoyant d'en sanctionner les manquements. J'appelle donc de mes voeux, et je m'efforcerai d'y contribuer comme président de la commission des Finances, une réflexion à l'Assemblée nationale qui permettra d'aboutir au dépôt d'une proposition de loi.