Le président PS de la région Ile-de-France répond aux internautes de
LEMONDE.FR sur les questions institutionnelles et d'aménagement du grand Paris
et de la région.
Le comité Balladur propose la création du Grand Paris en supprimant les
départements 75, 92, 93 et 94. Comment comptez-vous réagir à cette proposition,
à la région, mais aussi au sein du syndicat Paris Métropole ?
J-P Huchon : Je réagis défavorablement à la création d'un monstre de 6
millions d'habitants et plusieurs dizaines de milliers de fonctionnaires, coupé
des départements de la grande couronne et qui accentuera les inégalités entre
les territoires de la région, qui a sa cohérence et qui mérite des politiques
communes depuis le centre jusqu'à la périphérie de l'agglomération. C'est la
reconstitution du département de la
Seine
Sur le syndicat d'étude Paris Métropole, nous y sommes partie prenante.
Il s'agit de définir ensemble des projets communs, par exemple de grandes
infrastructures ou de développement économique que la région, les départements,
les intercommunalités ou les syndicats spécialisés comme le STIF auront ensuite
à réaliser. C'est le lieu où nous pouvons aujourd'hui débattre en brisant les
frontières autour de Paris et en donnant sa véritable dimension à la métropole,
c'est-à-dire la région. C'est d'ailleurs à gauche comme à droite une
institution qui recueille un certain accord. J'en veux pour preuve la décision
des Hauts-de-Seine et de Patrick Devedjian d'y adhérer.
Il est clair que la présence en
son sein d'une énorme communauté d'agglomérations déséquilibrerait les choix de
développement économique et, par exemple, de transport ou de logement, et ne me
permettrait pas d'arbitrer entre les intérêts légitimes du Grand Paris et de la
grande couronne. Or un système de transport, par exemple, doit se concevoir
depuis le centre jusqu'à la périphérie, et notre objectif premier n'est pas de
renforcer le centre de l'agglomération, mais de mieux desservir le trafic de
banlieue à banlieue et le maillage des transports publics.
Si une institution du Grand Paris était créée, avec un élu à sa tête,
ne craignez-vous pas qu'une rivalité s'installe entre lui et le maire de Paris
? Comment la prévenir ?
Je crains surtout que la
création d'une structure complémentaire ne complique le jeu et que le travail
des départements, qui est un travail de proximité, dans le domaine social par
exemple, ne soit rendu impossible par la création d'une administration
tentaculaire du grand Paris.
On peut donner cet exemple caricatural : est-ce le Grand Paris qui
devra décider du jour de ramassage des poubelles dans toutes les communes ? Il
faut être raisonnable et laisser le maximum d'initiatives aux communes, aux
intercommunalités et aux départements. Or le Grand Paris supprime les intercommunalités,
alors qu'elles étaient en progression très forte, il supprime les départements,
et il crée en effet des rivalités inutiles entre élus locaux, qui avaient pris
l'habitude de s'entendre de manière contractuelle. Par exemple, à la région, nous
aurons au mois d'avril prochain signé huit contrats avec tous les départements
portant sur leurs projets, et pour 200 millions d'euros chacun.
Le projet du Grand Paris ne permettrait-il pas de
rééquilibrer l'est et l'ouest de la capitale en transférant les richesses des
Hauts-de-Seine vers la
Seine-Saint
Le transfert des richesses
dépend surtout d'une décision politique qui consiste à organiser une
péréquation équitable vers les départements et les villes les plus pauvres, à
partir des richesses constatées au centre, à Paris et dans les Hauts-de-Seine.
Il n'est nul besoin d'ajouter une autorité complémentaire qui, de toute
manière, dans le projet Balladur, ne met pas en commun les richesses.
Ce sont d'ailleurs les élus des Hauts-de-Seine qui s'opposent à cette
redistribution. On ne voit pas ce qui pourrait empêcher, sans changer les
structures institutionnelles, de décider d'une péréquation beaucoup plus forte,
et par exemple d'une taxe professionnelle commune qui profiterait aux secteurs
les plus déshérités.
