Comment jugez-vous la décision de Jean-Marc Ayrault et de François Hollande d’appeler au boycottage du Congrès de Versailles ?
Jean-Luc Mélenchon. Très sévèrement, pour deux raisons. La première tient à la vie du Parti socialiste. Cette décision n’est prise dans aucun organe de délibération. C’est sans précédent. Il n’y a eu ni vote au groupe socialiste, ni discussion, ni vote au bureau national. C’est un vrai coup de force. Sur le fond, il s’agit d’une désertion, d’une hypocrisie absolue, puisque le fait de ne pas aller à Versailles revient en réalité non pas à s’opposer, comme les apparences pourraient le laisser croire, mais au contraire à laisser passer le traité de Lisbonne.
Voyez-vous dans ce renoncement qui ne dit pas son nom à la revendication d’un référendum un tournant de fond, à la veille du congrès du PS ?
C’est un événement. C’est la première fois que, d’une manière aussi spectaculaire, des dirigeants socialistes décident de se mettre en opposition à un processus qui donne la parole au peuple. Tout cela aura des conséquences en cascade sur la vie du Parti socialiste. Ce n’est plus le même parti avant et après cette décision.
Cette posture de retrait ne séduit-elle pas certains parlementaires socialistes pourtant favorables à un référendum ?
J’ai plutôt des échos contraires. Cette position indigne de nombreux socialistes, qu’ils soient favorables ou non à ce traité européen. Des parlementaires ont d’ores et déjà annoncé, de façon ferme, leur intention de se rendre à Versailles. Je pense en particulier à Henri Emmanuelli et à Laurent Fabius.
Le PS abandonne-t-il là, selon vous, un terrain privilégié d’opposition à Sarkozy ?
C’est le grand paradoxe. Au moment où Sarkozy est affaibli, où il est en pleine offensive antisociale, lui faciliter la tâche sur le prétendu traité simplifié, qui est en réalité un concentré de tout ce que nous combattons dans sa politique nationale, clui faire un cadeau inespéré. Il est invraisemblable de lui donner ainsi de l’espace au moment où il en manque.
Cette décision compromet-elle définitivement l’espoir de réunir les deux cinquièmes de parlementaires pour ouvrir la voie à un nouveau référendum ?
Elle rend ce scénario plus difficile. Mais la partie reste très ouverte. On ne sait pas comment vont réagir les parlementaires socialistes. L’attitude des parlementaires de droite constitue une autre inconnue : certains, soucieux de ne pas apparaître comme cautionnant ce déni de démocratie, pourraient à leur tour décider de ne pas prendre part au vote.
Entretien réalisé par R. M.