Pour le président de l’UNEF, Bruno Julliard, le projet de loi renforce les travers de l’université : omnipotence des présidents et inégalités entre les établissements.
Entretien réalisé par Vincent Defait dans l'Humanité du 21 Juin 2007
Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) doit voter demain l’avant-projet de loi sur l’autonomie de l’université. Le président de l’UNEF, Bruno Julliard, explique son opposition au texte.
Que reprochez-vous à l’avant-projet de loi sur l’autonomie de l’université ?
Bruno Julliard. D’abord, alors même qu’on nous avait dit que la sélection des étudiants ne serait pas un sujet de discussion, on voit apparaître dans ce projet une sélection à l’entrée du mastère (à la fin de la troisième année - NDLR). Ensuite, les conseils d’administration (CA) seraient réduits à vingt personnes, ce qui restreint la représentation des acteurs de l’université. C’est d’autant plus grave que, si on augmente le champ de compétences des universités, on devrait y renforcer la démocratie. Or là, on fait l’inverse.
Ensuite, sur le contenu même de l’autonomie, nous sommes défavorables, en accord avec les syndicats d’enseignants et les présidents d’université, à l’établissement d’une autonomie à la carte, comme le prévoit le texte : on choisit d’être propriétaire ou pas de ses bâtiments, d’avoir un budget global ou pas, etc. Cela organise statutairement une université à plusieurs vitesses. Or un même statut pour l’ensemble des universités nous apparaît comme un élément essentiel du service public d’enseignement supérieur.
Les représentants des étudiants sont fortement marginalisés dans les CA...
On nous dit que c’est un gage d’efficacité. C’est l’inverse. Pour que l’université fonctionne, elle a besoin que tous les acteurs soient parties prenantes.
Pour autant, l’UNEF s’oppose-t-elle au principe de l’autonomie des universités ?
Cette autonomie existe déjà. Il faut surtout améliorer le fonctionnement des universités. Quitte à leur octroyer plus de compétences sur certains points. De là à donner les pleins pouvoirs aux présidents pour le recrutement des enseignants, non. De plus, avec un CA réduit à vingt membres, dont sept nommés par le président, celui-ci aura un CA à sa botte. Il aurait été plus intéressant de donner à ce même président plus de poids politique.
Qu’entendez-vous par là ?
Par exemple, les UFR (Unités de formation et de recherche, qui subdivisent les établissements - NDLR) ont trop de poids. Nous sommes donc favorables à un poids plus important des présidents au détriment des UFR, donc du corporatisme et du mandarinat. Cela implique que le président soit élu en même temps que les conseils, par exemple. C’est le seul point positif de la loi.
Vous réclamiez une réforme globale des universités. Or, le gouvernement a découpé son action en plusieurs volets. Qu’en pensez-vous ?
Le gouvernement veut faire passer tout ce qui est polémique au mois de juillet. Nous avons eu le texte de loi mardi après-midi et nous devons le voter demain (lors du CNESER). Nous avons donc eu trois jours pour négocier la loi, alors que le premier ministre a dit qu’il s’agissait de la loi plus importante de la législature ! C’est un passage en force.
À quoi vont servir les assises organisées par les syndicats d’enseignants et d’étudiants avec les présidents d’université ?
Pour nous, il n’est pas possible d’instaurer un rapport de forces au mois de juillet, les étudiants n’étant pas dans les universités. Nous devons donc peser au maximum dans les jours et les semaines prochaines pour éviter que ce texte inacceptable soit voté en l’état, et pour l’améliorer. Fin juillet, nous jugerons sur pièce. En l’état, la loi mérite une mobilisation à la rentrée. J’ajoute que le texte n’est pas le fruit des discussions avec la ministre. Surtout, il est largement teinté d’un esprit de revanche sur mai 1968 et sur le monde universitaire hostile à la droite. C’est regrettable parce que nous nous sommes engagés dans les discussions de manière ouverte en refusant le statu quo. Mais, ce projet de loi est vraiment pire que le statu quo.