Benoît Hamon a participé à un débat sur la question de l’avenir de la gauche, avec Marie-Pierre Vieu, membre du Comité exécutif national du PCF, vice-présidente de la région Midi-Pyrénées.
L'expérience italienne
Benoît Hamon. Les résultats des élections italiennes sont une mauvaise nouvelle pour les Italiens et pas une bonne nouvelle pour la gauche européenne. Berlusconi après Sarkozy, ça fleure bon le retour d'une droite dure sur les questions sociales et d'immigration. D'une droite très idéologique.
C'est la onzième défaite des sociaux-démocrates à une élection nationale depuis novembre 2006 : l'Estonie, Malte, l'Irlande, le Danemark, la Suède, la France, l'Italie, les Pays-Bas et j'en oublie... On peut toujours se cacher derrière le grand « Z » de Zapatero pour penser que la social-démocratie se porte bien en Europe. En vérité elle se porte très mal.Elle est en crise et l'origine de cette crise est assez simple : c'est la crise des modèles sociaux nationaux. Il n'y a pas d'Europe sociale, mais il y a des phénomènes économiques mondiaux, la mondialisation qui percute les modèles sociaux et encourage les politiques de modération salariale. Aujourd'hui, aucun modèle social d'un pays européen n'est en capacité de résister seul à cette remise en cause systématique des protections des salariés. Et, comme la gauche dans son ensemble est associée à la construction de ces modèles sociaux et que tout le monde constate que les droits des salariés et les droits sociaux s'amenuisent, qu'on fait de la croissance mais qu'on ne redistribue pas sous forme de salaire, que le pouvoir d'achat se dégrade, on a aujourd'hui une vraie crise de la vocation ou de l'utilité de la gauche. Ça produit les résultats électoraux qu'on connaît. Pour ce qui concerne ma famille politique, c'est une question lourde : faut-il poursuivre avec une offre politique de centre gauche ? J'observe que ça fait trois fois successivement en France depuis 1995 qu'on perd avec une telle offre. Est-ce que la social-démocratie européenne doit continuer d'être la compagne du camp libéral et conservateur, et de ne faire que gagner du temps pour conserver la Sécu, les services publics, sans conquérir aucun droit supplémentaire, alors que le contexte plaide plutôt pour la régulation avec la crise des subprimes et la crise alimentaire ?
Marie-Pierre Vieu. La victoire de Berlusconi c'est d'abord l'échec du gouvernement Prodi. Il faut revenir aux sources de ce qui est en débat dans toute la gauche - et j'insiste sur cette notion : « toute la gauche ». On a une droite dure qui s'installe sur toute l'Europe, il y a des similitudes grandes entre Sarkozy et Berlusconi. Je prends pour preuves ses premières déclarations en matière de privatisation, de réforme judiciaire, de discriminations et d'immigration. L'échec de Veltroni m'interpelle, mais plus généralement l'échec de la gauche. Il n'y a plus aucune représentation des communistes ni de la gauche de transformation. Je constate que quand la social-démocratie a tendance à aller vers le centre, vers la droite, à « se social-libéraliser », ça n'ouvre pas un espace pour une gauche alternative, antilibérale ou plus musclée. Ignorer la question de la gauche tout entière, d'une politique de gauche à vocation majoritaire, ne conduit qu'à une crise plus aiguë de la gauche dans toutes ses composantes. Plus généralement, tu viens de poser des questions lourdes. Il y a la question de la crise de la social-démocratie. Nous, communistes, ressentons qu'il y a une dérive libérale, une social-libéralisation de la gauche. Il y a aussi la crise existentielle du communisme, qu'on n'a pas réglée depuis plusieurs congrès, qui porte à la fois sur ce qu'est le communisme et son parti. Il y a donc une crise plus générale de la gauche. Qu'est-ce qu'elle est au XXIe siècle ?
Les communistes veulent toujours transformer la société et pensent que la lutte des classes est toujours d'actualité. Mais tout cela est à retravailler, et il faut également se rénover. C'est aujourd'hui ce débat qui m'intéresse parce qu'il peut ouvrir un espace qui soit autre chose qu'une recomposition politique, et qui permette de battre durablement la droite. Dernière chose, à propos de l'Italie : il ne faut pas se livrer à des conclusions hâtives. Mais additionner simplement les forces à la gauche du PS ne permettra pas d'ouvrir une perspective politique ni de résoudre les problèmes. La perspective politique ne naîtra pas de la dérive à droite du PS, ni de son exclusion, mais d'une rénovation idéologique et politique, de débats de fond.
