Guillaume Bachelay, secrétaire national du Ps à l'industrie, co-rédacteur du contre-plan de relance de Martine Aubry, a annoncé le 22 janvier une proposition de plan de relance alternatif de la filière automobile de 5 milliards d'euros. Dans une tribune parue dans Le Monde daté du 20 janvier, il y détaille de façon synthétique ses propositions pour ce secteur économique stratégique, notamment en terme d'emplois (la filière automobile c'est 1 salarié sur 10 en France, soit plus de 3 millions d'emplois directs et induits) .
Automobile : la France, bras ballants
Et si l'automobile disparaissait en 2009 ? Bien sûr, on produira et on vendra des voitures pendant encore longtemps. Mais si l'on n'agit pas vite et fort, l'année qui s'ouvre pourrait marquer le début de la fin de ce secteur pour les économies occidentales.
En Europe, les ventes de voitures neuves s'effondrent. En France, les usines s'arrêtent, les carnets de commandes se vident, les stocks enflent, les fournisseurs et sous-traitants sont exsangues. La "prime à la casse" gouvernementale, effet d'aubaine éphémère, profite aux petits modèles construits dans des pays "low cost". Les autres mesures - accès au crédit, fonds de restructuration - sont de la même veine : insuffisantes et inadaptées. Comme souvent avec l'actuel pouvoir, les effets d'annonce sont des annonces sans grands effets.
L'horreur économique et sociale impose de répondre à l'urgence et de préparer l'avenir. En se souciant de tous les acteurs de la filière, et d'abord des salariés ! Pendant la crise, le taux d'indemnisation du chômage partiel doit être relevé de 50 % à 80 %, et l'accès à cette indemnisation étendu aux salariés à temps partiel. Les périodes d'arrêt forcé, si difficiles à vivre, doivent être utilisées pour la formation individuelle qualifiante et rémunérée.
Au plan européen, un "fonds d'ajustement à la mondialisation" existe depuis 2006, doté d'un demi-milliard d'euros par an. L'Espagne a récemment obtenu dix millions d'euros pour un équipementier et ses sous-traitants. Combien de demandes la France a-t-elle déposées en 2008 ? Aucune.
La survie des PME-PMI du secteur, aujourd'hui aux abois, est vitale. Seuls les territoires qui auront conservé leur tissu de fournisseurs et distributeurs pourront rebondir. Les régions et les départements, au plus près du terrain, ont un rôle déterminant. Ils peuvent faciliter l'accès au crédit par des garanties et soulager la trésorerie par des prêts d'honneur. A condition que l'Etat les soutienne et qu'il sanctionne les donneurs d'ordres qui ne respectent pas les délais de paiement.
Pour les consommateurs aussi, il faut agir. Alors que deux voitures sur trois sont achetées à crédit, que le pouvoir d'achat des ménages modestes est en berne, les taux pratiqués par les banques comme par les filiales des constructeurs restent démesurés. En contrepartie des aides publiques perçues, celles-ci doivent s'engager à proposer des crédits à des taux bonifiés. Et à renforcer le droit à l'information en faisant figurer sur les fiches de vente la "traçabilité" des véhicules : localisation de la production, performance environnementale des modèles, financements publics s'il y en a.
RÉUSSIR, C'EST INVESTIR
Une ambition pour l'industrie automobile suppose aussi de dire la vérité : la crise a aggravé la fragilité du secteur, elle ne l'a pas créée. C'est une raison de plus de préparer l'avenir !
Face à des établissements de crédit frileux, les constructeurs sacrifient les budgets de recherche et développement pour trouver des liquidités. Or, dans l'industrie, réussir c'est investir. Quand il recapitalise des banques, l'Etat doit imposer le développement du crédit à des taux accessibles pour l'investissement productif. Le moteur hybride, la voiture électrique ou la pile à combustible ne doivent pas faire les frais du court-termisme financier.
L'innovation doit être stimulée pour réduire les émissions de CO2 et améliorer la qualité des produits. Pour démultiplier l'action des collectivités locales au plus près des entreprises, des universités, des bureaux d'études et des centres de recherche, la création de fonds régionaux d'investissement et de réindustrialisation s'impose. Dotés de moyens massifs, ciblés sur les projets innovants, écologiques et riches en emplois des PME-PMI, ils seraient le socle d'une politique industrielle refondée.
Agissons aussi sur le plan européen ! La France n'a hélas pas saisi l'opportunité de sa présidence de l'Union pour le faire, mais des pistes restent à explorer : bâtir une vraie agence de l'innovation industrielle adossée à la Banque européenne d'investissements, ou encore créer une coopération renforcée sur le brevet européen pour soutenir les PME à l'export. Entre partenaires, privilégions la coopération plutôt que le chacun-pour-soi et la régression du droit du travail.
Bien sûr, la crise impose de revoir certains dogmes. Dès lors qu'elle contribue au financement d'une entreprise, la puissance publique nationale ou locale doit disposer d'un droit de regard sur sa stratégie. La conjoncture ne saurait servir de prétexte à des licenciements de complaisance ou à des délocalisations d'activité. Ni aboutir à ce que le revenu des actionnaires soit préservé quand celui des salariés est comprimé. Encore faut-il que le politique fasse entendre sa voix, et d'abord au sein du conseil d'administration de groupes dont il est actionnaire...
Les Etats-Unis ont débloqué 25 milliards de dollars pour l'automobile. L'Europe et la France ne peuvent rester les bras ballants. N'oublions pas que, là où l'industrie disparaît, l'emploi ne repousse pas facilement.
Guillaume Bachelay, secrétaire national du PS à la politique industrielle, aux entreprises et aux nouvelles technologies