Crise financière, remise en cause du service public de la poste, recul des droits des salariés sur leur temps de travail, cette actualité menaçante appelle une riposte beaucoup plus décidée de la part du principal parti de la gauche, estiment les signataires de la contribution socialiste « Changer ! ».
1- La crise financière
Comment caractériser le silence des dirigeants actuels du PS sur la crise financière qui s’amplifie et crée un véritable risque pour toutes nos économies et nos conditions de vie ? Cette attitude témoigne d’une faiblesse d’analyse, de l’absence de contre propositions et, plus grave encore, d’un manque de projet, de volonté et d’ambition. Rares sont les contributions du Congrès de Reims qui mettent en avant l’urgence d’œuvrer à une alternative au capitalisme financier transnational, pourtant en crise majeure.
Les évènements récents révèlent l’ampleur de cette crise. Ils montrent aussi qu’un nouveau cycle est engagé, qui impose de nouvelles réponses.
Tout s’accélère, comme en témoigne le dernier épisode en date : la quasi-faillite de deux piliers du système de crédit immobilier américain, Fannie Mae et Freddie Mac. Ces organismes de refinancement possèdent et garantissent 5200 milliards de dollars. Ils sont depuis toujours sous capitalisés et ont accumulé pendant des années des profits, versés en dividende à leurs actionnaires, au prix d’une fragilité structurelle et à haut risque pour l’ensemble du crédit américain. On est ici au cœur des aberrations du capitalisme financier, totalement décalé avec l’économie réelle. Dés que la bulle éclate, l’onde de choc est terrible et mondiale. Les Etats –Unis doivent venir au secours de ses institutions en dépensant des sommes considérables. L’administration Bush prétend ne pas vouloir nationaliser ces deux organismes, privatisés dans les années 1980. Combien de temps tiendra-t-elle ? Car, s’agissant des banques régionales, comme INDY MAC en Californie, la faillite a imposé une prise de contrôle directe de cet organisme bancaire par l’Etat. Au passage, on notera que cette banque ne faisait pas partie de la liste de la centaine d’établissements menacés et publiée jusqu’ici. C’est dire que la profondeur du séisme est loin d’être mesurée.
Mais les Etats-Unis ne sont pas seuls touchés : la banque Northern Rock a dû être nationalisée en Grande-Bretagne. Les Landesbanks allemandes ont dû faire appel aux Lands et aux caisses d’épargne locales pour faire face aux graves dépréciations et risques de faillite. Les défaillances des promoteurs immobiliers sont presque systématiques en Espagne entraînant une chute du PIB…La France n’est pas épargnée et l’affaire du Crédit Agricole ou les risques sur Natexis imposent des mobilisations financières qui vont obérer les possibilités de crédit, tant pour les particuliers que pour les entreprises.
Une fois de plus, devant les déboires du système, les Etats sont appelés à la rescousse. C’est bien l’Etat providence….pour les banques et les financiers, en application de la bonne vieille règle : privatiser les bénéfices et nationaliser les pertes.
Nous ne pouvons accepter la répétition de ce scénario et les leçons doivent être tirées : tout doit être fait pour casser la logique de la financiarisation et pour restaurer une véritable capacité d’intervention de la puissance publique, afin d’orienter l’économie et plus seulement à la marge ou en cas de « coup dur ». C’est pourquoi nous avons raison d’affirmer dans notre contribution : « Le temps est venu pour les socialistes et la gauche de reprendre l’offensive en faveur de l’indispensable intervention publique dans l’économie. Cela passe par la défense de nos services publics, par une relance vigoureuse de l’investissement public (recherche, innovation, infrastructures), mais aussi par la maîtrise collective de certains biens communs, comme l’eau. »
2- L’avenir de la Poste
Avec la Poste, le gouvernement veut faire tout le contraire. Il est vrai que l’ouverture totale de la concurrence des activités postales a été décidée par l’Union Européenne et, hélas, avec l’accord de très nombreux sociaux-démocrates européens. Et, que le traité de Lisbonne entre en vigueur ou non, l’hypothèse d’une directive européenne sur les services publics est renvoyée aux calendes grecques. Reste que rien n’oblige pour autant la France à changer le statut de la Poste, à transformer cet établissement public en société anonyme et à ouvrir ensuite son capital.
Le scénario et les argumentaires avancés sont connus et répétés : la nécessité de nouer des alliances avec d’autres pour atteindre une taille européenne, les besoins d’argent pour moderniser l’entreprise rendrait nécessaire la privatisation « partielle » de la Poste. Ce serait la meilleure solution pour éviter un scénario catastrophe, à savoir le démantèlement de l’entreprise, avec l’autonomisation des filiales. Bref ce serait un moindre mal. On a déjà entendu cela maintes fois.
- Par exemple, pour France Télécom, avec les conséquences négatives observées pour le « service public » des télécommunications, qui, en réalité, a disparu ou demeure à l’état de trace.