Archaïsme et modernité
Benoît Hamon. Il faut se convaincre que nous incarnons la modernité de la gauche. La modernité, c'est la rupture avec le cadre de pensée traditionnel. L'offre politique de la social-démocratie est une offre de centre-gauche : extrêmement modérée sur les questions économiques, relativement raisonnable sur les questions sociales, assez offensive sur les questions sociétales. On s'est présentés avec cette offre politique à trois présidentielles successives. On a perdu trois fois. Sur quoi sommes-nous attendus ? La crise des subprimes pose avec urgence la question des régulations dans des secteurs qui s'opposent à toute forme de réglementation. Aux États-Unis, quand il s'agit de savoir s'il faut protéger tel ou tel secteur stratégique parce qu'il y a des emplois à conserver, de la croissance ou du business à faire, les Américains posent des barrières au libre-échange. On fait de même en Amérique du Sud. Aujourd'hui, en Europe, on est dans un carcan. Dès lors qu'on pose les questions de la restriction au libre-échange, on est caractérisé comme protectionniste ou dangereux gauchiste. Je pense qu'on est capable de démontrer que les réponses de gauche en matière économique, celle de la relance de la demande et de l'investissement, celle d'un équilibre entre ouverture des marchés et protection des secteurs industriels, celle de la nécessité de fixer d'autres objectifs à la banque centrale que la stabilité des prix qui conduit à la modération salariale, sont plus efficaces économiquement. Oui, il y a de l'espérance dans les solutions de gauche parce que ce qui nous intéresse, ce n'est pas seulement l'efficacité économique mais sa destination. Nos solutions sont plus efficaces économiquement et plus justes socialement. Et en s'emparant des questions d'environnement, on peut justifier de l'urgence à remettre de la règle, de l'intervention publique, de la planification pour maîtriser la croissance de l'économie mondiale. La modernité est là, et les archaïques sont ceux qui nous proposent de réexpérimenter les solutions qui ont échoué depuis maintenant dix ans. C'est pourquoi il y a la place pour un dialogue nouveau à gauche et il va falloir ouvrir grand les portes et les fenêtres.
Marie-Pierre Vieu. Je partage ce que tu as dit. Mais sur la question de la modernité, le débat n'appartient pas uniquement à la gauche. La victoire de Sarkozy sur le mot d'ordre de « travailler plus pour gagner plus » et la politique qu'il mène montrent qu'on est sous le coup d'une bataille politique et idéologique. Les combats dont tu as parlé sont évidemment ceux qu'il faut mener. Tant qu'on n'aura pas changé le rapport des forces à ce niveau idéologique, on sera confronté à des questions lourdes. Une partie de la gauche a renoncé à transformer la société comme tu l'as dit, et elle dérive vers une gauche « morale » mais qui est sur le fond en difficulté. La modernité c'est nous, je suis d'accord, mais nous ne sommes pas perçus comme tels. La question est posée au Parti communiste aussi. Il y a des choses qui avancent. Pour autant, on reste en difficulté sur l'ensemble de nos réponses. Et un parti comme le nôtre ne pourra pas être perçu comme un parti d'avenir, utile pour l'alternative, sans la solution de ces problèmes. Il y a, oui, cette campagne sur les archaïques et la modernité que tu dénonçais, mais il y a aussi un gros effort à faire sur nous-mêmes. La droite a fait ces dernières années un travail immense. Sarkozy a su remettre au goût du jour un projet de société très libéral, il mène une vraie politique de classe. Et il a su traduire ce projet en mesures concrètes et se doter d'un instrument politique avec l'UMP. Même si la dernière séquence électorale met Sarkozy à mal, la gauche n'a pas gagné le débat de l'alternative. Il faut donc refonder notre offre politique, en termes de stratégie, mais aussi en termes d'offre structurelle qui corresponde à la période d'aujourd'hui.