Je reste très favorable au rééquilibrage à l'est de notre région. Dans
le schéma directeur de la région, nous avons clairement affirmé cette priorité
et décidé de développer de nouveaux pôles au nord et à l'est de la région. Si
nous ne faisons rien, c'est clair que c'est la Défense la Seine
J'ai cru comprendre que le Grand Paris pourrait avoir des
compétences en matière de transport, par délégation du Syndicat des transports
d'Île-de-France qui serait maintenu. Cela permettrait certainement de régler
sur une plus grande échelle les problèmes de transport. Toutefois, cela ne
résoud pas pour autant le problème des déplacements en grande couronne. Quel
est votre avis sur la question?
Les transports sont aujourd'hui
régulés et organisés par le STIF, qui comprend la région et tous les
départements. Nous nous sommes efforcés depuis deux ans que nous sommes en
charge de donner une priorité aux secteurs les moins bien desservis, qui se
trouvent en grande et en moyenne couronnes. Cela a été accepté par tous les
partenaires, parce que c'était une volonté commune, toutes nos décisions étant
pratiquement prises à l'unanimité malgré la diversité politique des élus du
STIF.
Nicolas Sarkozy a reporté sine die la proposition du Grand Paris de
Balladur. Un désaveu pour Balladur et une victoire pour vous?
Je me réjouis que cette réforme ne soit pas mise en œuvre aux
forceps et contre la volonté de l'ensemble des élus et des populations. Je suis
prêt à travailler à de grands projets pour la métropole au-delà du Grand Paris
stricto sensu. Je constate que le caractère autoritaire et simpliste de la
réforme dite "Balladur", qui s'inspirait d'un projet du sénateur
Dallier pour reconstituer le département de la Seine
Pour ma part, je souhaite un bloc de compétences clair pour la région
et pour les départements. Pour la région, il faut que ce soit le développement
économique, toutes les questions d'éducation, de formation, de recherche et
d'innovation. Il est clair que des questions comme la culture, l'action sociale
ou les nouvelles technologies doivent rester dans la clause de compétences
générale de la région. Je vous donne un exemple : lors de la canicule de 2003,
et bien que ce ne soit pas une compétence régionale, c'est la région qui a
financé pour plus de 30 millions d'euros le rafraichissement des salles pour
l'ensemble des personnes âgées en maison de retraite en Ile-de-France.
J'habite à Creil, dans l'Oise, qui est desservie par le RER D
et qui a toutes les caractéristiques d'une ville de banlieue. N'est-il pas
logique que le département de l'Oise soit rattaché à l'Ile-de-France ?
Une partie du département de
l'Oise connaît des échanges réguliers avec la région Ile-de-France. Et
d'ailleurs, nous travaillons sur des projets communs avec la région Picardie.
Mais l'essentiel, c'est de consulter les habitants de la Picardie
Il ne faudrait pas que la réforme Balladur pour l'avenir de
l'IDF fasse oublier le projet OIN du plateau de Saclay. Pouvez-vous intervenir
pour que Christian Blanc lui-même rencontre le collectif des associations
dénommé Colos (Collectif OIN pour Massy, Palaiseau, Saclay, Versailles et
Saint-Quentin-en-Yvelines). Son projet reste complètement secret, comme lui
d'ailleurs...
Je partage totalement votre
critique de l'action du secrétaire d'Etat, dont je voudrais vous dire qu'il n'a
pas daigné me recevoir depuis dix mois. Je vais intervenir pour vous auprès de
lui, mais je crains qu'il n'en tienne pas plus compte que de ce que je répète
depuis maintenant plusieurs mois dans la presse. Il est inconcevable qu'un
ministre chargé du suivi d'une région n'ait aucun contact avec elle. A vrai
dire, ce comportement est tellement aberrant que le premier ministre lui-même a
dû à plusieurs reprises le sermonner et lui demander de nous recevoir.
Jusqu'ici, cette objurgation n'a pas eu de suite.
Par rapport aux revenus moyens rencontrés en
banlieue lointaine, que pensez-vous faire pour que le prix des transports soit
moins important ? Par exemple sur un salaire net de 1 200 euros, 120 euros par
mois est un budget très important.
Nous avons pris plusieurs
décisions en matière de tarification, et notamment la suppression des zones 6 à
8, qui a permis de baisser notablement le maximum payé en Carte orange. Par
ailleurs, pour les personnes économiquement ou socialement fragiles, nous avons
ouvert la gratuité pour les RMistes et une réduction de 75 % pour les
précaires. 1 300 000 personnes sont concernées, et cela, au surplus, permet de
baisser la fraude. Enfin, nous finançons 50 % de la carte Imagin' R.
