Par Malakine, Marianne2.fr. Une étude de l'INSEE apporte un démenti à ceux qui affirment que le temps de délocalisations est révolu.
Les optimistes ont voulu voir dans les revendications salariales des usines Dacia en Roumanie un signe annonciateur de la fin des délocalisations. Le rattrapage salarial en cours allait bientôt mettre fin à l'Eldorado des pays à bas coûts. Les plus irréductibles de ces optimistes ont même été jusqu'à annoncer un mouvement de relocalisation des activités industrielles.
Il pourrait s'agir d'une bonne nouvelle, si l'on oubliait que ce sont souvent les mêmes qui nous expliquaient ces dernières années que les délocalisations n'avaient qu'un impact insignifiant sur les destructions d'emplois en France. Une étude de conjoncture de l'Insee auprès des chefs d'entreprises industrielles vient, en tout état de cause, d'apporter un cinglant démenti à ces thèses un peu trop optimistes.
On y apprend qu'entre 2002 et 2007, 12 % des entreprises industrielles représentant 16% du chiffre d'affaires de l'industrie ont transféré des activités à l'étranger. Très curieusement, les chefs d'entreprises ne semblent pas être sensibles à l'attrait du nouveau climat économique qui règne en France depuis les dernières élections, au rattrapage salarial en cours dans les pays émergents, à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée qui frapperait ces pays ou à l'envolée du prix du pétrole. Car, ils sont désormais 16% à envisager délocaliser leur activité industrielle dans les années à venir. Dans tous les secteurs, à l'exception des biens de consommation, la tentation de la délocalisation progresse.
La tendance à la désindustrialisation est d'ailleurs certainement sous estimée par l'étude car où elle rend compte de l'opinion des chefs d'entreprises de plus de 20 salariés et non, comme on aurait pu le souhaiter, des emplois industriels concernés ou de la valeur ajoutée produite. Il semble bien que ce soit les entreprises de la « grande industrie » qui sont les plus pressés de délocaliser leur production. Le taux des entreprises qui ont un projet de « développement à l'international » atteint près de 37% pour l'industrie automobile et 29 % pour celle des biens d'équipement ! L'affaire Peugeot Motocycles a probablement inauguré une longue série de conflits qui mettront en scène un recul des droits sociaux sous menace de fermeture d'usine…
Le modèle chinois séduit les patrons
Les optimistes considèreront qu'il ne s'agit pas là de délocalisations mais d'un transfert d'activité qui pourrait être vecteur de développement en France. Il est normal que les entreprises se développent la où les marchés sont en croissance…
Nouveau démenti : Le facteur principal qui pousse au développement international reste l'espoir d'avoir accès à des salaires plus faibles. Le facteur est jugé très important pour 60 à 70% des chefs d'entreprises ayant des projets en ce sens.
L'attrait des chefs d'entreprises industrielles pour ce qu'on pourrait qualifier de « modèle chinois » ressort clairement des éléments jugés pénalisants pour le bon développement de leur entreprises. Sans surprise, ce sont le coût du travail non qualifié (77%) et la fiscalité (86% pour la taxe professionnelle et 71% pour l'impôt sur les sociétés) qui ressortent comme les principaux handicaps.
Cette étude devrait être méditée par les derniers tenants de la mondialisation heureuse. On ne saurait mieux illustrer les pressions que fait subir le libre-échange sur nos économies : érosion de la base productive, transfert de la fiscalité des entreprises vers les ménages, subvention massive du travail faiblement qualifié et au bout du compte, des déficits de toutes sortes, publics, sociaux et commerciaux.
Qui a parlé de développement durable ?