La gauche face aux défis
Benoît Hamon. Il y a une chose à laquelle nous devons travailler, vous comme nous. Si nous nous fixons l'objectif de revenir au pouvoir, il faut préparer dès maintenant « la France d'après », anticiper sur la situation qu'on aura dans 4 ans et penser les solutions, les instruments de transformation sociale qu'on mettra en oeuvre à ce moment, au niveau européen comme au niveau national. D'ici 4 ans, la situation sociale se sera considérablement dégradée, les violences dans la société seront encore plus vives qu'aujourd'hui et, simultanément, l'ensemble des instruments auxquels on peut faire appel pour éduquer, préparer l'avenir, redistribuer la richesse, se seront dégradés parce que la politique de rigueur réduit le périmètre de l'intervention de l'État. Il y aura donc un paysage plus dur et des instruments plus faibles. Et cela dans un environnement européen - il peut changer d'ici là -, avec un pacte de stabilité et de croissance qui contraindra nos marges de manoeuvre. Il faut dire maintenant que si on ne change pas d'instruments, ça ne marchera pas.
Quel est le problème de la gauche ? On est les meilleurs de la classe pour gouverner. Mais sur le coeur du projet de la gauche - la transformation de la société pour la rendre plus juste, plus égale -, nos instruments sont appauvris et dégradés. Il faudra poser les coordinations des politiques européennes, la question de l'harmonisation fiscale, la question de l'harmonisation sociale, et surtout la question du pacte de stabilité et de croissance qu'il faut remettre en cause parce qu'on a besoin aujourd'hui d'investir. On n'est pas des gauchistes en disant cela, même le patron de la Banque fédérale américaine, même Romano Prodi disent que le pacte de stabilité est une stupidité. Il faudra ensuite d'avantage de progressivité dans l'impôt : je suis pour la fusion de la CSG dans l'impôt sur le revenu, ça fera des débats entre nous, mais il faudra réhabiliter l'impôt et sa progressivité ! Prenons les retraites. Il y a de plus en plus d'inactifs et de moins en moins d'actifs. Tout plaide pour dire que si on veut garder un système de retraites, il faut transférer une part du financement sur les individus et non plus sur la solidarité. Et malheureusement beaucoup de salariés en sont convaincus. Je pense qu'il faut être imaginatif et revenir à des solutions simples. Les exonérations de cotisation sociale au patronat, c'est 28 milliards d'euros. Philippe Séguin, le président de la Cour des comptes, dit qu'on pourrait mettre à contribution les revenus tels que les stock-options : il y a là 4 milliards de cotisations supplémentaires à dégager. Faut-il continuer à transférer 7 milliards du régime général vers les régimes des commerçants et artisans ou agriculteurs ? Enfin, nous sommes le pays où il y a le plus fort taux d'épargne : 16 % du PIB. Il y a 1 000 milliards d'euros dans l'assurance vie ! Est-ce que 1 % de ces revenus pourraient être mis à contribution pour la solidarité ? Voilà, j'ai évoqué 4 solutions. Aucune n'est une aberration économique ni ne provoquera de fuite de capitaux... Mettons en débat les solutions de la gauche au lieu d'être défensifs sur celles de la droite. Le problème est que cela fait vingt ans qu'on cultive la trouille, dans la gauche.
Marie-Pierre Vieu. Depuis sa première expérience gouvernementale, la gauche, en arrivant aux affaires, est restée scotchée dans un creuset. Cela l'empêche de prendre en compte les changements de la société et donc les changements à opérer. Je partage la description de la société telle qu'elle sera dans quatre ans, sur le social, la violence... Être aussi très attentif à ce que vont être la politique internationale de la France et sa place dans le monde. Je pense aussi, tu l'as évoqué, au démantèlement de tout ce qui est lpublic, y compris à ce qui est de la compétence des collectivités territoriales avec la décentralisation, et la politique de la droite en matière de destruction d'emplois publics. On n'est pas seulement face à des reculs sociaux. Il s'agit de reculs culturels. Je suis aussi très inquiète pour l'état de la société avec la politique communautariste du gouvernement et les politiques locales menées par la droite. Or, la gauche a perdu sa capacité de ne pas banaliser l'urgence sociale, la pauvreté, l. C'est pourtant cette capacité qui l'aidait aussi à trouver des solutions au diapason des attaques qui étaient portées. La gauche est aujourd'hui inaudible. Elle n'est pas à la hauteur des attentes, des exigences. Mais nous n'avons pas relevé le défi d'ouvrir en grand tous les débats. Par exemple sur la question de la répartition des richesses. Quand on explique que l'on peut utiliser autrement les profits, ou quand on développe l'idée simple selon laquelle une entreprise qui fait des bénéfices ne doit pas licencier, on n'est pas pris au sérieux. Il faut ouvrir des débats publics, par exemple encore sur la question du marché, de sa régulation, de son encadrement. Débats à avoir aussi sur le service public, le climat, l'énergie, les rapports des forces internationaux, la France et l'Europe... L'échéance à quatre ans est importante. Raison de plus pour commencer sans attendre, tout en menant des débats au sein de chaque formation de gauche. La