Député PS de Seine-Saint-Denis et proche de Laurent Fabius, Claude Bartolone était conseiller pour les relations avec la presse de Ségolène Royal jusqu’au soir du premier tour. Il a réagi à la sortie du livre de l’ex-candidate.
Entretien réalisé par MATTHIEU ÉCOIFFIER, Libération.fr du 4 décembre 2007
Ségolène Royal évoque des rappels à l’ordre de Laurent Fabius pour freiner votre enthousiasme lors de la campagne. C’est vrai ?
Cela ne s’est pas passé comme ça. On est dans la réécriture de l’histoire. Avant d’entrer dans son staff, je suis allé voir Fabius, car je ne voulais pas donner l’impression d’aller à la soupe : «Pas de problème, Ségolène m’a téléphoné car elle souhaite me confier les questions internationales dans son dispositif», me dit-il. Ils se sont vus quarante-huit heures après. Tout semblait baigner dans le bonheur. J’ai donc accepté la proposition, à condition qu’elle annonce les choses clairement pour ne pas donner l’impression d’une équipe pas assumée, non-avouée. Là-dessus, elle se prend les pieds dans le tapis en annonçant à l’AFP et sans prévenir personne son pack présidentiel avec Jospin, Mauroy… Cela provoque une telle réaction de bizarrerie qu’il ne se réunira jamais ! Vient ensuite cette fameuse soirée sur le Darfour à la Mutualité : Ségolène arrive, fait semblant de ne pas voir Fabius, et à la tribune, il est le seul qu’elle ne cite pas ! D’où un moment de tension le lendemain : «C’est insupportable la façon dont elle traite les autres», me dit Fabius au téléphone. Je vois Ségolène : «Théoriquement, c’est lui qui te représentait à ce meeting, tu joues à un drôle petit jeu. Le meeting de Marseille, je n’irai pas. Et je reprendrai mon boulot quand vous aurez réglé votre problème.» Deux jours après, ils se sont entendus par répondeurs interposés. Et j’y suis retourné.
Pourquoi jeter l’éponge au soir du premier tour ?
Quand j’ai vu sa volonté de faire des appels du pied à Bayrou, j’ai prévenu Hollande que je n’en serai pas. C’est une question de cohérence politique : les militants socialistes avaient distribué pendant deux mois des tracts intitulés «Bayrou, l’autre visage de la droite». Dès le lundi soir, cette rubrique a d’ailleurs disparu des sites Internet de la candidate et du PS.
Saviez-vous que Ségolène Royal lui avait proposé le poste de Premier ministre ?
L’épisode vaudevillesque de son rendez-vous raté avec François Bayrou est, sur ce sujet, l’unique révélation du livre. Après nous avoir expliqué que le Smic à 1 500 euros était une erreur, puis que les 35 heures était une faute, qu’elle lui ait proposé le poste de Premier ministre aggrave son cas. Cela donne du grain à moudre à Nicolas Sarkozy, dont le grand jeu est de marteler aux Français qu’il n’y a pas deux projets mais un seul, de discréditer le Parti socialiste et de ringardiser les syndicats.
Elle promet aux Français de les retrouver. Vous y croyez ?
Mais cela, elle l’a déjà dit. La question qui lui reste posée est celle de son projet, de sa stratégie et de sa conception de l’organisation de la gauche.