Rachida Dati propose que « l’administration pénitentiaire puisse avoir accès au dossier médical de la même manière que les médecins puissent avoir accès au dossier pénitentiaire ». Qu’en pensez-vous ?
Ludovic Levasseur. J’y suis totalement opposé. Nous ne sommes pas des médecins de l’administration pénitentiaire. Nous sommes des agents hospitaliers en prison qui ont pour mission d’apporter aux personnes détenues les mêmes soins que ceux qu’ils pourraient obtenir dans le système de santé à l’extérieur. Le dossier médical appartient donc à la personne, et à elle seule, qu’elle soit détenue ou non. Et puis, sur le fond, je ne comprends pas : que pourrait faire l’administration pénitentiaire des informations que nous lui donnerions ?
De votre côté, un accès au dossier judiciaire vous serait-il utile ?
À quoi nous servirait d’être systématiquement au courant du passé pénal de la personne détenue ? Nous ne sommes pas juges. Sauf exception, je ne vois pas l’utilité, si ce n’est de permettre à l’administration de partager les responsabilités avec le corps médical en cas d’accident après une libération… Nous avons déjà accès aux notices individuelles des personnes qui viennent d’être mises en détention. Le juge peut y signaler, dans le cadre, par exemple, de la prévention du suicide, si la personne est particulièrement fragile, s’il faut la surveiller. Mais c’est tout, cela ne nous informe pas sur le délit qu’on lui reproche.
Faudrait-il accentuer ce partage entre le médical et le pénitentiaire ?
Sur certaines choses simples, oui. Par exemple, que nous, les médicaux, puissions avoir un accès partiel au système informatique de l’administration pénitentiaire afin de vérifier les identités, les dates de naissance, les adresses extérieures et les dates prévisionnelles de sortie. Ce genre de renseignements, tout bêtes mais très difficiles à trouver au quotidien, devraient être partagés.
Comprenez-vous la prescription de Viagra ?
Non. Cette requête aurait dû être transmise à un médecin traitant une fois la personne sortie. Ce n’est pas notre rôle de mettre en route ce type de traitement. À Villepinte, la majorité de nos prescriptions sont des anxiolytiques et des médicaments psychotropes. Beaucoup de neuroleptiques, y compris injectables, car nous avons de plus en plus de patients psychiatriques lourds. Viennent ensuite les problèmes de substitution aux opiacés et les problématiques d’infectiologie (sida, hépatite C ou B). Enfin, compte tenu du vieillissement de la population carcérale, nous prescrivons de plus en plus de traitements contre l’hypertension, le cholestérol et le diabète.