perspective devrait être la création des conditions pour que nos partis respectifs confrontent leurs idées. Un projet commun ? Du moins des objectifs communs qui permettraient éventuellement de gouverner ensemble. Mais ne cachons pas que les communistes sont très interrogatifs sur ce que va devenir le Parti socialiste. En ce qui me concerne, je ne me réjouirais pas d'une droitisation du PS. Pas plus que je me réjouirais d'un pôle de radicalité : on ne peut pas faire une politique à vocation majoritaire à partir de la seule somme des contestations. Je ne fais pas non plus partie de ceux qui pensent que la crise que traverse le PS et les éventuelles recherches de solutions dans des alliances au centre seraient de nature à régler la propre crise du PCF. Les problèmes du PCF, sa difficulté à construire une offre alternative, ne sont pas imputables au PS mais à son propre rapport aux Français. Ce qui s'est passé en Allemagne avec la création de Die Linke par des communistes et des sociodémocrates de l'Est et de l'Ouest m'intéresse. Tout en étant convaincue que ce n'est pas une solution pour la France. J'avoue qu'il y a quelque chose de très décevant chez nous depuis une dizaine d'années. Je me suis très investie dans le mouvement social de 1995. J'ai vu une réponse politique à cela dans l'avènement de la gauche plurielle. Mais force est de constater que la dialectique politique/mouvement social n'a pas pris. Je ne me satisfais pas du débat politique à gauche des dernières années. J'ai trouvé intéressante l'expérience des collectifs antilibéraux après le référendum sur le traité européen, dans la mesure où on n'en faisait pas une gauche de la gauche... Bref : tout cela doit nous conduire à une obligation de faire du neuf à gauche. Y compris au sein du PCF dont, si rien ne change, l'horizon est compté en termes d'années. S'il n'évolue pas, ne se transforme pas en autre chose que ce qu'il est aujourd'hui, le mauvais score de la présidentielle ne sera pas le dernier. C'est ma famille politique, j'y tiens. Mais, au-delà, c'est le courant que l'on incarne dans la société, pour sa transformation réelle, qui en pâtirait. Ce débat est pertinent. Encore faut-il décider de l'avoir. Cela ne réduit en rien mon inquiétude sur l'évolution du PS. Avec, par exemple, la place qui est donnée médiatiquement aux idées défendues par Ségolène Royal. Et l'écho qu'elles trouvent chez une partie des militants socialistes. Je pense notamment à tout le débat autour du Modem. Au chapitre de mes inquiétudes, si je suis pour une bipolarisation droite-gauche de la vie politique je pense qu'il faut faire échec au bipartisme.
Un nouveau rassemblement à inventer
Benoît Hamon. Il m'arrive aussi parfois d'être inquiet sur l'évolution du PCF, car le PS ne s'en sortira pas seul et il n'y a pas de reconquête du pouvoir possible sans rassemblement de la gauche. Notre responsabilité est de donner à ce rassemblement un contenu différent de ce qu'il a été. Nous avons à imaginer la France que l'on va trouver, préparer les solutions que l'on mettra en oeuvre et commencer à reconstruire la stratégie de reconquête. Celle-ci, à mes yeux, passe par la création de formes nouvelles et originales de dialogue, de travail, et par la préparation du nouveau programme commun de la gauche. Mais je veux revenir aux questions européennes. Il n'est jamais facile, quand on est de gauche, de dire qu'il faut une nouvelle répartition des richesses : on ne fait pas que de la politique hexagonale. Essayer de produire des démonstrations sur l'absurdité d'un système est intéressant, car cela rend plus facile ensuite de convaincre sur les solutions. Quelques exemples. Les politiques européennes sont particulièrement dangereuses : le choix actuel est de dire que pour améliorer la compétitivité européenne par rapport à ses rivaux, il faut à la fois augmenter la productivité, comme l'envisage la stratégie de Lisbonne, et jouer sur la baisse des prix en améliorant la concurrence dans le marché intérieur. Mais si l'on ne fait que cela, on transforme le consommateur - dont le salaire n'augmente pas - en instrument de la remise en cause de ses propres droits, du modèle social et des protections. Plus il est poussé à acheter moins cher, en recourant au hard discount, plus on pousse l'entreprise à réduire ses coûts de production, et tout particulièrement les coûts du travail. C'est-à-dire le salaire et les cotisations sociales. La folie du système est là. À partir de là, on peut être audible sur des solutions. En Europe, ne peut-on pas bloquer et interdire les flux de la totalité des transactions financières dont l'origine est un paradis fiscal ? On bloque ainsi 70 % des fonds alternatifs et on les pousse à être hébergés dans des lieux où existe une réglementation. On peut le faire au niveau français. Autre démonstration : dans les années 1970, 25 % des profits réalisés par les entreprises allaient à la redistribution sous forme de capital. Aujourd'hui, 65 % vont à la rémunération du capital. Cela explique pourquoi il n'y a plus d'investissements, plus de créations d'emplois, et encore moins de redistribution sous forme de salaires. C'est dans le malheur de masse des gens - je pense aussi à la crise alimentaire - que l'on va construire des réponses.