Pour l'avenir, nous devrions surtout augmenter l'offre, la fiabilité,
la ponctualité, le confort des transports publics. Chaque fois que l'on baisse
les tarifs, c'est une perte de recettes importante. Je dois tenir compte aussi
de l'effort que je demande dans ces cas aux contribuables, et il faut un bon
équilibre entre le financement des entreprises (environ 40 %), des usagers et
des contribuables. Le prix du transport en Ile-de-France est notablement moins
élevé que dans d'autres capitales européennes, mais là où vous avez raison,
c'est que si le service est moins bon, il nous faut soit baisser les tarifs,
soit améliorer le service, et c'est le choix que nous avons fait.
Le projet de Arc express de la région et celui de rocade en grande
banlieue de M.Blanc reproduit dans certains journaux ne semblent pas du tout
compatibles. Faut-il en privilégier ou faire en sorte qu'ils s'articulent?
Arc Express est soutenu par la
région, par les départements concernés (92, 94, Paris) et aussi par l'Etat, qui
l'a inscrit avec nous au contrat de projet Etat-région. C'est un investissement
considérable, mais utile, qui créera une véritable rocade de transport
banlieue-banlieue, notamment dans les zones qui ont été récemment et fortement
urbanisées. Le dossier est lancé, nous allons ouvrir le débat public. C'est le
STIF qui prendra la décision dans quelques semaines ou quelques mois au plus.
Le projet dit "Blanc", je ne le connais pas, sauf par la
presse. Il est beaucoup plus éloigné de Paris qu'Arc Express, et il ne dessert
que deux ou trois pôles d'activité économique, en faisant l'impasse sur
l'urbanisation et sur les populations qui souffrent de temps de transport trop
longs.
Les usagers de transport comme ceux de la ligne 13, comme ceux du RER
A, comme ceux du RER B ou D, n'ont pas le temps d'attendre quarante-cinq ans,
comme le propose M. Blanc, pour une amélioration réelle de la qualité de leurs
transports. Je reste donc fidèle au projet que nous avons défini ensemble, avec
tous les acteurs.
Dans Le Monde, Bertrand Delanoë propose que la construction
d'infrastructures et de logements - sociaux notamment soit confiée à une
institution représentative de l'agglomération et non plus des communes. Qu'en
pensez-vous?
Nous avons proposé à la région de créer sur le modèle du STIF
un syndicat du logement (SLIF) qui permette de mutualiser et de mettre en
commun toutes les ressources financières en faveur du logement, et notamment du
logement social, mais aussi d'être doté de pouvoirs pour obliger les maires qui
ne respectent pas la loi SRU sur le logement social à construire. Ce syndicat
doit avoir une dimension métropolitaine. La région n'en exige pas la majorité
ni la présidence, mais il faut que tous les acteurs - agglomérations,
départements, ville de Paris, régions, bailleurs sociaux - en soient membres,
et membres actifs. On ne peut pas tolérer qu'il reste encore près de 400 000
personnes mal logées en Ile-de-France.
Face à la crise sociale, que peut faire la région ?
Deux types d'actions sont mises
en œuvre dès maintenant par la région. Un appui aux petites et moyennes
entreprises pour leur faciliter l'accès au crédit et garantir leur financement
auprès des banques. Cela représentera près de 600 millions d'euros cette année.
Et deuxièmement, un effort de formation et de sécurisation des parcours
professionnels, en particulier dans les zones en difficulté ou les filières qui
rencontrent le plus de problèmes. Par exemple, la sous-traitance automobile, le
bâtiment et les travaux publics.
Nous sommes en train de signer, j'espère fin mars, un accord de relance
des actions de formation professionnelle et de reconversion avec le Medef,
l'Etat, mais aussi la quasi-totalité des organisations syndicales. Pour le
moment, nous attendons la dernière signature, qui devrait être celle de la CGT. Cet
Enfin, bien sûr, nous avons augmenté considérablement notre budget
d'investissement pour les lycées, pour le transport, pour la formation, pour la
recherche, pour l'université, de manière à soutenir la conjoncture, notamment
dans le bâtiment et les travaux publics, et développer les emplois qui y sont
rattachés./.