- Rappelons-nous aussi les discours sur Gaz de France : il ne s’agissait pas de privatiser, puisque l’Etat conservait une part du capital. Aujourd’hui, avec la fusion GDF- Suez, la privatisation a bien eu lieu et le PDG de GDF se réjouit de rémunérer grassement ses actionnaires. En effet, GDF vient d’annoncer des profits exceptionnels et a décidé de verser des dividendes supplémentaires. Pendant ce temps, les consommateurs ont dû subir des hausses répétées et très fortes sur le gaz et on nous en annonce de nouvelles avant la fin de l’année. La hausse des prix du pétrole ? Pas seulement.
Pour la défense des services publics et en particulier de la Poste, la gauche ne peut pas demeurer fataliste. Elle doit répéter que les entreprises de service public doivent demeurer entièrement publiques et ne pas se contenter d’une opposition de forme. Le Bureau National du 8 juillet fut tristement significatif à cet égard, puisque Paul Quilès a dû hausser le ton pour demander une mobilisation forte. Voilà une urgence pour la rentrée. Sinon, comment s’étonner alors que l’extrême gauche puisse capitaliser sur nos faiblesses, tandis que les élus locaux et les syndicats vont très certainement manifester leur inquiétude !
3- Le temps de travail
Même ambiguïté et même difficulté à mobiliser sur le sujet majeur du droit du travail, de l’indemnisation des chômeurs et de la remise en cause des 35 heures.
Le PS dit que le projet de loi sur le temps de travail qui vient de passer à l'Assemblée Nationale est "le projet le plus dangereux de tout le quinquennat" (argumentaire du groupe AN-1er juillet, page 39). Alors, comment se fait-il que nous ne criions pas plus fort, et tous ensemble ? En tout cas, notre contribution est très explicite sur ce thème : « Une des meilleures armes pour rééquilibrer la répartition des richesses produites entre le capital et le travail, c'est la réduction du temps de travail sans réduction de salaires. Nous devons donc défendre fièrement la réduction générale de la durée du travail, vecteur de progrès et condition de l’égalité entre les salariés, au lieu de laisser la droite installer le temps de travail individuel soumis au seul bon vouloir patronal, qui favorise l’émergence d’un sous- salariat pauvre et précarisé. »
Sur ce sujet, comme sur tant d’autres nous devons tout à la fois reprendre l’offensive idéologique et montrer le sérieux de nos propositions. Le combat idéologique sur la question de la « valeur du travail» est essentiel. En effet, nous avons laissé la droite et singulièrement Nicolas Sarkozy faire passer aux Français l’idée que le travail était une valeur de droite. Il faut dire que la campagne présidentielle avait brouillé le message de la gauche. Il faut rétablir notre doctrine et nous le faisons dans notre contribution : « La Gauche défend « la valeur du travail » et non la « valeur travail ». Travailler mieux, travailler tous, travailler moins chacun et plus ensemble, gagner plus par le travail et moins par la rente, voilà l’orientation que nous opposons au slogan libéral «travailler plus et gagner plus» ! ». On le voit, ces débats ne sont pas théoriques mais bien concrets, lorsqu’il s’agit de défendre les salaires, les 35H et la redistribution des richesses.
4- Le prix des produits pétroliers
Là aussi, l’actualité est parlante. Les grandes entreprises pétrolières (mais pas seulement elles) engrangent des profits exceptionnels considérables et certains gouvernements n’hésitent pas à les taxer.
C’est ainsi qu’en Italie, la «taxe Robin des bois», du nom donné par le ministre de l'Economie, est déjà application depuis le mois de juin. Cette taxe a permis à l'Etat de relever de 27% à 33% le taux de l'impôt sur les sociétés pour les groupes pétroliers. De son côté, le gouvernement portugais vient de proposer l'introduction d'une taxe de 25% sur les profits des pétroliers générés par la valorisation de leurs stocks, afin de financer ses politiques sociales. Qu’attend le gouvernement français, qui prétend que les caisses de l’Etat sont vides ?
Notre contribution est claire sur ce sujet. Elle évoque la nécessité de taxer ces entreprises, avec une méthode qui fait le lien entre l’exigence de redistribution et des ressources pour du capital public: « On peut même imaginer que la taxation de profits exceptionnels, comme ceux de Total actuellement, se fasse par le versement d'actions à ces fonds souverains publics. La formule répondrait à la justice fiscale et ne spolierait pas les capacités de développement des entreprises. »
******************************
Les militants socialistes peuvent, lors du congrès de Reims, sortir le PS et la gauche du cycle d’échecs électoraux nationaux et de reculs idéologiques qu’elle connaît. C’est le sens de la contribution « Changer ! » proposée à la signature des militants.
Il n’y a aucune raison que la gauche demeure durablement anesthésiée, écartée du pouvoir, et incapable d’incarner en ce début de 21ème siècle l’espoir, l’avenir et le progrès, en particulier pour le monde du travail, les plus démunis et ceux qui défendent la justice sociale./.