À propos du rassemblement de la gauche, je suis favorable à une fédération mais je ne suis pas fermé sur les formes : il faut que le PS se dépasse sans tabou. Parti de toute la gauche ? fédération ? coalition ?.... Je suis prêt à tous les débats, à condition qu'ils soient efficaces, même si j'aime bien celui sur la pureté idéologique. Mais je peux faire la démonstration qu'avec les Verts ou le PCF on peut gagner les élections, et qu'avec le Modem on les perd. Une certitude : pour bâtir un contrat de gouvernement, il faut travailler. Il va y avoir une coïncidence de dates entre le congrès du PS et celui du PCF : cela mériterait des adresses respectives. Cela suppose bien sûr que, dans l'intervalle, le PS ne vire pas vers un parti démocrate à l'italienne. Je n'y crois pas une seconde. D'abord parce que le PS est sensible à l'opinion. Ensuite parce que la séquence historique est, au retour des réponses politiques, moins en phase avec une orientation sociale-libérale. Soyons concrets : le vieillissement de la population française génère automatiquement un vote plus conservateur. L'utilité de la gauche est-elle dans la construction de réponses politiques de gauche ou bien dans le fait de prendre acte qu'en l'absence de ces réponses, des hommes et des femmes se tournent vers des solutions individuelles ? Je reviens à l'alternative politique. Je n'ai jamais cru aux effets générationnels. Mais si je ne crois pas qu'à quarante ans on serait forcément meilleur qu'à cinquante ans, je ne crois pas non plus qu'il soit juste que ceux qui avaient quarante ans il y a quarante ans continuent à faire le débat politique. J'avoue que parfois je me crispe un peu sur ce que j'appelle la prime aux redoublants...
Marie-Pierre Vieu. La question européenne doit faire partie intégrante de la réflexion sur l'alternative à gauche. La gauche française a une partition à jouer qui est unique avec le « non » qui a été majoritaire. Lors des élections européennes l'an prochain, nous aurons sans doute des stratégies et des choix de liste différents entre nous. Mais cela ne nous empêche pas de travailler ensemble la question. Quoi qu'il advienne, les partis de gauche - de toute la gauche - sont appelés à travailler ensemble. Depuis deux ans, c'est un peu le vide. Pouvoir d'achat, autre utilisation de l'argent, services publics... : on n'a pas été à la hauteur. Les partis vont devoir évoluer. Changer de matrice, de nature, voire d'enveloppe. Pour ma part, je ne renonce pas au communisme. C'est d'ailleurs ce qui m'amène à m'interroger sur le Parti communiste actuel. Au-delà, je me pose une question : comment associer l'ensemble des forces sociales au débat sur l'avenir de la gauche ? On ne pourra pas résoudre le problème par le seul débat entre les seuls partis de gauche. Je constate que notre réflexion par le bout politique, d'autres l'ont par le bout syndical. Je pense aux luttes dans les supermarchés, ou celles des sans-papiers portées pour la première fois par la CGT. C'est-à-dire par un syndicat de classe qui converge avec des luttes dites sociétales pour des remises en cause de politiques de droite. Comment va-t-on faire vivre une dynamique globale de la gauche qui, à terme, sera fondatrice d'autre chose ? Personnellement, je suis une fan de l'union de la gauche. Il faut s'y employer à nouveau. Cela ne règle pas les problèmes respectifs du PCF et du PS. Mais je suis convaincue d'une chose : la gauche a un avenir.
20080419-41
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